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THE MASTERMIND

Massachussetts, 1970. Père de famille en quête d’un nouveau souffle, Mooney décide de se reconvertir dans le trafic d’œuvres d’art. Avec deux complices, il s’introduit dans un musée et dérobe des tableaux. Mais la réalité le rattrape : écouler les œuvres s’avère compliqué. Traqué, Mooney entame alors une cavale sans retour.

Critique du film

The Mastermind serait né d’un désir ancien chez Kelly Reichardt de revisiter le film de braquage, mais sans ses sirènes ni ses clichés. Présenté à Cannes 2025 en compétition, le projet s’inscrit dans une période de l’Histoire américaine agitée : les années 70, la guerre du Vietnam et ses contestations sociales qui clivent la société. Reichardt use de ce décor social non comme un fond exotique mais comme une tension diffuse, poreuse, qui fait éclater le quotidien de son protagoniste JB Mooney. On retrouve ici le naturalisme de son œuvre — First Cow, Certaines femmes, Old Joy — mais aussi ce penchant pour le montage contemplatif, les silences et la précision des petits gestes qui caractérisent son cinéma.

Le film suit JB (Josh O’Connor), menuisier au chômage. Cet ancien étudiant en arts décide d’organiser un vol d’art amateur en dérobant des œuvres d’Arthur Dove dans un musée du Massachusetts. Reichardt procède avec ce que ses habitué·e·s reconnaîtront, une esthétique sobre, presque lumineuse dans ses couleurs vintage et automnales, des plans longs et des séquences étirées. Le style visuel du film, le choix d’une bande son jazzy, les décors modestes, tout rappelle que l’environnement est souvent plus qu’un décor, c’est un personnage lui-même.

The mastermind

Côté interprétation, Josh O’Connor est comme souvent irréprochable. Il prête à JB un mélange de désarroi, d’ego blessé et de maladresse touchante. Il n’est pas le voleur génial, le « mastermind », mais un homme qui se cherche, qui doute, qui se laisse porter par ses frustrations et ses ambitions mal définies dans l’ombre d’une figure paternelle écrasante. Son regard creuse le personnage, ses hésitations, ses petits mensonges, sans jamais tomber dans la caricature. Les seconds rôles sont solides également, bien qu’un peu trop en retrait. Alana Haim, John Magaro, Hope Davis et Bill Camp apportent des contrepoints humains et crédibles.

Mais, comme son protagoniste central, The Mastermind s’égare dans sa seconde moitié, le film semblant s’enliser dans une errance narrative. Les passages post-casse, la fuite sans fin, les plans qui s’étirent, tout cela dilue un peu l’urgence initiale. On éprouve le poids du vide autour du personnage tel que l’attention vacille. Heureusement, l’épilogue, d’une indéniable ironie, vient redessiner le récit dans une perspective politique faisant du film plus qu’un simple portrait. L’équilibre reste parfois précaire. L’humour disséminé ça et là ne suffit pas toujours à compenser les temps morts.

Malgré tout, The Mastermind confirme Kelly Reichardt comme une cinéaste toujours à part, capable de prendre le film de casse comme matériau pour interroger le malaise, la masculinité, le privilège et la désillusion. À La Roche-sur-Yon, qui met souvent à l’honneur ses projets, le film devrait trouver son public.

Bande-annonce

4 février 2026 – De Kelly Reichardt