HUMAN RESOURCE
Critique du film
Avec Human Resource, Nawapol Thamrongrattanarit s’attache aux inquiétudes intimes autant qu’aux secousses collectives. Après Die Tomorrow, qu’il qualifiait de méditation sur la mort, et Fast And Feel Love, comédie burlesque autour de l’obsession de performance (disponible sur Netflix), le cinéaste thaïlandais choisit cette fois de regarder la naissance, celle que l’on attend ou que l’on redoute.
Son héroïne, Fren, manageuse des ressources humaines qui vient d’apprendre qu’elle est enceinte de quelques semaines (mais ne se sent pas prête à en parler à son conjoint), se heurte à un quotidien qui ne cesse de lui rappeler combien l’avenir est incertain. Au bureau, les pressions hiérarchiques et la violence feutrée des rapports de pouvoir font écho à un climat social délétère ; à la maison, l’amour conjugal se brouille dans les angoisses d’un monde en déliquescence. Tout autour d’elle, la télévision, la radio et les réseaux sociaux égrènent les catastrophes climatiques, les injonctions contradictoires, les annonces d’un futur en sursis.

Le cinéaste thaïlandais filme cette existence suspendue avec une simplicité désarmante. Les silences prédominent, la caméra s’attarde sur les gestes minuscules et les visages absorbés. Les bruits de l’extérieur s’invitent dans l’intime et la violence se manifeste, dans une ruelle en sens unique ou sur son lieu de travail. La photographie, douce et légèrement cotonneuse, épouse l’intériorité de son actrice principale, Prapamonton Eiamchan, dont le jeu retient les doutes et les peurs derrière un masque impassible.
Mais sous son apparente douceur, le film creuse une mélancolie politique. Comment donner la vie dans un monde qui semble voué à l’épuisement ? Comment espérer quand le travail, loin d’être un vecteur d’épanouissement, se réduit à la gestion cynique des corps ? Human Resource ne brandit pas de discours, il laisse sourdre cette inquiétude, jusqu’à faire de la maternité une métaphore de l’avenir tout entier : désirée et redoutée, fragile et menacée. Modeste dans ses moyens mais ample dans son résonnement, le film impose une tristesse douce, celle de subir son existence davantage que de la choisir, teintée de ce sentiment persistant d’un monde qui grince, et d’une vie qu’il faut malgré tout accueillir.






