MOI QUI T’AIMAIS
Elle l’aimait plus que tout, il l’aimait plus que toutes les autres. Simone Signoret et Yves Montand étaient le couple le plus célèbre de leur temps. Hantée par la liaison de son mari avec Marilyn Monroe et meurtrie par toutes celles qui ont suivi, Signoret a toujours refusé le rôle de victime. Ce qu’ils savaient, c’est qu’ils ne se quitteraient jamais.
Critique du film
Simone Signoret, assise sur l’herbe du parc jouxtant sa propriété normande, contemple avec une fascination sincère son époux, Yves Montand. Elle confie à Nadine Trintignant, sans détacher son regard de son mari : « Ça me plaît d’avoir quelqu’un qui plaît. » Réplique de Trintignant : « Et de courir les risques ? » Cette discussion a bien eu lieu, mot pour mot, mais dans un autre contexte et avec d’autres interlocuteurs. Dans la réalité, c’est avec la journaliste France Roche que l’actrice s’amusait de la réputation de séducteur de Montand.
Cette altération du réel n’est pas le seul pied de nez signé Diane Kurys, qui n’a pas abordé ce biopic sur le couple Montand-Signoret avec l’ambition de restituer fidèlement la vérité historique. Dès le prologue, Marina Foïs et Roschdy Zem apparaissent dans un léger décalage par rapport au reste du récit : ils jouent curieusement leur propre rôle, leurs noms étant inscrits sur les loges où on les voit se préparer à incarner les deux stars. Puis des images d’archives, laissées intactes, viennent entamer l’illusion réaliste dont raffolent habituellement les biopics. La fétichisation d’une époque est également rejetée par la cinéaste, à l’image du personnage interprété par Marina Foïs. Nostalgique désabusée, elle se lamente qu’« il n’y a rien de pire que d’avoir été belle » et ordonne à sa femme de ménage Marcelle de jeter ses souvenirs dans le feu de la cheminée.

En situant le récit à partir de 1974, jusqu’aux derniers mois de Signoret, Kurys choisit de montrer le couple à l’automne de son existence. Mariés depuis 1951, ils apparaissent après deux décennies de vie commune, avec leur lot de reproches, de rancunes et de déceptions. Les illusions dissipées, les secrets éventés, ils se révèlent dans leur plus grande vulnérabilité. Comme dans cette scène où Signoret cherche à arracher à Montand l’aveu d’un nouvel adultère. Lui, lâche et fuyant, fait mine de ne pas comprendre, puis rassemble ses affaires pour aller dormir à l’hôtel. Elle, bouleversée, s’effondre à ses pieds, agrippée à la cheville d’un homme qu’elle n’a jamais réussi à retenir auprès d’elle.
Aux séquences où leur couple semble irrémédiablement dysfonctionnel répondent des scènes de complicité sincère. Peu importe les fractures, Montand finit toujours par regagner le foyer. Mais cette mécanique cruelle provoque d’immenses souffrances chez Signoret, qui sombre dans l’alcool et la dépression à chaque départ de son mari. Par excès de prudence, Kurys évite pourtant de trancher trop sévèrement : ni contre l’homme qui a abusé de la confiance de sa femme, ni contre cette épouse incapable de rompre une relation toxique. Le dernier plan, empreint d’un idéalisme naïf et d’une certaine mièvrerie, vient aplanir les aspérités d’un récit qui aurait pu s’avérer plus implacable et offrir un regard plus contemporain sur ce couple mythique.
Bande-annonce
1er octobre 2025 -De Diane Kurys






