CONFIDENTE
Ankara, 1999. Arzu enchaîne les appels tarifés dans le call center érotique où elle travaille. Quand un séisme soudain frappe Istanbul, un jeune homme avec lequel elle était en ligne est pris au piège sous des décombres et la supplie de le sauver. Arzu saurait bien qui appeler… au péril de sa propre vie.
Critique du film
Quatrième long-métrage du couple franco-turc Çağla Zencirci et Guillaume Giovanetti, Confidente a été réalisé dans l’urgence et dans des conditions difficiles et précaires. Le tournage, qui a duré quatorze jours répartis sur trois semaines, pouvait s’arrêter à chaque instant. Peut-être cet écueil a-t-il permis à l’équipe du film de se dépasser pour offrir un long-métrage de soixante-seize minutes, sans temps mort et d’une grande intensité.
Confidente appartient à ce sous-genre, assez prisé depuis quelques années, du thriller téléphonique, huis clos claustrophobique et angoissant. Sabiha, jouée magnifiquement par Saadet Işıl Aksoy, qui porte le film de bout en bout, travaille comme opératrice dans un call center érotique à Ankara, à cinq cents kilomètres d’Istanbul. Elle porte le pseudonyme d’Arzu et dissimule à son entourage la nature de son emploi, jugé a priori trop sulfureux pour obtenir la garde de son fils dans cette Turquie de 1999, marquée par le patriarcat, un climat politique et social tendu, et la corruption des élites. Sabiha reçoit donc des appels d’hommes aux fantasmes variés, plus ou moins banals ou tordus. Elle prend des notes dans un carnet sur les demandes et les propos de ses clients réguliers afin de satisfaire au mieux leurs attentes et de créer un sentiment de proximité, d’intimité avec eux.

Un tremblement de terre survient à Istanbul et l’un de ses clients, coincé dans un éboulement, a le réflexe d’appuyer sur la touche de rappel de son téléphone. Sabiha, qui malgré un quotidien compliqué et assez sordide — elle subit les avances répétées du manager du call center, à l’allure de proxénète, mais aussi les jalousies et manœuvres de certaines de ses collègues — conserve une véritable empathie pour les autres et va tout faire pour sauver le jeune homme. Pour cela, elle décide de faire pression sur un autre de ses interlocuteurs, un procureur sur lequel elle sait beaucoup de choses et qui est la seule personne en mesure de donner l’ordre aux secours d’intervenir.
Thriller politique, charge sociale contre la corruption des élites et le patriarcat, drame intimiste, Confidente est tout cela à la fois. Ce qui en fait la richesse du film, mais constitue parfois une légère limite. À trop vouloir instiller une grande complexité et multiplier les niveaux de lecture, le récit pourrait perdre en impact et en crédibilité. Les rebondissements sont nombreux et certains peuvent sembler superfétatoires. L’ensemble demeure toutefois solide grâce à une mise en scène efficace, à la qualité de l’interprétation et au travail du chef opérateur Eric Devin. Sabiha reste, malgré les circonstances, une femme en quête de vérité, dont les actes sont en adéquation avec les valeurs qu’elle défend. Ce personnage, courageux et déterminé à préserver sa dignité, n’est pas dénué d’ambiguïté ni de mystère, comme le suggèrent l’ultime image du film et la chanson choisie pour accompagner le générique de fin.






