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LUMIÈRE PÂLE SUR LES COLLINES

Royaume-Uni, 1982. Une jeune anglo-japonaise entreprend d’écrire un livre sur la vie de sa mère, Etsuko, marquée par les années d’après-guerre à Nagasaki et hantée par le suicide de sa fille aînée. Etsuko commence le récit de ses souvenirs trente ans plus tôt, lors de sa première grossesse, quand elle se lia d’amitié avec la plus solitaire de ses voisines, Sachiko, une jeune veuve qui élevait seule sa fille. Au fil des discussions, l’écrivaine remarque une certaine discordance dans les souvenirs de sa mère… les fantômes de son passé semblent toujours là – silencieux, mais tenaces.

Critique du film

Présenté à Cannes en mai dernier puis à Montélimar au 14e festival De l’écrit à l’écran, Lumière pâle sur les collines est une nouvelle adaptation de Kazuo Ishiguro, après le superbe Auprès de moi toujours de Mark Romanek en 2010. Premier ouvrage de l’écrivain nippo-britannique, ce récit publié en 1982 explore la mémoire et le doute, sur fond de cicatrices laissées par la guerre et du traumatisme persistant de Nagasaki. Adapter un tel matériau revient à filmer l’indicible, à capter la fragilité des souvenirs et les silences qui les entourent.

Le film s’ouvre en Angleterre, où Etsuko vit désormais. Alors qu’elle s’apprête à vendre la maison familiale, la visite de sa fille Niki, journaliste, fait ressurgir un passé longtemps enfoui. À travers leurs conversations, se dessine un retour à Nagasaki dans les années 1950, alors que la ville tente de se relever de la bombe atomique. Etsuko raconte son amitié avec Sachiko, une veuve insaisissable, et la relation troublée de celle-ci avec sa fille Mariko, solitaire et marginale. Ces figures deviennent le miroir de ses propres dilemmes et des tensions d’une société oscillant entre tradition et modernité.

La relation mère-fille au présent nourrit ainsi la structure du récit : les silences entre Etsuko et Niki résonnent avec les ombres du passé, jusqu’à faire émerger les secrets de famille. Cette construction en échos questionne la fidélité de la mémoire : Etsuko raconte-t-elle des faits vécus ou des projections destinées à masquer ses propres culpabilités ?

lumière pâle sur les collines

La mise en scène épouse cette ambivalence avec une élégance troublante. Le soin apporté aux cadres et la photographie délicate traduisent à la fois l’ordre apparent et la fragilité sous-jacente. La narration, faussement linéaire, glisse peu à peu vers l’incertitude, laissant apparaître les fissures d’une subjectivité qui s’efforce de recomposer le passé. Si la subtilité et la retenue de ce parti-pris séduisent, elles peuvent aussi laisser une impression de distance. D’aucuns regretteront un rythme contemplatif qui étire certaines séquences, ou une émotion contenue là où l’intensité du sujet aurait pu autoriser davantage d’élan. Mais cette retenue, fidèle à l’univers d’Ishiguro, participe aussi de la singularité du film.

Plus qu’un drame intime, Lumière pâle sur les collines raconte la difficulté de se reconstruire dans l’ombre d’une catastrophe historique et familiale. Dans la lignée d’Ishiguro, le film explore la mémoire et ses déformations avec une grâce mélancolique qui infuse durant et après la projection, malgré ses quelques lenteurs.


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