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IMAGO

Déni est le nouveau propriétaire d’un petit lopin de terre dans une vallée isolée de Géorgie, à la frontière de la Tchétchénie, dont il est exilé depuis l’enfance. Il débarque là-bas avec le projet d’y construire une maison qui dénote fortement avec les coutumes locales. Un fantasme qui ravive ses souvenirs — et ceux de son clan déraciné — lequel ne rêve pourtant que d’une chose : le marier.

Critique du film

À la manière du poème folklorique This is the house that Jack Built (à ne pas confondre avec le film de Lars von Trier), ce n’est pas la maison citée dans le titre qui importe vraiment. Elle n’est qu’un prétexte, un point de départ pour explorer un microcosme dont on découvre toute la complexité à mesure qu’on s’en éloigne.

Le réalisateur Déni Oumar Pitsaev, auréolé à Cannes en mai dernier de L’Œil d’or — qui récompense le meilleur documentaire des sélections — reprend ce principe pour amorcer un retour en enfance. En réalité, ce projet de maison, porteur d’un espoir de retour au pays pour sa mère, agit comme le signal faible d’une alarme : son architecture futuriste tranche radicalement avec les constructions modestes alentour. Documentaire très personnel raconté à la première personne, Imago est mû par quelque chose de plus profond. Ce terme scientifique (dont la signification est expliquée de manière poignante dans une séquence qui ne l’est pas moins) est la clé d’un film où le réalisateur rouvre les stigmates de ses jeunes années pour mieux les panser — et peut-être enfin les guérir.

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Dans ce premier long-métrage, le cinéaste se livre sans détour, sans travestir la réalité de ses racines et de ses traditions. Tchétchène exilé en France après avoir été déporté par les Russes, Déni traduit avec finesse le sentiment d’avoir été déraciné au point de devenir étranger à ce qui constitue « un homme de chez lui » (sic). En témoignent ses décalages flagrants avec ses cousins ou ses oncles, chez qui les injonctions locales à « être un homme » — c’est-à-dire viril, marié et père — sont intégrées et revendiquées, à l’opposé du mode de vie de Déni, qui ne souhaite qu’une chose : « être lui-même ». Malgré cela, il filme avec respect les traditions locales, comme cet attachement viscéral à la terre ou cette obsession pour le mariage, motif récurrent dont la répétition finit par virer au tragi-comique.

Une grande douceur émane de l’image lumineuse, qui parvient à capter les émotions tout en gardant une juste distance avec ses sujets. On devine l’amour immense que Déni porte à celles et ceux qu’il filme, autant que l’émotion vibrante qui l’habite. Un beau travail sur le cadrage et la composition des plans évoque la photographie : le format choisi (10×15) rappelle d’ailleurs celui de nos albums de famille. Imago, bouleversant retour aux sources, en reprend l’intimité et la chaleur, tout en venant combler certains manques.

Bande-annonce

22 octobre 2025De Déni Oumar Pitsaev


War on Screen 2025 – Compétition