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HIDEO KOJIMA, AUX FRONTIÈRES DU JEU

Figure majeure du jeu vidéo depuis bientôt quarante ans, Hideo Kojima a dès sa première création, Metal Gear, initié un genre entier, le jeu d’infiltration, qu’il réinventera sans cesse dans les épisodes suivants, les Metal Gear Solid. Sorti avant la crise du COVID-19, son dernier jeu, Death Stranding ne ressemble à rien de connu, tout en résonnant pleinement avec notre présent, le joueur y incarnant un livreur bravant un environnement devenu toxique, afin d’apporter leurs colis à des humains terrés dans des bunkers…

La frontière entre cinéma et jeux vidéo n’a cessé de se rétrécir ces dernières années, avec un goût toujours très prononcé pour intégrer de plus en plus d’images directement filmées à des narrations dont la mise en scène cinématographique est indéniable. On constate en effet la multiplication des jeux dit de « full motion video », où le joueur ne fait que se déplacer au sein d’un film, agissant sur les choix des personnages et donc du scénario. Dès la fin des années 1980 avec Metal Gear (1989), Hideo Kojima fut un des précurseurs de cette porosité entre grammaire filmique et jeux multimédia, l’un nourrissant l’autre dans une hybridation toujours plus prononcée.

À l’instar d’autres acteurs majeurs de la scène vidéoludique, Kojima est un autodidacte qui a amené dans ce medium tout son univers très personnel peuplé de films et de littérature, ce pour révolutionner l’approche de son art au sein du studio Konami. Erwan Desbois, critique de cinéma et auteur notamment pour le site Accreds, nous emporte dans une analyse détaillée et exhaustive de toute l’œuvre du japonais, de ces premiers jeux sur PC dans les années 1980, jusqu’à son dernier succès Death Stranding (2019) sorti en exclusivité pour Sony et sa Playstation 4.

Death Stranding
Ce petit livre de 160 pages est précieux en ce qu’il développe la singularité de l’approche de Kojima : le lien entre le jeu et le joueur est au cœur de la démarche du créateur qui ne cesse de vouloir le remettre en question, dans une logique méta toujours plus poussée et audacieuse. Tout du long de sa saga Metal Gear, puis Metal Gear Solid, Kojima se rêve en metteur en scène qui manipule le joueur qui influe moins sur l’histoire qu’elle ne le contrôle lui-même.

Kojima est également un maître pour créer des évènements autour de ses jeux, véritables blockbusters aux budgets pharaoniques qui ont même réussi le luxe de s’affranchir de la tutelle de Konami. Death Stranding est en effet ce que l’on peut appeler le premier jeu AAA indépendant, doté d’une manne financière colossale sans être inféodée à un studio castrateur. Ce sont tous ces détails qu’analyse Erwan Desbois avec une précision, une verve et une plume particulièrement belles et poétiques qui sont autant de ravissement tant pour les cinéphiles que pour les joueurs chevronnés.

LIVRE ÉDITÉ PAR PLAYLIST SOCIETY, 2022, 160 PAGES, 14 euros.




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