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LES PIRES

Un tournage va avoir lieu cité Picasso, à Boulogne-Sur-Mer, dans le nord de la France. Lors du casting, quatre ados, Lily, Ryan, Maylis et Jessy sont choisis pour jouer dans le film. Dans le quartier, tout le monde s’étonne : pourquoi n’avoir pris que « les pires » ?

Critique du film

Ils défilent devant la caméra. Vignettes introductives présentant au spectateur les différents protagonistes du film Les pires, de jeunes acteurs en herbe castés pour un tournage qui s’annonce à Boulogne-sur-mer. Gabriel, le réalisateur, recherche des enfants avec un « vécu difficile » : décrochage scolaire, TDAH*, enfants placés, en sortie de foyer… Des brebis égarées pour la plupart, négligés par leurs parents et cabossés par la vie souvent. Ryan, Lily, Jessy et Maylis se retrouvent ainsi à tourner, dans leur propre quartier, une fiction qui leur ressemble.

Ryan, élevé par sa grande soeur, n’aime pas l’école. Il souffre de troubles de l’attention et de l’hyperactivité*, qui le placent dans une situation de souffrance scolaire, malgré l’assistance de son AESH. Lily, elle, multiplie les flirts comme les mauvais choix, cherchant l’attention et l’affection qu’elle n’a visiblement pas chez elle depuis le décès tragique de son frère, des suites d’un cancer infantile. Maylis, particulièrement introvertie, peine à trouver sa place, et ne sait pas si elle veut vraiment participer à ce tournage. Jessy, enfin, a déjà quelques casseroles derrière lui et se pare d’un bouclier viriliste et provocateur pour dissimuler ses failles.

Les pires

Avec Les pires, leur premier long métrage, Lise Akoka et Romane Gueret prolongent le court-métrage Chasse Royale qui les avait révélées. Entrées dans le monde du cinéma grâce aux castings sauvages, les deux réalisatrices ont puisé dans leur expérience de directrices de casting et de coachs d’enfants pour donner naissance à leur premier projet de réalisation. Leur intention : faire dialoguer deux milieux que tout semble opposer sur le papier : celui des enfants d’un quartier défavorisé et celui des adultes du cinéma, potentiellement plus mondain. Passionnées par le monde de l’enfance et plus particulièrement par les parcours accidentés, elles livrent ainsi une première oeuvre à coloration autobiographique et méta qui avait tout de l’entreprise casse-gueule, avançant tout du long sur une ligne de crête, frontière ténue entre la réalité et la fiction.

« Le cinéma est un endroit de catharsis, de recherche de soi-même, (qui) peut parfois offrir cela à des enfants qui s’interdisent d’éprouver le moindre sentiment. À aucun moment nous ne prétendons que le cinéma va totalement changer les vies de ces enfants ; il n’a pas ce pouvoir-là, ou rarement. Pour autant, il crée une bifurcation, une modification dans les itinéraires de chacun, qui, si petites soient-elles, ont de la valeur. »

Les derniers seront les premiers

Toute la beauté du film se résume dans ce contre-pied au titre. Les pires. Ces marginaux, ces rebuts de la sphère sociale et scolaire, deviennent des heureux élus, des petits héros le temps d’un tournage. Les deux réalisatrices, assistées de la co-scénariste Eleonore Gurrey, rendent ainsi hommage à ces enfants cabossés par l’existence. Evitant habilement l’écueil des stéréotypes et de la stigmatisation des quartiers populaires, le film a l’intelligence de proposer un regard critique et introspectif sur la propre pratique des cinéastes, visant à valoriser ces enfants à qui le film dans le film offre une visibilité nouvelle et l’opportunité d’une rédemption et d’une réconciliation avec le Soi.

Les pires film 2022

Salué du Prix Un Certain Regard au festival de Cannes et du Valois de diamant du meilleur film francophone au Festival d’Angoulême, Les Pires joue des miroirs distordants, refusant de glamouriser la misère sociale autour de ces gamins abandonnés que la société exclue et brutalise, dans le silence et l’oubli, mais aussi par ces insultes plus violentes que les coups. Slutshaming, discrimination, dénigrement… L’insulte fuse presque aussi facilement que les coups, pour les laisser des traces indélébiles sur une réputation, qu’il faut assumer au quotidien.

Pour leur premier film, Lise Akoka et Romane Gueret signent une poignante chronique de l’enfance, solaire et bouleversante, qui nous cueille définitivement sur la fin lors d’une séquence cathartique, révélant au passage deux jeunes comédiens bluffants irradiant le film de leur présence, Mallory Wanecque et Timéo Mahaut – que l’on espère revoir très vite à l’écran.

Bande-annonce

7 décembre 2022De Lise AkokaRomane Gueret


Cannes 2022 – Grand Prix Un Certain Regard




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