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SIRAT

Au cœur des montagnes du sud du Maroc, Luis, accompagné de son fils Estéban, recherche sa fille aînée qui a disparu. Ils rallient un groupe de ravers en route vers une énième fête dans les profondeurs du désert. Ils s’enfoncent dans l’immensité brûlante d’un miroir de sable qui les confronte à leurs propres limites.

Critique du film

Récompensé du Prix du Jury à Cannes, Sirāt a débarqué sur la Croisette comme une météorite. Certes, une petite météorite comparée à certains films controversés présentés lors de précédentes éditions (La Grande Bouffe, Irréversible ou Titane), mais une météorite tout de même. Se présentant d’abord comme un film d’aventure, le long-métrage d’Oliver Laxe se métamorphose, scène après scène, en une proposition de cinéma radicale, jusqu’à flirter avec un sadisme déroutant et éprouvant dans ses dernières séquences.

Pourtant, c’est avec une certaine nonchalance que le cinéaste ouvre son quatrième long-métrage. En plan large puis en plans rapprochés, il introduit ces ravers réunis dans le désert marocain. Laxe prend le temps de cadrer chacun des visages et des corps du groupe de cinq fans de techno qui accompagneront près de deux heures de récit. Ces silhouettes vibrantes et moites croisent alors Luis (Sergi Lopez) et Esteban, un père et un fils à la recherche de Mar, leur fille/sœur disparue lors d’une fête en plein air. Les cinq fêtards européens ne la reconnaissent pas mais leur apprennent qu’une seconde rave se tient plus loin dans le désert : peut-être s’y est-elle rendue.

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Le réalisateur, également scénariste, se fait le maître du contrepied avec Sirāt. Car si les rebondissements qu’il distille se déploient avec une violence croissante, les premiers interviennent sans heurts. Ainsi, lorsque la première rave party est interrompue par l’arrivée de militaires sur le dance-floor désertique, une ruse presque burlesque permet à Luis, Esteban et leurs compagnons de déjouer la vigilance de l’armée pour rejoindre la seconde rave : le véritable périple du film peut alors commencer.

Sur leur route, ils affrontent de nombreux obstacles, désamorcés avec une légèreté surprenante. La voiture de Luis n’est pas adaptée aux pistes escarpées du désert ? Qu’à cela ne tienne : un coup de pied dans le pare-chocs avant suffit à le disloquer pour faciliter la traversée. Le chien d’Esteban disparaît, plongeant le groupe dans l’angoisse ? Pas de panique : il s’était simplement régalé d’un étron saupoudré de LSD.

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Impossible, sans gâcher l’effet de sidération recherché, de détailler ici les événements terriblement angoissants qui caractérisent la seconde moitié de Sirat. Mais cette rupture de ton, dans une œuvre scindée en deux à l’image du pont Sirat dans l’Islam qui relie le paradis et l’enfer, survient avec une brutalité inégale. Laxe prend un plaisir presque vicieux à jouer avec son public, sans jamais franchir la ligne rouge qui ferait de lui un provocateur. Étranger à la violence gratuite, il se garde aussi de l’excès de stylisation.

Heureusement, Sirāt est plus qu’un simple film coup de poing. Ce road trip à la sauce Mad Max – sans le décorum punk – permet au cinéaste d’esquisser des réflexions sur les choix qui s’imposent à l’individu face au chaos et à l’inconnu : se replier sur soi ou miser sur l’entraide ? Le seul véritable point faible du film réside dans l’évocation trop sporadique d’une guerre aussi nébuleuse que celle du roman 1984 de George Orwell. Elle ressemble un peu trop à un prétexte pour justifier le déchaînement des quarante dernières minutes d’un film qui, malgré cela, coupe le souffle.

Bande-annonce

10 septembre 2025 – D’Oliver Laxe


Cannes 2025 – Prix du Jury