FATHER MOTHER SISTER BROTHER
Trois histoires qui parlent des relations entre des enfants adultes et leur(s) parent(s) quelque peu distant(s), et aussi des relations entre eux.
Critique du film
Six ans après avoir investi l’univers des zombies avec The Dead Don’t Die, Jim Jarmusch revient à l’une de ses formes de prédilection, le film à segments. Dans la lignée de Night on Earth (1991) ou de Coffee and Cigarettes (2003), il propose trois sketches en mode mineur autour de la communication familiale et du deuil.
Un plaisir de spectateur naît grâce à la première partie : celui de retrouver Tom Waits, sa voix caverneuse et son allure d’antihéros de western quelque part aux États-Unis. Le musicien, acolyte de longue date du cinéaste, est parfait pour incarner ce père mutique dont les deux enfants (Adam Driver et Mayim Bialik) lui rendent visite peu de temps après la mort de leur mère. Taciturne, pas démonstratif pour un sou (et c’est peu de le dire), cet homme à priori détaché des choses apparaît dans un dénuement total. Son incapacité à s’épancher naturellement avec sa progéniture commence à créer de la curiosité… De leur côté, la fille et le fils sont aussi peu diserts que lui. S’ensuivent alors diverses micro-situations, à la lisière de l’absurde, et de courts dialogues où les mots auront du mal à sortir – mais ont-ils vraiment des choses à se dire ? Ce segment annonce la couleur. Il est le plus réussi, en partie grâce à son twist mémorable.

Le deuxième court métrage, situé à Dublin, reprend une composition similaire au premier, cette fois-ci autour d’une mère (Charlotte Rampling) qui reçoit la visite de ses deux filles, incarnées par Vicky Krieps et Cate Blanchett, à l’apparence très stylisée – on devine dans la garde-robe des personnages la patte du co-producteur Saint Laurent. Là encore, le contact entre les enfants et leur parent se trouve embarrassé. Les non-dits provoquent de la bizarrerie, les silences s’éternisent… Il s’agit à nouveau d’un dialogue impossible et d’une incompréhension entre deux générations.
Enfin, le dernier moment, le moins fort hormis un plan devant un box rempli de cartons, est filmé à Paris et met en scène un frère et une sœur sans parents, auxquels Jim Jarmusch se contentera de suggérer un mystérieux passé. Le cinéaste se gardera d’élargir outre mesure le jardin secret de ses personnages, pour laisser un (trop) large espace de pensée au spectateur, comme dans un tableau dans lequel une partie de la toile serait volontairement vide.
Cette retenue fait style, mais elle pose une limite dont on ne sortira pas. Avec ces trois variations sur un même thème, le cinéaste avance par touches très légères en disséminant ça et là de petits échos, au détour d’une réplique ou par référence à un objet, à la façon de cailloux posés parcimonieusement sur un chemin. À l’arrivée, l’ensemble est extrêmement épuré et son calme olympien nous laisse tout de même sur notre faim.






