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PARIS NOUS APPARTIENT

Une jeune étudiante, Anne Goupil, est invitée par son frère à une soirée où elle rencontre Gérard, un metteur en scène de théâtre, et Philip, un expatrié américain. Ils parlent de Juan, un de leurs amis, qui vient de se suicider. Un peu plus tard, Anne remplace une actrice au pied levé dans la pièce qu’essaye de monter Gérard. Philip prévient Anne que Gérard est en danger de mort. Anne va tout faire pour essayer de sauver Gérard d’un danger dont elle ignore tout.

CRITIQUE DU FILM

Du 5 janvier au 13 février, la Cinémathèque française rendait hommage au moins connu des cinéastes de la Nouvelle vague, Jacques Rivette, décédé en 2016 à l’âge de 87 ans. Écrit en 1957, tourné l’année suivante, et terminé fin 1959, son premier long-métrage n’est sorti en salles en France que fin 1961 faute de distributeur. Dans la chronologie de la Nouvelle vague, Paris nous appartient se fait donc voler la vedette par Le beau Serge (1958), Les Quatre cents coups (1959) et À bout de souffle (1960) même si le court-métrage de Rivette de 1956, Le Coup du berger, est considéré par certains comme le début du mouvement emblématique. À en lire son résumé, on peut comprendre en quoi Paris nous appartient devait sembler moins « attrayant » aux décideurs de l’époque qui lui ont préféré les tribulations d’un jeune rebelle, et celles d’un voyou insolent.

Complotisme

Tourné en noir et blanc avec un budget réduit (Godard, Chabrol, Brialy et même Jacques Demy sont mis à contribution dans des petits rôles), le film souffre parfois d’un côté amateur qui, à d’autres moments, fait son charme. Poursuivant plusieurs pistes à la fois, le scénario écrit par Rivette avec Jean Gruault (qui deviendra par la suite un des scénaristes attitrés de Truffaut et Resnais) est d’abord le portrait d’une jeune Parisienne naïve et touchante dans sa tentative de sauver un homme dont elle est tombée amoureuse. Mais c’est aussi une enquête qui emprunte à Hitchcock (que les Cahiers du cinéma* défendaient seuls contre tous) le principe du MacGuffin, en l’objet une bande magnétique perdue contenant un morceau composé par Juan. D’appartement en appartement, sur le Pont des Arts, sur le toit du Théâtre de la ville, place de l’Étoile ou sur la butte Montmartre, nous suivons Anne dans ses recherches – elle est presque de chaque plan et porte entièrement le film sur ses épaules – qui débouchent sur une révélation finale : l’existence d’un syndicat du crime, une organisation secrète dont le complot n’est jamais clairement exposé. Remis dans le contexte de la guerre froide qui régnait à l’époque, il est clair que Rivette désigne une force qui tenterait par tous les moyens d’étouffer les éléments nuisibles de la société, à savoir les révolutionnaires et les intellectuels, ceux qui tentent de se mettre en travers des régimes totalitaires.

Paris nous appartient

Reflet de l’époque

Comme le dit ici Rivette lui-même : « J’ai la tentation de temps en temps de faire un film qui essaie d’être un reflet, déformé, bien sûr, de l’époque dans laquelle je vis. Ça a été le cas de Paris nous appartient, et en grande partie, d’ailleurs, ça a été l’influence de Rossellini qui a été déterminante. Et, brusquement, il y a eu Budapest fin 56, et un certain nombre d’autres événements, et j’ai eu envie de faire un film où on parlerait de ça. On n’en parlerait pas directement, mais indirectement, puisque finalement il y a juste une vague allusion à Budapest dans Paris nous appartient. »

La quête de Gérard en est d’ailleurs une sorte de métaphore. Le jeune metteur en scène tente de monter une pièce, et quand il est appelé par une grand théâtre parisien et qu’il se voit contraint de faire des compromis, il en est incapable et se retrouve éjecté par un système dont il ne veut pas intégrer les codes. Pour Rivette, l’artiste est un rebelle incapable de se fondre dans le moule, voué à sa perte. Une définition qui colle bien à un réalisateur qui par la suite n’aura pas peur de se tourner vers des sujets scandaleux (La Religieuse) ou expérimentaux (Out 1 : Noli me tangere).

Si le réalisateur parvient à créer une ambiance, à faire exister ses personnages grâce à des acteurs impliqués, il nous perd dans un scénario plein de fausses pistes et de discussions interminables (le film dure 2h21) qui ne mènent finalement pas à grand-chose. À force de brouiller les cartes et de multiplier les questions, Paris nous appartient, trop littéraire, débouche sur un cul-de-sac. Et l’émotion n’est pas au rendez-vous. Nul doute que la rétrospective de la Cinémathèque permettra de découvrir d’autres œuvres plus abouties de ce cinéaste resté longtemps dans l’ombre de ses illustres camarades de promo.


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* Rivette a été rédacteur en chef des Cahiers au début des années 60. On s’amusera par ailleurs à noter les correspondances avec d’autres films de la Nouvelle vague. Par exemple, dans Les Quatre cents coups, Antoine et ses parents vont voir un film qui s’appelle Paris nous appartient.



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