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THE FATHER

THE FATHER raconte la trajectoire intérieure d’un homme de 81 ans, Anthony, dont la réalité se brise peu à peu sous nos yeux. Mais c’est aussi l’histoire d’Anne, sa fille, qui tente de l’accompagner dans un labyrinthe de questions sans réponses.

Critique du film

Récompensé d’un deuxième Oscar pour sa solide performance dans The father, Anthony Hopkins interprète Anthony, un octogénaire qui essaie de comprendre comment sa vie s’articule. Il est en quelque sorte devenu la pièce manquante de son propre puzzle personnel. Dans son appartement spacieux à Londres, le veuf clame à qui veut l’entendre – principalement à sa fille, Anne incarnée avec beaucoup d’humanité par Olivia Colman -, qu’il va parfaitement bien et que son intellectuel est solide comme de l’acier. Pourtant, il pourrait bien y avoir de la rouille çà et là.

Progressivement, Anthony s’emmêle dans les noms et les dates et semble perdre la notion du temps, lui qui tient férocement à sa montre – qu’il égare régulièrement. Il se montre suspicieux, déclare qu’on se sert dans ses objets de valeur qu’il dissimule dans un endroit secret, et se retrouve face à des personnes qu’il ne reconnait pas. Est-il sujet à des hallucinations ? Sa famille cherche-t-elle à jouer avec lui pour récupérer plus rapidement son luxueux appartement ? Anthony ne sait plus à quel saint se vouer et le spectateur, témoin de ses questionnements, devient le compagnon de sa perte de repères.

Si les termes « démence » et « Alzheimer » ne sont jamais explicitement prononcés, The father traite bel et bien de ce terrible moment de l’existence où la vieillesse commence à dérober les souvenirs et la lucidité. Adaptant avec subtilité et intelligence sa propre pièce récompensée en 2014, le Français Florian Zeller parvient habilement à transformer l’essai avec ce quasi huis-clos déroutant. Il fait de l’espace un ressort essentiel pour matérialiser la mémoire disloquée de son protagoniste éponyme. L’agencement, les décors et les protagonistes n’ont de cesse de changer sous le regard confus d’Anthony qui ne parvient plus à raccorder les fils de son esprit décousu, et l’appartement devient le puzzle de sa propre existence.

The father film

Reflétant avec justesse les difficultés psychiques de ce père vieillissant et le dilemme émotionnel de sa fille, The father s’élève grâce aux performances de son tandem Hopkins – Colman, légitimement tous deux nommés aux Oscars et aux BAFTAs. En offrant au personnage de la seconde plus de place dans le récit que dans la pièce originelle, Zeller donne de la consistance à cet amour éprouvé par le choix douloureux qu’elle doit faire à la croisée des chemins de sa propre vie et de celle de son père. Et qui d’autre pour interpréter si bien ce mélange de force et de fragilité que la comédienne anglaise enfin considérée à sa juste valeur après ses performances magistrales primées sur le petit (The Crown) et le grand écran (La favorite) ? L’Académie a choisi de célébrer une nouvelle fois Anthony Hopkins (plusieurs décennies après Le silence des agneaux) et il n’y a absolument rien d’usurpé là-dedans, tant le comédien demeure l’un des plus grands de sa génération (avec Michael Caine). Mais cette nouvelle consécration ne doit éclipser sa partenaire de jeu tant elle joue un rôle déterminant dans le mécanisme émotionnel de ce drame intime et existentiel.

Moins pathos et mortifère que le pénible Amour d’Haneke, The father joue avec les points de vue et la perception du spectateur pour mieux traduire encore la confusion de son personnage sur le déclin. Le spectateur ne souffre peut-être pas de démence, mais pendant la durée du film, il peut observer à travers la fenêtre ce détachement si cruellement causé, raconté avec délicatesse et sans détours condescendants. Un mélodrame doux mais puissant qui vise juste alors que le sujet de la fin de vie, de l’autonomie et de l’accompagnement de nos aînés demeure plus que jamais d’actualité.

Bande-annonce

26 mai 2021 – De Florian Zeller, avec Anthony HopkinsOlivia Colman




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