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EL REINO

La fiche

Réalisé par Rodrigo Sorogoyen  – Avec Antonio de la Torre, Monica Lopez…
Espagne Drame, polar – Sortie : 17 avril 2019 – Durée : 131 mn

Synopsis : Manuel López-Vidal est un homme politique influent dans sa région. Alors qu’il doit entrer à la direction nationale de son parti, il se retrouve impliqué dans une affaire de corruption qui menace un de ses amis les plus proches. Pris au piège, il plonge dans un engrenage infernal…

La critique du film

Manuel est un politicien promis à un grand avenir. Membre influent à l’échelle régionale de son parti, il semble plus grand que cette échelle locale où il excelle depuis déjà plusieurs années. Cette volonté de grandir et de dépasser le cadre des habitudes va être le point de bascule qui va tout modifier pour lui, et donner tout son sel au successeur de Que dios nos perdone, long-métrage précédent de Rodrigo Sorogoyen, réalisateur espagnol de 37 ans. El reino est avant tout un polar : les codes sont là, une affaire criminelle, un rythme haletant imprimé par le biais d’une course poursuite chronométrée pour le personnage principal pour sauver sa peau.

Si Manuel était un roi dans l’exposition du film, il devient très rapidement tout autre chose, une sorte de sacrifice sur l’autel de la politique politicienne. Pris dans une affaire judiciaire mettant en cause tout le système corrompu de son parti, il en devient le bouc émissaire bien pratique, la machine doit perdurer, lui peut être mis à l’arrêt.

Rien de bien original dans ce canevas a priori, les ressorts scénaristiques de ce type de fiction sont bien connus, et on pourrait dès lors se diriger vers un énième film naviguant du policier au thriller, son dénouement et ses personnages déjà condamnés d’avance et le spectateur à un ennui certain. Mais Sorogoyen en décide autrement, nourrissant un projet plus ambitieux et intéressant.

En effet, Manuel Lopez-Vidal (Antonio de la Torre) n’est pas le winner annoncé, il est même tout l’inverse. Son univers se désintégrant, il se révèle même être un homme médiocre, qui rate tout ce qu’il entreprend, et ce qui devient passionnant dans ce récit est de voir quelle nouvelle embûche va bien pouvoir entraver et bousculer le protagoniste dans la scène suivante. La gaucherie de Manuel est confondante, en témoigne cette scène où la police perquisitionne son domicile. Le politique tente de cacher des preuves compromettantes dans ses chaussettes, avant bien évidement de se faire repérer par un policier très au fait de ce type de manœuvre de dissimulation. C’est en cela que la mise en scène de Rodrigo Sorogoyen fait naître de la surprise et de l’intérêt : il se plait à malmener ce pauvre Manuel, le faisant trébucher et déjouer chaque fois qu’il nous fait espérer une issue.

L’étau se resserre…

Le destin du personnage est d’être mis en échec quoi qu’il se passe, toute tentative de sa part d’incriminer l’ensemble de l’appareil politique se révélant là aussi vain. Même dans son désespoir, manifesté par la volonté de faire tomber tous ses anciens amis, il semble devoir rester seul face à ses erreurs, ses manques et sa nécessaire reddition de comptes. Sorogoyen appuie là où cela fait mal, car si Manuel n’est qu’un tout petit rouage d’une plus vaste machinerie corrompue, il doit être un exemple avant tout de ce qu’il ne faut pas faire. Il y a quelque chose de jouissif et de pervers à le voir se tourner en ridicule dans ses entreprises de réhabilitation.

Il faut féliciter le rythme implacable du film qui ne laisse pas une seconde de répit au spectateur, avec une musique très présente qui est comme pulsative. On entend les battements du cœur de Manuel, gagné par l’angoisse de l’étau qui se referme sur lui pour l’étouffer petit à petit sans retour possible.

El reino est une belle réussite, couronnée en Espagne par sept Goyas, l’équivalent ibérique des César, et auréolé d’un beau succès d’estime. Si l’on se place dans le cinéma de genre, très calibré, des films policiers, il faut souligner encore une fois la qualité de la mise en scène de Rodrigo Sorogoyen, et sa volonté de montrer à chaque plan non pas une sorte d’anti-héros qui aurait toujours un coup d’avance sur tout le monde, mais bien une sorte de loser ridicule, maladroit et trébuchant sur les « cadavres » de sa funeste carrière politique fondé sur la corruption et le détournement d’argent public.

Si El reino n’est pas à proprement parlé un film politique, il décrit tout un système qu’il ne lasse pas d’éreinter par l’absurde avec beaucoup de talent et d’à propos. Si le film est un peu long, plus de deux heures, il paraît pourtant économe dans ses effets et ne gâche aucun instant pour raconter son histoire qui sonne comme une course poursuite ou une déchéance sublime.



La bande-annonce

Au cinéma le 17 avril




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