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SUBSTITUTION

 Un frère et une sœur découvrent un rituel terrifiant dans la maison isolée de leur nouvelle famille d’accueil. 

CRITIQUE DU FILM

Il y a deux ans, les cinéastes jumeaux Danny et Michael Philippou avaient défrayé la chronique avec leur petite ébauche, La Main. Un film australien à petit budget au postulat basique, qui avait suscité un intérêt assez remarquable aux quatre coins de la Terre. Si La Main bénéficiait de micro-scènes horrifiques d’assez bonne facture, il pêchait par une forme de désintérêt du genre, trop occupé à embrasser ses métaphores coming-of-age usées jusqu’à la moelle et à évoquer la croissance banale du deuil chez les adolescents. Il y avait donc de quoi craindre leur nouvelle production, Substitution – Bring Her Back, sur le papier énième film de possession avec un enfant inquiétant dans une maison aux codes énigmatiques.

La surprise fut donc totale quand, dès la fin de l’introduction du décorum, le film lorgne plus vers un système formel proche des œuvres de M. Night Shyamalan qu’une resucée de piteuses bondieuseries dépassées. Car les frères Philippou parviennent à contenir une grande partie de l’horreur dans le regard de Piper, une jeune fille malvoyante sensible uniquement aux lumières, aux formes primaires et au son. De fait, tout le long-métrage se pare d’une forme d’agressivité permanente, entre un sound-design hyperbolique, des jeux de lumière chiadés et d’un agrégat de symboles ésotériques qui ne trouvent sens que dans le rapport qu’ils entretiennent avec le point de vue des personnages du récit.

Substitution

Le climat humide et touffu de la forêt qui entoure la maison de la nouvelle famille d’accueil de cette adolescente et de son frère aîné révèle toutes les données esthétiques de Substitution : ce n’est pas un film à jumpscares classique qui commence ni un mouvement elevated au dessus de ses protagonistes ; mais c’est une mécanique d’infiltration de l’angoisse, qui croît minute après minute et qui ne relâche pas son étreinte jusqu’au générique de fin. 

LES DOSSIERS SECRETS DE SALLY HAWKINS

Le long-métrage réussit alors à transgresser ses règles de l’horreur en optimisant au maximum le handicap de Piper. Les plans du film qui se répètent, parfois rognés par le format du cadre, ne se ressemblent pas tout à fait. Certains détails des pièces disparaissent, d’autres changent. Il n’est pas possible pour cette fille de fuir car sa cécité l’empêche de conduire. Son frère, présent avec elle, ne peut pas la quitter car il s’est donné pour intime mission de corriger ses erreurs passées et de la garder loin de ses propres problèmes. Ainsi, Substitution – Bring Her Back n’est pas qu’un empilement de scènes qui ferait grimper le trouillomètre, c’est aussi un geste de manipulation tout-terrain, une expérience synesthésique qui se sert de la sensation pour faire accepter ses mystères et ses troubles. Le long-métrage se transforme au fur et à mesure en un faux huis-clos « familial » dont l’horreur retenue, viscérale, faite de non-dits et d’interdits, est toujours à deux doigts de jaillir.

Substitution

Si Substitution traite de l’horreur intérieure comme La Main avait pu le proposer, il en est son exact opposé dans ce qu’il affiche à l’image : dotés d’un budget plus conséquent (15 millions de dollars, contre 4,5 millions pour leur précédent travail), les jumeaux réalisateurs ne s’embarrassent plus des effets de cache-misère, et montent crescendo la tension en juxtaposant les éléments graphiques ou tortueux. Substitution s’interdit beaucoup moins de choses et réserve son lot de surprises terrifiantes qui à elles seules méritent un coup d’œil.

Car si les péripéties du film proviennent avant tout d’un mal enraciné en chacun·e des personnages du récit , il se voit aussi dans le monde extérieur. Ce jeu d’échelles entre macro – la maison, la ville alentour – et micro – les personnages et leurs obsessions – est le grand atout de séduction du film, puisqu’il organise la gradation de la tension et marquent au fer rouge les enjeux émotionnels terrassants. Le fameux enfant louche, évoqué précédemment, a aussi le mérite d’avoir son propre arc narratif, et s’émancipe par endroits de la sempiternelle « shock value » du sous-genre de possession pour y laisser échapper ses angoisses sur sa propre raison d’être, mais aussi celles de sa mère, incarnée par une Sally Hawkins sensationnelle.

Car si le film n’évite pas quelques écueils du train fantôme traditionnel et reste assez prévisible dans son dénouement, il parvient très vite à les faire accepter par la seule performance de son actrice principale, définitivement au dessus de la mêlée. Son jeu sur un fil, bouillonnant mais contenu, imprévisible mais aussi compréhensible, réussit à entretenir le frisson tout du long. Comme tous les autres protagonistes, l’horreur provient chez elle de ce qui la ronge : un sentiment de culpabilité, un ressentiment tenace qui obsède et qui ne la lâche plus. Il manquerait sans doute au film un climax plus grandiloquent, même s’il aurait peut-être trahi le concept de faux huis-clos qui émane progressivement du récit. Malgré tout, le film reste d’une très grande qualité, remarquablement tenu, et au regard de son box-office relativement décevant sur le sol américain, c’est un film générateur de sueurs froides à soutenir coûte que coûte en salles durant cet été caniculaire.

BANDE-ANNONCE

30 juillet 2025 – De Michael et Danny Philippou