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MARIE STUART, REINE D’ECOSSE

La Bobinette flingueuse est un cycle cinématographique ayant pour réflexion le féminisme, sous forme thématique, par le prisme du 7e art. À travers des œuvres réalisées par des femmes ou portant à l’écran des personnages féminins, la Bobinette flingueuse entend flinguer la loi de Moff et ses clichés, exploser le plafond de verre du grand écran et explorer les différentes notions de la féminité. À ce titre, et ne se refusant rien, la Bobinette flingueuse abordera à l’occasion la notion de genre afin de mettre en parallèle le traitement de la féminité et de la masculinité à l’écran. Une invitation queer qui prolonge les aspirations d’empowerment de la Bobinette flingueuse.


Les rênes d’Ecosse

Mary Shelley, Colette, Ruth Bader Ginsburg… Autant de femmes que le cinéma a remis sur le devant de la scène à travers des biopics racontant le destin extraordinaire de femmes extraordinaires. Et pour cause, l’élévation progressive des voix féminines dans le milieu du cinéma s’est accompagnée par un fort désir d’émancipation à l’écran, qui s’est aussi traduit par la volonté immuable de rendre hommage à celles qui ont fait l’histoire. On peut reprocher aux biopics féminins de ne pas être à la hauteur de leurs ambitions et de s’embourber dans un académisme ennuyeux. En revanche, ils participent grandement à une réappropriation de l’Histoire par les femmes, trop souvent oubliées des manuels scolaires. Ces films grand public, avec des actrices aussi célèbres que Keira Knightley, Felicity Jones ou encore Saoirse Ronan, permettent de s’ancrer dans une culture populaire et de rendre accessible à tous.tes une Histoire oubliée.

Au milieu de ces nombreux biopics à la qualité variable se trouve Marie Stuart, Reine d’Ecosse, qui aurait pu s’apparenter à une énième adaptation de la vie palpitante de la reine Marie Stuart. Réalisé par une femme, Josie Rourke, et scénarisé par un homme, Beau Willimon (à qui l’on doit les séries House of Cards et The first), le film porte un regard résolument féminin et féministe sur son personnage. Longtemps incomprise et caractérisée comme une reine aux mœurs légères, Marie Stuart est réhabilitée face au grand public grâce à la réalisatrice.

En finir avec le tabou des règles

S’il existe bien un sujet qui n’a pas sa place à l’écran, ce sont les règles : pas assez cinématographiques, parce que sales, dégoûtantes voir choquantes. Le cinéma regorge pourtant d’inventivité à montrer une violence toujours plus gore et hésite rarement à faire jaillir des effluves de sang à l’écran, tolérées lorsqu’elles proviennent de corps éventrés, censurées lorsqu’elles sortent naturellement d’un sexe féminin.

Ainsi, Marie Stuart sortant du bain discute et plaisante avec ses servantes qui lui épongent ses jambes mouillées, sur laquelle se trouve du sang menstruel. Rarement les menstruations n’auront été montrées avec tant de naturel à l’écran, au point de faire oublier le caractère exceptionnel d’une image pourtant banale. Car les règles font peur : le mot dérange, presque interdit, qu’on remplace volontiers par des surnoms infantilisants. Elles ne sont pas esthétiques, et encore moins cinématographiques. Instagram n’hésite pas à censurer des photos contenant du sang menstruel et les publicités de protections intimes remplacent le sang par un colorant bleu, pour le rendre plus «  propre ».

Marie Stuart Reine d'Ecosse
Voir le sang s’écouler le long des jambes de la reine de manière aussi frontale contribue à une normalisation progressive des règles à l’écran. Elles ne viennent pas amoindrir son charisme ou ne lui font pas perdre son pouvoir politique. Le plan, de quelques secondes à peine, ne dénote pas avec la superbe esthétique baroque du film. Il tend juste à banaliser le quotidien bien réel de plus de la moitié de l’humanité.

Femme de pouvoir, femme monstrueuse

Il y a quelque chose d’inspirant à voir deux femmes de pouvoirs parvenir à se hisser à la tête d’un monde politique aussi patriarcal. Mais au prix de quel sacrifice ? On le sait, les femmes de pouvoir sont effrayantes, parce que leur liberté échappe à tout contrôle. Reine libre et charismatique, Marie Stuart porte l’image d’une femme forte, capable de s’affirmer politiquement. Protégeant les droits à l’homosexualité, incarnée par son musicien et ami proche David Rizzio, ainsi que de son mari bisexuel, Marie Stuart est une figure progressiste à une époque très conservatrice.

