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LES HÉROS NE MEURENT JAMAIS

Dans une rue de Paris, un inconnu croit reconnaître en Joachim un soldat mort en Bosnie le 21 août 1983. Or, le 21 août 1983 est le jour même de la naissance de Joachim ! Troublé par la possibilité d’être la réincarnation de cet homme, il décide de partir pour Sarajevo avec ses amies Alice et Virginie. Dans ce pays hanté par les fantômes de la guerre, ils se lancent corps et âme sur les traces de la vie antérieure de Joachim.

Critique du film

Joachim, adossé à son balcon parisien s’adresse à la caméra terne d’Alice : il pense être la réincarnation de Zoran, soldat bosniaque décédé le jour de sa naissance. La caméra tremblotante se pose sur lui, à la recherche du moindre indice. Et si la réincarnation était bien réelle ? Aude Léa Rapin fait de son premier long-métrage de fiction un found-footage auteuriste. Les Héros Ne Meurent Jamais est un film de fantôme(s). 

Les Héros Ne Meurent Jamais fonctionnent sur une mise en abyme astucieuse. Le film se construit autour du making-of d’un (faux) documentaire, sur les traces de Zoran en Bosnie. Les spectateur.ice.s endossent le rôle de Paul, caméraman invisible dans le film et chef-opérateur dans la réalité (Paul Guilhaume). Alice s’improvise metteuse en scène du réel, cherchant à fabriquer son récit de toutes pièces. La caméra doit embellir le récit, à la recherche du plan parfait (enfermée dans le coffre d’une voiture pour filmer Alice et Joachim au loin, par exemple). Pourtant, elle ne s’arrête jamais de filmer, et se transforme en témoin accidentel du réel, qui éclate dans l’humanité de ces personnages. La barrière de la langue et l’inattendu constituent alors un ressort comique, accentué par le détachement un peu gauche d’Adèle Haenel et la naïveté de la monteuse son Antonia Buresi.

Emprisonner les morts pour les rendre vivants

Derrière ce dispositif hyper-réaliste, le fantastique refait surface. Lors d’une soirée dans un bar en Bosnie, la musique ne fait que cracher. La caméra, elle, s’éteint parfois. Comme si le matériel était brouillé par des interférences surnaturelles. Les morts hantent le récit. La Bosnie, marquée par la guerre, ressasse inlassablement son histoire et celle de ceux qui l’ont quittée.

Joachim est à la recherche de sa propre mort, qu’il va mettre en scène, comme maître de son propre destin. Surgit alors une idée d’une douce poésie. Le cinéma emprisonne les morts pour les rendre vivants, et les faire exister éternellement. La réincarnation existe dans l’image qui capture des instants de vie, animant des corps qui bougent, pleurent et rient. Le cinéma comme souvenir, comme devoir de mémoire, comme spectre du temps.

Les Héros Ne Meurent Jamais est un film qui traduit le besoin insatiable de l’humanité à se raconter des histoires. Un objet déroutant, drôle, et qui confirme s’il le fallait encore, l’immense talent d’Adèle Haenel

Bande-annonce

30 septembre 2020 – D’Aude Léa Rapin, avec Adèle Haenel, Jonathan Couzinié, Antonia Buresi




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