HORS-SERVICE
Six démissionnaires de la fonction publique sont réuni·e·s dans un hôpital abandonné. En investissant les lieux, les ancien·ne·s juge, policier, anesthésiste-réanimatrice, enseignante et facteur échangent sur la souffrance au travail et le conflit éthique qu’ils ont vécu suite au démantèlement du service public.
Critique du film
Un hôpital désaffecté, ses murs fissurés, ses couloirs vides : plus qu’un décor, une métaphore de l’état du service public français. C’est là que Jean Boiron Lajous réunit six ancien·ne·s fonctionnaires – juge, médecin, policiers, professeures, facteur – pour un huis clos alarmant. Tou·te·s ont quitté leur métier non par désintérêt, mais parce que leur vocation les a littéralement épuisé·e·s. Dans leurs récits se lit le même paradoxe : plus on croit à la mission du service public, plus elle nous brise. Plus on (se) donne, plus l’institution broie.
La force de Hors-service tient à ce dispositif simple et théâtralisé : lampes torches, chambres reconstituées, objets personnels rappellent que ces témoins ne sont pas seulement des victimes, mais les dépositaires d’une mémoire collective. Chacun·e incarne une profession différente, mais tou·te·s racontent la même histoire : celle d’institutions rongées par le management néolibéral, le manque chronique de moyens humains et matériels, et la mise en concurrence de services censés répondre à l’intérêt général.
Démantèlement organisé
De l’hôpital réduit à une logique comptable à La Poste transformée en machine à vendre, de l’école laminée par les réformes à la justice asphyxiée, jusqu’à une police gangrenée par le racisme et les représailles hiérarchiques, Hors-service dessine la cartographie d’un démantèlement. Pas besoin de chiffres : les voix suffisent. Elles disent le burn-out, le sentiment d’absurdité, l’impossibilité de « bien faire son travail ». Elles révèlent comment les réformes, loin de moderniser, fabriquent de l’usure et de la résignation.
Mais le film ne se réduit pas à un constat amer. En créant un espace de parole commun, en réunissant des solitudes, Boiron Lajous ouvre une brèche : l’idée qu’un autre modèle est possible. Ces naufragé·e·s du service public, loin d’être brisé·e·s, réinventent ensemble un récit collectif. Leur cri n’est pas seulement celui d’une génération épuisée : c’est un appel à sauver ce qui peut l’être encore. Avec sobriété et puissance, Hors-service fait du documentaire un geste politique pour rendre visibles les vies sacrifiées pour maintenir à flot un bien commun en train de couler.
Bande-annonce
8 octobre 2025 – De Jean Boiron-Lajous