Son statut de monarque est pourtant remis en cause, notamment à cause de sa féminité, qui va la faire basculer vers un destin tragique. Les complots au sein même de sa propre cour se multiplient. Les rumeurs sur des mœurs prétendument légères, d’un supposé adultère à l’homosexualité de son mari, ne font qu’attiser une haine grandissante du peuple envers leur reine, devenue « catin ». Une haine particulièrement misogyne qui se gorge de l’idée que la vie privée d’une femme et sa prétendue émotivité interfèrent avec sa faculté à gouverner. Cette même idée qui a gangrené plus récemment la campagne électorale d’Hillary Clinton, sans cesse décrédibilisée par les affaires d’adultères de son mari Bill Clinton. Une femme n’est pas apte à gouverner si la forteresse familiale n’est pas solide et cache l’idée qu’on ne peut pas être une femme politique si l’on n’est pas d’abord une bonne mère et épouse. Une guerre de pouvoir, mais surtout une guerre des genres, qui hélas, trouve encore aujourd’hui difficilement un chemin vers la paix.

« Gouverner comme un homme »

Marie Stuart, Reine d’Ecosse a l’intelligence de mettre en parallèle le portrait de deux reines, sans pour autant porter de jugement sur les choix de l’une ou l’autre. En effet, si le biopic se concentre sur le portrait de Marie Stuart, il s’intéresse également à celui de sa cousine Elisabeth Ier, reine d’Angleterre. Partagé entre autre par une guerre religieuse, opposant protestantisme et catholicisme, le destin des deux reines va être réuni par un élan de sororité, brisé des années plus tard par l’ambition politique de Marie Stuart. Les deux reines partagent un ennemi commun, le patriarcat, qui essaye tant bien que mal de les soumettre. La force de ces deux reines, aux règnes pourtant éloignés, tient dans leur capacité à s’affirmer politiquement et moralement face aux hommes qui espèrent leur chute.

Margot Robbie dans Marie Stuart Reine d'Ecosse
Elisabeth Ier, passionnant personnage secondaire, n’a jamais plié face aux attentes de son genre. Femme avant d’être reine, l’injonction à enfanter et à se marier était particulièrement urgente, en plus de devoir répondre au besoin de donner un héritier au trône. Elisabeth Ier a pourtant fait le choix très controversé de ne pas se marier ni d’avoir d’enfant, par ambition politique et par crainte d’insurrection du peuple. En faisant passer sa carrière politique, et plus largement « professionnelle » avant celui d’avoir une « vie de famille », la reine Elisabeth dira d’elle-même qu’elle « gouverne comme un homme ». Il y a derrière cette phrase l’idée qu’une femme n’est jamais totalement accomplie lorsqu’elle n’a pas perpétré son devoir de femme, à savoir celui de mettre au monde et de se marier. Refuser une telle injonction, c’est prendre le risque de perdre sa féminité, selon la société, la réduisant ainsi à son prétendu rôle premier de génitrice. Égoïste, traître à son genre, voir sorcière, une femme qui place délibérément sa vie professionnelle au centre verra toute sa vie ses choix remis en question, qu’elle soit simple femme ou reine.

Voir une figure politique aussi forte qu’Elisabeth Ier parvenir à faire respecter ses choix aussi bien politiques que privés est porteur d’espoir, aussi bien au XVIème siècle qu’en 2019. Car combien de femmes ne désirant pas d’enfant s’entendent dire qu’elles le regretteront plus tard ? Elisabeth Ier est la preuve, car il faut encore prouver qu’une femme peut choisir sa vie en 2019, que l’on n’est pas forcée de regretter ses choix, surtout quand ceux-ci sont porteur d’un tel succès politique.

Si Marie Stuart, Reine d’Ecosse s’affranchit parfois de sa véracité historique, c’est pour mieux capter le caractère exceptionnel des deux reines. Le biopic choisit de peindre le portrait de deux femmes, dissimulées sous le masque de monarque, et trouve une résonance particulièrement contemporaine. L’Histoire a trop longtemps sous-estimé le pouvoir des femmes, il est enfin temps de les légitimer, et surtout, de s’en inspirer.

Pour aller plus loin

  • Vie héroïques : biopic masculins, biopic féminins – Raphaëlle Moine
  • Sorcières : la puissance invaincue des femmes – Mona Chollet

Synopsis

Le destin tumultueux de la charismatique Marie Stuart. Épouse du Roi de France à 16 ans, elle se retrouve veuve à 18 ans et refuse de se remarier conformément à la tradition. Au lieu de cela elle repart dans son Écosse natale réclamer le trône qui lui revient de droit. Mais la poigne d’Élisabeth Iʳᵉ s’étend aussi bien sur l’Angleterre que l’Écosse. Les deux jeunes reines ne tardent pas à devenir de véritables sœurs ennemies et, entre peur et fascination réciproques, se battent pour la couronne d’Angleterre. Rivales aussi bien en pouvoir qu’en amour, toutes deux régnant sur un monde dirigé par des hommes, elles doivent impérativement statuer entre les liens du mariage ou leur indépendance. Mais Marie menace la souveraineté d’Elisabeth. Leurs deux cours sont minées par la trahison, la conspiration et la révolte qui mettent en péril leurs deux trônes et menacent de changer le cours de l’Histoire.




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