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LE ROI CERF

Van était autrefois un valeureux guerrier du clan des Rameaux solitaires. Défait par l’empire de Zol, il est depuis leur prisonnier et vit en esclave dans une mine de sel. Une nuit, la mine est attaquée par une meute de loups enragés, porteurs d’une mystérieuse peste. Seuls rescapés du massacre, Van et une fillette, Yuna, parviennent à s’enfuir. L’Empire de Zol ne tardant pas à découvrir leurs existences, Il mandate Hohsalle, un prodige de la médecine pour les traquer afin de trouver un remède. Mais Hohsalle et Van, tous deux liés par le fléau qui sévit, vont découvrir une vérité bien plus terrible.

Critique du film

D’année en année, le registre de l’aventure dans les productions animées continue d’avoir le vent en poupe et de trouver son public. Jouant plutôt la carte de la sûreté que celle de l’originalité débordante, Le Roi cerf s’inscrit sans trop se cacher dans la filiation de Princesse Mononoke, par son évocation de la nature et d’une maladie inconnue, mais aussi du Dernier maître de l’air, avec l’utilisation d’un pays divisé en deux factions en guerre (l’une rouge, l’autre bleue) comme toile de fond. C’est solidement encadrée par ces références que l’intrigue du Roi cerf se déroule, s’arrêtant aux mêmes étapes clés un peu attendues (le conseil de guerre tenu devant un échiquier, l’ordre religieux que l’on devine sectaire, le héros ordinaire devenant l’élu…), que l’on suit sans déplaisir mais toujours avec l’impression nette qu’il manque au film de Andō et Miyaji l’assurance, et surtout l’unité de ses aînés.

Le roi cerf

En effet, Le Roi cerf semble désespérément à l’étroit dans son format long-métrage et semble vouloir condenser au maximum les événements du roman adapté plutôt que d’opérer une sélection et d’offrir à chaque scène un traitement cinématographique un peu plus approfondi. Les séquences, dans les faits, dépassent rarement la minute : les péripéties s’enchaînent et ne connaissent quasiment aucune variation de rythme, au point que tout au sein du film semble égal en importance. Les scènes ont ainsi beaucoup de mal à trouver leur place dans le récit, arrivant souvent trop tôt, trop tard ou trop vite. La compréhension et la résonance émotionnelle de l’intrigue en pâtit : le film est, par exemple, un long périple vers un lieu précis, mais ne se présente comme tel qu’au moment où les personnages y sont rendus.

De la même manière, le récit effectue ce détour quasi-obligé par le fantastique, bien que son incarnation graphique reste limitée et que sa présence soit très absconse. Le film semble embarrassé par ce sujet et ne l’utilise qu’« à côté » de l’histoire au lieu de le placer au centre. Le pouvoir mystérieux que développe le héros n’est jamais relié à des thématiques plus générales ou aux émotions des personnages. Le seul enjeu qui le porte est la question posée par l’intrigue – quel est ce pouvoir ? – et qui trouvera à peine une réponse dans la conclusion. On comprend difficilement qu’avec un tel traitement du fantastique les scénaristes se soient sentis obligés d’intégrer, en plus des dirigeants des clans en conflit, un autre antagoniste dont la présence et les motivations sont totalement incompréhensibles. Simple prétexte à un déluge de magie et de transformations lors du climax, ce grand méchant sorti du placard jette le voile sur la guerre et l’épidémie qui ravagent le pays, dont l’ampleur aurait tout à fait pu servir de grande conclusion à un film d’aventure.

Le roi cerf

Le Roi cerf a ainsi énormément de mal à tenir son récit, mais réussit très bien, en revanche, à faire vivre son univers. En marge de l’action expéditive, le plaisir de retrouver cet univers médiéval-fantastique est bien présent. Évoquant les ambiances typiques des grands jeux de rôle japonais – ceux du milieu des années 1990 – avec ses violons lancinants et les sonorités celtiques de plusieurs pistes, le long-métrage propose également une grande variation de décors, allant de la forêt aux reliefs enneigés, des bourgs charmants aux grandes citadelles surplombées de ballons dirigeables. À défaut de se prendre au jeu de l’intrigue principal, le spectateur voyage grâce aux visuels chaleureux et trouve finalement davantage d’intérêt dans les fragments de vie d’une petite communauté vivant dans les montagnes que dans le gloubi-boulga surnaturel.

Malgré une part technique soignée qui compense un peu les faiblesses de l’ensemble, Le Roi cerf se conclut en laissant l’impression de rater son sujet. L’intrigue sur l’épidémie inconnue se déroulant en arrière-plan aurait mérité un meilleur traitement, l’enquête du médecin et son rôle malgré lui de médiateur politique était plus riche et plus au cœur du récit général que le banal cheminement du personnage principal. Le long-métrage reprend des couleurs lorsque les deux protagonistes, évoluant en parallèle dans la première moitié de l’histoire, finissent par se rencontrer et voyager ensemble, mais l’ensemble reste globalement timide dans sa mise en scène, schématique dans son déroulé.

De rares sursauts révèlent pourtant les compétences des deux réalisateurs, notamment ces deux belles scènes d’action, l’une dans la forêt, l’autre dans le brouillard, mais il faudra, pour les apprécier en tant que spectateur, passer outre le sentiment d’être face à un épisode récapitulatif d’une série beaucoup plus longue.

Bande-annonce

4 mai 2022 – De Masashi Andō et Masayuki Miyaji