LAURENT DANS LE VENT
À 29 ans, Laurent cherche un sens à sa vie. Sans travail ni logement, il atterrit dans une station de ski déserte hors-saison et s’immisce dans la vie des rares habitant·es qu’il rencontre. Quand les touristes arrivent avec l’hiver, Laurent ne peut plus repartir.
Critique du film
Situé en montagne et hors saison, le nouveau film de Mattéo Eustachon, Léo Couture et Anton Balekdjian s’inscrit en contrepied de leur précédente réalisation, Mourir à Ibiza (un film en trois étés). Habités par une même démarche artisanale, ces trois touche-à-tout ont littéralement fabriqué Laurent dans le vent à 6 mains. En plus de partager les fonctions de réalisateurs et de scénaristes, Anton garantissait la continuité dans le rôle du scripte, Léo était chef opérateur son et a ensuite composé la musique, quand Matteo officiait en tant que chef opérateur.
Leur méthode est simple mais novatrice, le scénario est guidé par les tribulations de son personnage et non l’inverse. Dans le même esprit, Laurent dans le vent est un film qui se fond dans son paysage, qui s’y enracine, même, jusque dans la distribution des rôles à des locaux. Ces acteurs et actrices non-professionnelles deviennent donc les garants de l’âme des lieux, renforçant ainsi cette idée d’une vie montagnarde bien réelle, et composent un casting hétéroclite aux côtés de Béatrice Dalle et Thomas Daloz. Dans le rôle de Laurent, Baptiste Perusat apporte une physicalité malléable, un corps tout à la fois robuste et d’une grande douceur, une forte personnalité dans une enveloppe discrète.

Pourtant tourné avec une précision naturaliste rappelant parfois celle du documentaire, Laurent dans le vent s’affranchit également de la rigidité de ce cahier des charges pour agrémenter son réalisme d’un conte discrètement empreint de merveilleux. Cette description, ajoutée à un ancrage local, un goût pour les personnalités fantasques et une approche frontale du désir rappellent souvent le cinéma d’Alain Guiraudie.
Loin de n’être réduits qu’à cette référence, nos trois réalisateurs s’offrent une liberté bienvenue et totalement assumée. Cela aboutit à un film rafraîchissant et d’une folle modernité, qui charme par le ton enjoué employé pour aborder des sujets graves. C’est une réflexion sur la réparation mutuelle, sur les trajectoires croisées de personnes que rien ne prédisposait à la rencontre, et qui finissent par former une petite communauté, unis face à une société violente dans laquelle ils ne se retrouvent pas.
L’observation de ces vies marginales se fait avec tact et profondeur, mais aussi beaucoup d’humour, autant burlesque dans les situations que mordants dans les échanges. Après l’été et l’hiver, on a hâte de découvrir le reste des saisons vues par ce trio singulier.
31 décembre 2025 – De Anton Balekdjian, Léo Couture, Mattéo Eustachon






