Juste sous vos yeux

JUSTE SOUS VOS YEUX

Une femme qui garde en elle un grave secret rencontre un jeune réalisateur qui lui demande de rejoindre son projet…

Critique du film

Présenté dans la sélection Cannes Première lors du festival 2021, Juste sous vos yeux est dans une veine assez inhabituelle au sein de la pléthorique filmographie d’Hong Sangsoo>. Au premier abord, on retrouve les éléments fétiches du cinéaste coréen : des gens du cinéma, producteur, réalisateur, des repas où l’alcool coule à flot, et une économie de plans réduite à son minimum. Ce qui tranche avec la plupart de ses derniers long-métrages, c’est une tonalité dramatique en arrière-plan qui se fait rare chez l’auteur de Haewon et les hommes. La légèreté habituelle est toujours là, mais derrière la bonhommie du personnage de Sangok, joué par une admirable Lee Hyeyoung, se cache un sens du tragique assez inhabituel.

L’envie de création est centrale dans chacun des films de HSS ; q’elle soit cinématographique (presque toute son œuvre), poétique (Hotel by the river) ou même littéraire comme dans La romancière, son dernier film en date, programmé pour une sortie en février 2023 dans les salles françaises. C’est l’origine de ce désir qui se trouve être différent, Sangok se sait mourante, elle doit donc faire vite pour accomplir toutes les opportunités qui s’offrent à elle. Ce destin funeste contamine les personnages, les forçant à sortir de leur réserve et les poussant à déposer tous les éléments de langage qui d’habitude filtrent leurs intentions. Cela modifie l’écriture des scènes et les amène plus loin que ça a quoi nous sommes habitués dans les productions annuelles du maître coréen.

Juste sous vos yeux
Le meilleur exemple de ce changement intervient dans une scène où un producteur, Kwon Haehyo, grand habitué du cinéaste, fait des avances à celle qu’il désirait embaucher pour un long-métrage. Devant l’impossibilité de travailler avec elle, et suite à l’exposé de ses raisons profondes, ses inhibitions s’évanouissent et c’est alors un spectacle assez ubuesque qui se développe, où l’homme d’âge mur redevient un jeune premier amoureux qui tente un numéro de séduction assez pathétique mais aussi réjouissant pour le spectateur. Le drame nourrit ici la comédie, renouvelant les aspects connus des films de HSS pour les rendre à la fois caustique mais aussi burlesque, tout en conservant cette petite pointe salée de tragédie instillée par la révélation de la maladie de l’actrice.

Ce dernier tour de piste, loin d’être plombant ou rempli de tristesse, est d’une douceur et d’un humour vivifiant, qui introduisent Juste sous vos yeux comme un plaidoyer à embrasser la vie tant qu’elle existe. Si son cinéma si particulier a souvent été critiqué pour ses répétitions, il est heureux de constater que sur ses dernières occurrences, entre couleurs et noir et blanc, il a néanmoins réussi à développer de nouvelles idées. Fidèle à ses préceptes de sobriété et d’épure, mais d’une justesse incroyable qui loin de tourner à vide continue à ravir par cette capacité unique à toujours se déployer vers de nouveaux horizons de mise en scène.

Bande-annonce

21 septembre 2022 – De Hong Sangsoo, avec Lee Hyeyoung, Cho Yunhee et Kwon Haehyo.




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