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IN THE HAND OF DANTE

Nick Tosches, un écrivain, apprend qu’un manuscrit de La Divine Comédie de Dante, volé au Vatican, est réapparu à New York. Incapable de passer à côté de cette opportunité, Nick décide de tenter d’authentifier ce manuscrit et de mener l’enquête sur ses origines, son parcours et celui de son auteur.

Critique du film

Coutumier des portraits d’artistes au travail (Basquiat en 1998, At Eternity’s Gate sur Vincent Van Gogh en 2018), Julian Schnabel se penche cette fois sur la figure d’un auteur, Dante Alighieri. In the hand of Dante entreprend un récit ambitieux où se croisent des séquences qui se déroulent durant la période de vie du poète (XIIIe-XIVe siècles) et d’autres dans le monde moderne, lorsque Nick Tosches, écrivain, part à la recherche du manuscrit de La Divine Comédie.

Peintre avant d’être cinéaste, Julian Schnabel fait des choix définitifs pour composer sa palette : le passé sera en couleur, le présent en noir et blanc. Les deux périodes s’enchâssent sans cesse et l’on ressent peu à peu, à partir de cette vision binaire, que le passé portera en lui quelque chose d’une innocence de l’art perdue, tandis que le présent ne pourra que lui courir après. Cela pourrait sonner un peu réac’ si le film, à la fois bancal et généreux, ne se dirigeait pas tous azimuts vers une recherche de l’acte de création dans ce qu’il aurait de plus pur.

Concrètement, que se passe-t-il à l’écran ? Dans le présent, c’est un film de mafia. Nick Tosches – à la fois personnage et auteur réel du roman dont le film est l’adaptation – déplore que la littérature soit devenue un grand marché où la valeur financière a pris le pas sur la valeur artistique. Contre toute attente, il ne va pourtant pas se battre contre cette vision mais écouter cyniquement ce qui l’entoure. La cupidité va l’envahir lorsqu’il s’associe à des gangsters improbables (John Malkovich en parrain et Gerard Butler en tueur à gage sans remords), prêts à tout pour mettre la main sur le manuscrit de Dante dont il a retrouvé la trace. Le prix d’un tel manuscrit original n’est même pas imaginable, et chacun est bien décidé à s’en emparer.

in the hand of dante

Les feuilles du manuscrit sont tour à tour filmées comme des précieux chèques en blanc et sacralisées comme le support d’un geste d’inspiration quasiment divine. Si les scènes qui se déroulent à l’époque de Dante offrent une respiration loin de la violence de la partie contemporaine, on regrette que la mise en scène de Julian Schnabel n’aille pas plus loin formellement pour lui donner vie. Le ton y est assez théâtral et ampoulé, alors que l’on devine en sourdine à quel point c’est ici que se niche le cœur du propos.

Ce film est avant tout un écrin pour ses acteurs, ce sont eux qui nous incitent à s’accrocher au voyage. Oscar Isaac incarne à la fois Dante et Nick Tosches, jouant habilement plusieurs variations de l’écrivain illuminé, et partage avec Gal Gadot plusieurs belles scènes d’un romantisme assumé. Surtout, les rôles secondaires valent à eux seuls le détour. Se distinguent la participation d’Al Pacino dans un dialogue inattendu et subversif avec son petit-fils, et de Martin Scorsese, arborant une longue barbe de druide au milieu d’un bureau rempli de grimoires poussiéreux. Son apparition dans le rôle du sage mentor de Dante est d’autant plus savoureuse que c’est lui qui donne à l’écrivain l’impulsion de la création. Joli geste de la part de Julian Schnabel de laisser incarner par un autre cinéaste la figure tutélaire de son film, au cœur de laquelle se niche probablement son secret.


De Julian Schnabel