Mayday

MAYDAY

Une jeune femme, Ana, se retrouve dans un pays onirique et dangereux. Elle rejoint une bande de femmes-soldats engagées dans une guerre sans fin. Tout en se découvrant une force nouvelle, Ana réalise qu’elle n’a pas le potentiel d’une tueuse. Elle va mettre son énergie à revenir dans le monde auquel elle appartient.

Critique du film

Seul film étasunien de la compétition Tigre, Mayday de Karen Cinorre fut présenté en première mondiale au festival de Sundance il y a moins d’une semaine, fort d’un projet déroutant. Il est en effet très difficile de résumer avec exactitude cet étonnant film aux atours flirtant avec le fantastique et la science-fiction, cela avec un casting très séduisant.

L’introduction nous présente Ana, jouée par Grace Van Patten (Under the silver lake), serveuse en bien mauvaise posture dans sa vie. Sans qu’on sache trop pourquoi, cette jeune femme semble en pleine crise existentielle, malheureuse dans cet emploi étriqué, et maltraité par son employeur. Mais très rapidement le film bascule complètement dans « autre chose ». En un éclair on retrouve Ana catapulté sur une plage, après une sorte de tempête où elle s’est retrouvée en pleine mer.

Ana est alors recueillie par Marsha, interprété par Mia Goth, qui la ramène dans son logis, un sous-marin échoué sur le littoral. Mais surtout, elle se retrouve au milieu d’une guerre littéralement contre le sexe opposé. Marsha lui sert de guide, aidée par ses deux comparses Beatrice et Gert (une Soko décidément toujours dans les bons coups). On retrouve progressivement tous les acteurs rencontrés dans le premier temps du film, comme réincarnés dans ce qui semble être un purgatoire, ou bien des limbes avant une mort déjà certaine. Marsha elle-même était déjà apparue sous les traits d’une mariée éplorée, au comble d’un désespoir qu’on sent lié à cet époux colérique et violent qui avait causé le désarroi d’Ana.

Mais dans ce nouveau scénario, il n’est plus question de pleurer devant l’autel, Marsha est un personnage des plus incroyables. Elle célèbre la vie, la sororité, ses armes à feu, dont elle se sert outrageusement pour occire l’ennemi – à savoir tous les hommes qui rencontrent sa ligne de mire. Ses outrances, son caractère tempétueux, ainsi que chaque détail de sa personnalité, la rendent complètement iconique. Elle apprend à Ana à être forte et à gagner, enfin, ce qu’elle n’arrivait jamais à faire dans sa vie passée. Tout cet apprentissage est dans un premier temps ressenti comme une décharge électrique, un laisser-aller salvateur qui parcourt chacune de ses femmes qui cachent autant de sévices que de cauchemars passés. Bea en est un des exemples parfaits, son histoire n’est jamais révélée, mais elle porte le poids de ses traumatismes en filigrane, tout juste suggérés par Gert.

Mayday
La mise en scène de Karen Cinorre cultive le mystère et l’ambiguïté, et c’est une force de ce film. On ne sait jamais réellement la nature de ce moment, de cet endroit, ni de la guerre déclarée par cet avant poste qu’elles appellent le « front ». L’auteur ne se contente pas pour autant de dresser un portrait manichéen trop évident, Marsha se révèle vite être à la limite de la folie et beaucoup trop radicale dans son combat qui ne fait que se répéter jour après jour, sans aucun lendemain possible. Ana veut vivre et va donc dépasser le statu-quo instauré à son réveil dans ce nouveau monde. Que ce soit par son rythme ou par ses dialogues (on retient avec gourmandise ce « tu te bats comme une fille. En effet, je te remercie. »), Mayday séduit et charme, telles les sirènes que représentent ces personnages qui prennent plaisir à faire échouer les bateaux contactés pour les assister.

Après un début d’une incroyable misandrie, le film réussit à se renouveler pour délivrer un message lumineux, notamment par le fait qu’il voit le bout du tunnel sous la forme d’une révélation artistique très bien venue. Dans les qualités du film, qui sont donc nombreuses, il faut encore une fois souligner l’excellence de ce casting féminin, où l’on voit également pointer la figure tutélaire de Juliette Lewis, où règne un amour et une bienveillance, en dehors de tout voyeurisme, qui fait un plaisir monumental. Si l’on aime aujourd’hui louer les différents types de regards, notamment en les genrant, il est indéniable que cette histoire est profondément féminine, révélant de splendides personnages de femmes comme on en voit peu sur grand écran.


De Karen Cinorre, avec Grace Van Patten, Mia Goth, Soko et Théodore Pellerin.





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