LE LOUP DE WALL STREET
L’argent. Le pouvoir. Les femmes. La drogue. Les tentations étaient là, à portée de main, et les autorités n’avaient aucune prise. Aux yeux de Jordan et de sa meute, la modestie était devenue complètement inutile. Trop n’était jamais assez…
Critique du film
Dix-huit ans après Casino et près de quarante ans après Mean Streets, Martin Scorsese revient avec Le Loup de Wall Street à un territoire qu’il connaît bien : celui des hommes grisés par le pouvoir, l’argent et leur propre légende. Cinéaste célébré à outrance par une partie de la cinéphilie, Scorsese retrouve pour la 5e fois Leonardo DiCaprio, désormais coproducteur, pour cette fresque financière qui dresse le portrait de Jordan Belfort avec une énergie frénétique… mais aussi une complaisance qui interroge.
Car si le film se présente comme un réquisitoire contre la cupidité dévorante qui gangrène la finance américaine, il épouse avec un enthousiasme troublant le point de vue de ses prédateurs. Scorsese filme, souvent avec virtuosité, la débauche comme un spectacle permanent : corps féminins mis en vitrine, cocaïne à flots, money shots hystériques… une accumulation qui finit par ressembler moins à une critique qu’à une célébration viriliste. Le cinéaste aligne les excès comme un publicitaire euphorique, au point de faire glisser son film vers un pur film d’attraction, où l’ivresse de la mise en scène neutralise toute charge politique réelle.
Le récit, lui, reste calqué sur un canevas ultra-balisé : ascension fulgurante, chute annoncée, pseudo-rédemption finale. Rien que l’on n’ait déjà vu — et souvent mieux — dans le cinéma américain contemporain. L’indignation attendue ne prend jamais, tant le personnage de Belfort demeure hermétique, réduit à une série de tics et d’éclats. On ne le hait même pas : on l’observe, comme un insecte sous microscope, sans empathie ni répulsion. Son parcours, dépourvu d’enjeux moraux, laisse le spectateur à distance.
Reste la comédie, domaine où Scorsese excelle encore. C’est là, dans ses scènes de pure farce, que Le Loup de Wall Street trouve enfin son souffle. Leonardo DiCaprio, admirable de générosité, se jette sans filet dans l’hystérie de son rôle, jusqu’à des acrobaties physiques quasi slapstick (la fameuse scène des pilules). Il fait de Belfort un pantin pathétique, grotesque et parfois irrésistiblement drôle, sauvant à lui seul une première heure euphorisante. Jonah Hill lui donne une réplique splendide, Margot Robbie impose une présence magnétique malgré un rôle limité, et Matthew McConaughey, en quelques minutes, dévore l’écran.
Mais cette vigueur initiale s’épuise. Le film, fleuve de trois heures, tourne en rond, répète ses effets, s’alourdit à mesure que le récit s’enlise dans sa propre mécanique. Le Loup de Wall Street devient le miroir involontaire de son héros : bruyant, surexcité, mais paradoxalement creux. Scorsese signe un spectacle puissant mais profondément ambigu, dont l’ironie mordante ne suffit jamais à combler l’absence de véritable point de vue critique. Sans le panache de DiCaprio, le film sombrerait dans la redite tapageuse. Avec lui, il demeure un divertissement virtuose, souvent drôle, parfois brillant… mais trop fasciné par ses monstres pour vraiment les mordre.
LE LOUP DE WALL STREET
Réalisé par Martin Scorsese
Avec Léonardo Di Caprio, Jonah Hill, Margot Robbie, Matthew McConaughey, Jean Dujardin
Dernière mise à jour 24 novembre 2025 par Sam Nøllithørpe ⚲ TP







J’aime Scorsese sans doute davantage que toi. Casino, Les affranchis et le tout récent Hugo Cabret sont pour moi de grands films. Je suis donc moins définitif que toi sur ce Loup de Wall Street, même si on se rejoint sur l’essentiel : DiCaprio est un très grand acteur.
Fan de Scorsese, j’ai hâte de voir son dernier opus. Je suis déçue que tu sois déçu… ça n’augure rien de folichon ! Bon, on verra…
Bonjour Chonchon,
Je ne crois pas avoir parlé de déception. Pour avoir été déçu, encore faudrait-il que j’attende encore quelque chose de Scorsese – ce qui n’est pas mon cas.
Ainsi, j’ai trouvé ce film plutôt bon mais franchement pas enthousiasmant. En revanche, il s’agit de son film le moins « décevant » de cette dernière décennie.
– Effectivement, cela ne fait aucun doute !
– Au final, nos notes se ressemblent pour beaucoup (tu l’as classé dans les assez bons coups il me semble ?)
[…] a choisi un acteur en plein renaissance artistique : Matthew McConaughey. Déjà remarquable dans Le loup de Wall Street de Scorsese, le comédien livre une performance de très haut niveau qui devrait lui offrir la […]
Tout simplement pas d’accord, sauf peut-être sur le un peu trop long (et encore !), si ce n’est pas parfait ça reste un must… 3/4
A mes yeux un film magnifiquement réalisé, porté par un acteur qui repousse sans cesse les limites de son talent – Léonardo méritait sans nul doute un oscar pour une prestation comme celle-ci. Le film montre très bien le côté « sombre » de la finance de la fin du XX ième avec l’expansion des marchés et le capitalisme croissant de notre société. A voir sous aucun prétexte selon moi 🙂