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LES CHEVALIERS BLANCS

5
Ambigu

Jacques Arnault, président de l’ONG « Move for kids », a convaincu des familles françaises en mal d’adoption de financer une opération d’exfiltration d’orphelins d’un pays d’Afrique dévasté par la guerre. Entouré d’une équipe de bénévoles dévoués à sa cause, il a un mois pour trouver 300 enfants en bas âge et les ramener en France. Mais pour réussir, il doit persuader ses interlocuteurs africains et les chefs de village qu’il va installer un orphelinat et assurer un avenir sur place à ces jeunes victimes de guerre, dissimulant le but ultime de son expédition… 

Cause perdue.

S’il y a un terme qui peut parfaitement résumer Les Chevaliers blancs, c’est bien « ambiguïté ». En s’inspirant de la tristement célèbre affaire de l’Arche de Zoé (en 2007, les membres d’une ONG sont arrêtés au Tchad alors qu’ils s’apprêtaient à expatrier illégalement en France 103 prétendus orphelins de guerre), Joachim Lafosse cherche à sonder la limite entre le bien et le mal. Il dresse ainsi les portraits d’hommes et de femmes tous plus ambigus les uns que les autres dans leur jusqu’au-boutisme à mener à bien une entreprise criminelle sous couvert d’humanitaire. Sont-ce des personnes réellement animées de bonnes intentions mais dépassées par leur amateurisme ? Sont-elles seulement aveuglées par leur envie de bien faire ? Sont-elles plus motivées par le sauvetage d’enfants ou par la volonté de donner un enfant à ceux qui ne peuvent en avoir ? Ou alors, est-ce plutôt une quête personnelle qui les anime ? Un besoin égoïste de reconnaissance ? Une rédemption ? Une recherche d’adrénaline ? Tout comme la piste financière ne serait pas à négliger pour certains des rouages de l’organisation. Autant de questions assez bien posées par le film, notamment à travers le personnage principal Jacques Arnault, le président de l’association, dont l’interprétation tout en nuance de Vincent Lindon appuie encore un peu plus l’ambivalence. Autour de celui-ci, gravite un ensemble de seconds rôles qui viennent compléter la réflexion de Joachim Lafosse, et dont se détache surtout Reda Kateb, parfait en intermédiaire de terrain, témoin volontairement aveugle, dont le dévouement ne pourrait peut-être se résumer qu’à la recherche de son propre profit.

Si la volonté de mettre en avant cette ambiguïté des protagonistes est intéressante, elle a aussi une limite, celle de rendre l’entreprise de Joachim Lafosse elle-même ambiguë. En effet, le réalisateur choisit de ne montrer qu’un seul point de vue, celui des membres de l’ONG. Le seul personnage qui les met un peu face à leur contradiction est une journaliste (interprétée par l’excellente Valérie Donzelli) dont le point de vue critique est malheureusement sous-exploité voire mal exploité, puisqu’elle finit par être elle-même embrigadée dans l’entreprise. Par ailleurs, la population tchadienne n’est vue que par le prisme de l’ONG. Si Joachim Lafosse critique la façon dont Jacques Arnault se comporte avec la population locale, donnant à leurs rapports des allures proches du colonialisme, il est regrettable qu’il ne donne jamais la parole aux Tchadiens. Pourquoi, par exemple, ne pas avoir montré l’entreprise de dénonciation organisée par l’interprète locale engagée par l’association ? Egalement, pourquoi ne jamais évoquer à la fin du film les procès tchadiens et français des membres de l’ONG ? Joachim Lafosse se défend de s’être uniquement inspiré de l’affaire de l’Arche de Zoé, non dans un but de vérité mais bien de fiction, et avant tout dans le but de questionner sur le bien et le mal. Soit, il y arrive même plutôt bien, mais en refusant d’autres points de vue que celui des protagonistes qu’il souhaite analyser, il perd tout sens critique vis-à-vis d’eux. Ce qui est un peu gênant…

La fiche

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LES CHEVALIERS BLANCS
Réalisé par Joachim Lafosse
Avec Vincent Lindon, Louise Bourgoin, Valérie Donzelli, Reda Kateb…
France, Belgique – Drame
Sortie : 20 Janvier 2016
Durée : 112 min




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selenie
8 années il y a

Tout à fait d’accord, déception, cet façon d’en faire de bons samaritains piégés par leur ambition bienfaitrice teintée d’inexpérience est un peu facile et, à la fois, dangereux…

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