Dewaels-Lebghil

SALOMÉ DEWAELS & WILLIAM LEBGHIL | Interview

Quelques heures avant la présentation de Nino à la Semaine de la critique, nous avons rencontré Salomé Dewaels et William Lebghil sur la plage cannoise. Dans une atmosphère ensoleillée et complice, les deux comédien·ne·s évoquent l’expérience singulière d’un tournage construit en binômes, leur travail avec Pauline Loquès et Théodore Pellerin, ainsi que l’importance d’une direction bienveillante. Entre confidences sur leurs personnages et digressions plus légères, l’entretien révèle une belle complicité humaine, à l’image de ce film choral sensible.

Nino est une sorte de film choral, très resserré sur des interactions et construit là-dessus, où les personnages secondaires sont tout aussi importants que lui, mais paradoxalement ne se croiseront quasiment jamais. Pouvez-vous nous parler de votre expérience de ce tournage particulier, où chaque scène se déroulait presque en binôme ?

Salomé Dewaels : J’ai lu plusieurs fois le scénario avant de partir sur le projet, et très vite, une fois que j’ai été prise, j’ai abandonné tout ce dont le personnage de Nino pouvait vivre avant moi et après moi, pour pouvoir être au plus proche des émotions du personnage, de ne pas essayer d’analyser en pensant « Tiens, il réagit comme ça, face à moi, parce que juste avant, il avait tout ça. » Quand on fait un film et qu’on n’est pas là tout le temps, c’est assez génial de se créer son propre court-métrage, son histoire en quelque sorte.

Et j’ai adoré vivre ce moment très privilégié, du coup, avec mon personnage, Zoé, et Nino, les deux. Quand je découvrais le film, je vais découvrir sa vie, ses amis, sa famille. Ça m’a aidée au jour, je pense.

William Lebghil : Oui, c’est vrai, c’est un peu ça. Parce que le parcours du personnage, c’est ça. Il navigue au travers d’étapes. On est un peu des étapes de son cheminement psychique. Là, c’était vraiment très agréable. C’était intense. Il y a beaucoup de scènes de fêtes et d’embrassades. Comme Salomé, quand j’ai découvert le scénario, j’ai été vraiment très touché et j’aime bien les films qui se passent sur un temps aussi rétréci.

Cette temporalité de trois jours est très importante.

Salomé : Il n’y avait pas beaucoup de décors. J’ai tourné beaucoup dans l’appartement, ce qui amenait presque un huis clos. Du coup, ça crée une proximité, même avec l’équipe technique, il y avait ce truc de vivre l’expérience ensemble, cloîtrés.

Et cette grande proximité se ressent rapidement entre vous et le personnage de Nino. Et le spectateur peut également s’identifier très vite à Nino, à sa vie. Comment Pauline Loquès vous a-t-elle amené·e·s à ça ? Aviez-vous beaucoup répété avec Théodore (Pellerin) ?

Salomé : On a fait des répétitions, mais pas beaucoup. On lisait ensemble, on essayait des choses, mais on n’a rien fixé. Sur le plateau, on était libres de se placer où on voulait, même s’il y avait des contraintes techniques. Dans l’écriture de Pauline, il y a quelque chose de tellement vrai, tellement juste, que quand j’ai lu le scénario et que je l’ai relu, je me suis dit que ça allait être facile. Pas dans le sens facile « les doigts dans le nez », mais ça allait être proche de nous. C’est facile de jouer avec Théodore. Il est d’une telle générosité qu’on n’a plus le sentiment de jouer. Il t’amène à cette réalité qui rend vraiment tout agréable.

William : C’est vraiment très agréable de jouer avec lui. C’est un formidable comédien. Il est très enveloppant.

Nino Salomé Dewaels

Salomé : Mais pour répondre à votre question, je n’ai pas eu le souvenir qu’on ait fait beaucoup de prises. On a essayé certaines choses. Parfois, j’avais besoin de trouver la consistance de mon personnage qui est très ancré dans le quotidien.

C’était un saut dans le grand bain…

William : Cela dépend de la façon de faire du ou de la cinéaste. Moi, j’aime bien me sentir un peu manipulé.

Salomé : Moi aussi, j’adore. On va juste régler des curseurs et moi, je n’ai qu’à suivre. Pauline est tellement gentille, elle nous aime tellement que c’était très bienveillant. Elle vient nous aider à régler des choses. Il n’y a pas de d’égo. Des fois, on ne trouve pas.

William : Franchement, Pauline est vraiment très très forte pour ça.

La direction d’acteur et l’écriture sont deux des grosses qualités du film.

Salomé : Ça se sentait sur le plateau, pas seulement pour les acteurs et les actrices, c’était vraiment l’équipe ethnique qui était dans cette bulle, ce nuage de bienveillance.

Nous avons interviewé Monia Chokri hier, qui fait de la bienveillance l’un de ses moteurs dans la création collective.

Salomé : C’est très important. On est des humains, avec des sentiments. Un film, ça nous suit. On aime bien être manipulé·e·s, mais pas malmené·e·s non plus.

Nino

Autre projet de troupe pour vous William, il y a eu Hippocrate que vous avez rejoint dans la saison 3, dans laquelle vous incarnez le nouveau compagnon d’Alison (Alice Belaïdi). Vous étiez l’élément extérieur, le contrepoids. Quelle a été votre expérience dans cette position ?

(William explique son personnage à Salomé, qui n’a pas vu la saison 3)

William : C’est vrai que mon personnage est habitué à travailler dans le privé, il est habitué à travailler… « normalement », c’est à dire avec tous les outils dont il a besoin. Et lorsqu’il arrive dans le public, il se rend compte que c’est un « bordel » monstre.

La santé est en souffrance en France… Nino en fait l’expérience au début du film. Un peu comme la culture…

William : J’aurais beaucoup de choses à dire là-dessus, sur nos dirigeants qui réduisent les budgets…

Salomé : William, président ! William, président ! (Rires)

William : Merci à tous. Merci !

Gardez votre discours pour les prochains César…

William : Voilà, en attendant, « on aime la culture, on trouve que c’est bien. C’est super la culture ! » (Rires)

De votre côté, Salomé, on devrait vous retrouver en fin d’année dans le film Louise, aux côtés de Diane Rouxel et Cécile de France. Pouvez-vous nous parler de ce projet avec cette belle distribution féminine ?

Salomé : C’est l’histoire d’une jeune fille qui s’est enfuie de sa maison quand elle était plus jeune pour ses raisons et elle repart sur la trace de sa famille. J’incarne le personnage de Jeanne, une jeune musicienne qui est basée à Bruxelles avec sa mère. Elles vont se rencontrer et… On ne peut pas en dire plus. (rires)

Rendez-vous en décembre…


Propos recueillis par Le Bleu du Miroir au festival de Cannes