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ÉVANOUIS

Lorsque tous les enfants d’une même classe, à l’exception d’un, disparaissent mystérieusement la même nuit, à la même heure, la ville entière cherche à découvrir qui — ou quoi — est à l’origine de ce phénomène inexpliqué.

Critique du film

Il y a près de trois ans, le nom de Zach Cregger s’était fait remarquer des aficionados du cinéma d’horreur avec la sortie de Barbarian, un thriller à tiroirs tenant habilement sur un fil entre la terreur pure et la comédie. Aujourd’hui, le cinéaste revient plus ambitieux que jamais avec Évanouis. Ce thriller possède comme point de départ la recherche d’enfants mystérieusement disparus au sein d’une petite ville américaine, pour dévier ensuite vers une satire acerbe de l’individualisme inhérent à la culture américaine.

Pour mieux comprendre le terme « ambitieux », il faut prendre le temps d’évoquer la principale référence du film : Magnolia. En 1999, Paul Thomas Anderson nous emmenait de manière opératique dans la vie tumultueuse de plusieurs habitants de San Fernando. Bien que ces personnages s’y croisaient à de multiples reprises, nous y suivions leurs égarements solitaires pour découvrir une part plus névrotique des États-Unis. Sur une durée de trois heures, le film déballait alors toute sa virtuosité émotionnelle et ses moments de stupéfaction. Zach Cregger, pour Évanouis, part du même postulat : dépeindre la vie d’une banlieue américaine marquée par un événement inexplicable, en se focalisant sur plusieurs portraits. Aux grands effets lacrymaux (ne vous attendez pas à ce que Josh Brolin, Julia Garner et Austin Abrams s’arrêtent chacun.e de leur côté pour chanter du Aimee Mann…) le réalisateur va privilégier les cris d’effrois et les rires nerveux.

La grande réussite du film tient dans son inventivité à faire perdurer son mystère. Un mystère qui se glisse dans l’atmosphère du film. Le morceau planant de George Harrison, Beware of the Darkness, ouvre le récit en accompagnant les images inquiétantes des disparitions d’enfants. Des enfants lâchés en pleine nature, sans information laissée à quiconque, qui vont alors lancer l’intrigue. Le suspense laissé par ce phénomène mystérieux, Cregger le développe créativement par un procédé d’écriture basé sur le récit à tiroir. Chaque chapitre de ce conte horrifique est focalisé sur un personnage impliqué (in)directement dans cette affaire et va présenter un point- de- vue différent. Nous suivrons aussi bien l’enseignante des élèves disparus, devenue la bouc- émissaire des habitants de la ville, qu’un policier faisant pathétiquement ce qu’il peut pour sauver les meubles. Ce parti-pris est alors réjouissant pour le côté « attraction » du cinéma de genre. 

Evanouis

Mais il est surtout intéressant pour la dimension satirique du film qui, au même titre que Barbarian, attaque frontalement un mode de pensée individualiste qui provoque du tort aux générations à venir. Un peu comme si Faute d’Amour d’AndreïÏ Zviaguintsev devenait un film d’horreur-pop de Jordan Peele, il est intéressant de voir à quel point l’intrigue centrale des enfants disparus devient secondaire lorsque le film dérive vers les préoccupations des habitants de la ville, centrés sur eux-mêmes (recherche de réponses, d’argent, de compagnie, d’une bonne image…). Sur ce point, le film demeure assez méchant. Il l’est également lorsqu’il déploie lentement toute sa dimension horrifique. Car Évanouis n’oublie pas d’offrir à son public ce qu’il cherchait : un tour de maison hantée, qui serait situé dans une ville en apparence tranquille des États-Unis. Toujours sûr de ses effets, Cregger se montre constamment en mesure d’impacter son public par l’irruption d’images graphiques fortes, survenant toujours lorsque l’on s’y attend le moins. Dans un grotesque assumé, jusqu’à l’explication finale usant d’un trope aussi bien connu chez Shyamalan que dans les contes de fée, la terreur du film fait toujours entendre un rire nerveux dans la salle.

Évanouis est un très bon complément à Substitution, sorti la semaine dernière. Là où les frères Philippou proposaient une spirale infernale jusqu’au désespoir pour évoquer l’emprise sur les enfants, Cregger préfère se montrer insolent dans une démarche d’épouvante spectaculaire et grand public. Le cinéaste témoigne alors de la grande force du cinéma d’horreur en tant qu’objet populaire, critique et fédérateur.


6 août 2025 – De Zach Cregger