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LE PAYS D’ARTO

Céline arrive pour la première fois en Arménie afin de régulariser la mort d’Arto, son mari. Elle découvre qu’il lui a menti, qu’il a fait la guerre, usurpé son identité, et que ses anciens amis le tiennent pour un déserteur. Commence pour elle un nouveau voyage, à la rencontre du passé d’Arto : invalides des combats de 2020, vétérans des batailles victorieuses des années 90, hantises d’une guerre qui n’en finit jamais. Une femme court après un fantôme. Comment faire pour l’enterrer ? Peut-on sauver les morts?

Critique du film

Pour sa première projection française, Le Pays d’Arto se retrouve entre de bonnes mains, en compétition à War on Screen, ce festival où l’on tente de trouver des pistes de réflexions pour comprendre l’absurdité de la guerre. Ce road-trip, structuré par ses étapes et les rencontres que fera Céline (Camille Cottin), est un film qui tente de mettre en lumière la complexité d’un pays dont la guerre entache toute la mémoire récente.

Réparer les morts

Plutôt que les vivants, le premier long métrage de fiction de Tamara Stepanian, venue du documentaire, s’engage à travers son personnage central à réparer les morts, à restaurer la mémoire de tous les disparus qui hantent son voyage. À mesure qu’elle s’enfonce dans le pays et en traverse les différents territoires, la raison de sa venue devient secondaire et se mue alors en mission personnelle. Elle prend sur elle les traumatismes vécus et cachés par son mari pour mieux les digérer et les transmettre à ses enfants, quitte à s’approprier un pan de cette histoire et à en affronter les fantômes. Car Arto n’est pas la seule entité à accompagner sa femme, son périple se charge progressivement de toutes les âmes sacrifiées au gré des diverses tragédies, et toutes les histoires deviennent alors intrinsèquement liées.

Le pays d'Arto 

C’est un travail de mémoire qu’entreprend la réalisatrice afin de donner du sens à cette situation insensée qu’est l’exil, le déracinement. Avec sa cheffe opératrice Claire Mathon, elles se sont posé la question de savoir ce que l’on regardait vraiment quand on traversait un pays. Que doit-on montrer et comment le faire ? Qu’est ce qui reste et qu’est-ce que ça raconte ? Toutes ces interrogations se ressentent dans le soin apporté à l’image, avec une même approche pudique et sensible utilisée pour filmer aussi bien les paysages paisibles que les quartiers en ruines, donnant ainsi à cet environnement immuable un rôle de témoin de ce passé chargé. 

Malgré son sujet fort, c’est un film digne et serein qui ne cherche pas à surcharger son récit d’une émotion trop forte. Tout est déjà là sans avoir besoin d’en rajouter. La mise en scène est précise, comme la direction d’actrices. Camille Cottin aura rarement été aussi juste et parvient pour une fois à effacer tout jeu visible de son interprétation. Face à elle, Zar Amir est une nouvelle fois passionnante dans le rôle d’une guide touristique en résistance. 

Lors de son voyage aux allures mythologiques, Céline, telle une Orphée des temps modernes, s’enfonce loin dans les montagnes après la mort de son amour et parvient petit à petit à reconstituer le puzzle de son histoire. Pugnace et persuasive, elle fera de cette odyssée ponctuée de rencontres le terrain d’un apprentissage et d’une profonde transformation. 


31 décembre 2025 – De Tamara Stepanyan


War on Screen 2025 – Compétition