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LA FAMILLE ADDAMS

Tout juste mariés, Gomez et Morticia Addams cherchent la maison de leurs cauchemars afin d’y fonder une famille. Ils trouvent leur malheur dans un ancien hôpital psychiatrique, où ils font la rencontre de Lurch, un pensionnaire des lieux, devenu leur valet. Treize ans plus tard, le couple vit toujours dans la demeure, en compagnie de leurs deux enfants, Vendredi et Pugsley, ainsi que du frère de Gomez, Fester. Non loin de chez eux, une ville nouvelle nommée « Assimilation » voit le jour, sous l’impulsion de Margaux Needler, une présentatrice télé aux dents longues. Petit à petit, les relations de voisinage s’enveniment…

Critique du film

Le projet d’une adaptation de la bande dessinée La Famille Addams (publiée dans la revue du New Yorker dans les années 30) était dans les tuyaux de plusieurs studios depuis 2010. Universal Pictures et Illumination Entertainment projetaient tout d’abord de produire un film en stop motion (animation en volume), réalisé par Tim Burton. Pourtant, en 2013, c’est bien la MGM qui semble reprendre le projet à son compte. Le studio engage Pamela Pettler (entre autres scénariste sur Monster House, Les Noces Funèbres et sur Numéro 9) pour écrire le scénario. Quatre ans plus tard, Conrad  Vernon (Shrek 2, Monstres contre Aliens, Madagascar 3…) est annoncé à la réalisation en compagnie de l’animateur Greg Tiernan, avec qui il avait déjà réalisé Sausage Party. Le scénario est réécrit, cette fois-ci par Matt Lieberman, tandis que l’animation est confiée à Cinesite Studios, jusqu’alors spécialisé dans les effets spéciaux numériques.

L’animation de synthèse garde-t-elle l’esprit de famille ?

Il est important d’avoir le cheminement de la production en tête, car le film est à la fois constitué du cadavre de ses ambitieuses premières intentions artistiques, et d’un formatage visuel et narratif proprement décevant. Le choix de revenir au matériau originel, à savoir le dessin plutôt que la série télévisée, était tout à fait approprié pour une adaptation animée. On comprend pourquoi Burton a été investi dans le projet, tant le trait et les thématiques de Charles Addams (créateur de La Famille Addams) se rapprochent de son univers. La stop motion semblait alors évidente. Sauf qu’en 2017, les studios font finalement le choix de l’animation en synthèse, tout en gardant l’identité visuelle de ce qui aurait pu être un film de Burton.

Le rendu final n’est pas affligeant, mais pose au minimum deux problèmes. Tout d’abord, il y a celui de son renoncement au noir et blanc, au profit de couleurs pastel parfois tranchées mais globalement très douces, qui balaie presque automatiquement l’identité gothique et inquiétante du matériau initial. Dès lors, le macabre burlesque et poétique des dessins est balayé au profit d’une esthétique cartoonesque assez convenue. Cela nous amène au second problème, qui est celui de l’animation elle-même.

En effet, dès les premières minutes, nous comprenons que le film a été conçu pour la stop motion. Que ce soit l’allure des personnages, leur démarche, ou bien encore les décors dans lesquels ils évoluent, tout fait penser à du « Burton animé ». Si bien que lorsqu’arrive un plan rapproché sur un personnage, on ne peut que regretter la texture promise par le projet initial, l’animation de synthèse lissant radicalement les peaux, les cheveux et les vêtements dans une épure presque grossière. Quel dommage.

Dessin de Charles Addams

Trop de folie tue la folie

Les réalisateurs ne font pas rien de l’animation en synthèse, qui permet par exemple d’ouvrir le champ des possibilités plastiques par rapport aux adaptations en prises de vues réelles. Le film s’en donne même à coeur joie, faisant sautiller les personnages avec une souplesse presque surnaturelle. Cela sert particulièrement l’un des incontournables running-gag de la franchise, où certains membres de la famille (surtout les deux enfants) essaient de s’entretuer. C’est plutôt amusant pendant les trente premières minutes, voire même « stimulant » visuellement (notamment la séquence où Pugsley fonce sur son père à dos de fusée explosive), mais cela s’essouffle très rapidement.

Tous les personnages sont constamment surexcités (hormis Vendredi et Morticia), si bien que le film ne prend jamais le temps de creuser ne serait-ce qu’une once de caractérisation psychologique. Ce sont presque des personnages fonctionnels, qui n’évoluent pas vraiment, ou bien de manière extrêmement ponctuelle et expéditive. On peut par exemple penser à la prise de conscience de Gomez concernant l’éducation de son fils (le laisser être qui il est au lieu de l’enfermer dans le moule des Addams), qui n’a comme référence de départs que quelques micro-séquences où il fait preuve d’une maladresse archétypale envers Pugsley. La plus grande déception est sans doute le personnage de l’oncle Fester, assez passionnant dans les deux films de Barry Sonnenfeld, qui est transformé ici en une sorte d’enfant balourd, dénué de toute profondeur.

Les personnages ne sont que la surface d’eux-même, et cette surface s’incarne essentiellement par la folie, malheureusement beaucoup trop programmatique pour être intéressante. Dans les précédentes adaptations, chaque personnage avait son rythme. Hormis le cas de Vendredi, on pourrait presque dire qu’ils sont ici interchangeables…

Comme un air de Burton…

Réflexion sur l’altérité, fable sur l’acceptation de la différence, critique de la classe moyenne uniformisée et parquée dans des maisons impersonnelles, voilà des thèmes qui convoquent immédiatement certains films de Tim Burton, conférant à La Famille Addams une inévitable impression de déjà-vu. La ville « Assimilation » et sa proximité avec la maison des Addams sont par exemple un copié-collé du décor d’Edward aux mains d’argent, auquel le film emprunte d’ailleurs l’essentiel de sa structure dramaturgique. On pourrait également parler de l’oncle Fester et de Pugsley, qui rappellent visuellement  les petits monstres de L’Étrange Noël de Mr. Jack. Bref, on voit du Burton partout, sans pour autant retrouver l’humanité profonde de son oeuvre. Comme si le film ne mesurait pas toute la richesse de son matériau initial, enfermant chacun des personnages dans une folie générique parfois ennuyeuse.

Sans être raté, La Famille Addams est un film qui, paradoxalement, n’a pas beaucoup de fantaisie. Peut-être saura-t-il ravir ceux et celles qui jusqu’alors n’étaient pas familiers des Addams, notamment grâce à son remarquable casting vocal (notamment Charlize Theron en Morticia et Nick Kroll en oncle Fester), ressuscitant ici ou là le corps d’un film souvent plat.

Bande-annonce

4 décembre 2019 – De C. Vernon & G. Tiernan, avec les voix de Charlize Theron & Nick Kroll