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DO YOU LOVE ME

Do You Love Me est un voyage ludique et personnel à travers la mémoire audiovisuelle du Liban, entièrement composé d’images d’archives. C’est une lettre d’amour à Beyrouth, couvrant 70 ans de films, de télévision, de vidéos familiales et de photographies, le film reconstitue une histoire fragmentée dans un pays dépourvu d’archives nationales.

Critique du film

Tel le cèdre libanais aux branches multiformes, Do You Love Me est une proposition plurielle. Un assemblage d’images aux sources diverses, toutes mises au service du même but : illustrer la culture d’un pays dont les événements ont brisé la linéarité de l’histoire. On pourrait y voir une sorte d’hymne visuel, un portrait sciemment composé à travers une multitude de médias pour dépeindre les enjeux entourant le Liban et sa capitale.

Il n’y a, a priori, pas toujours de lien évident entre les images, hormis le pays d’origine. Do You Love Me puise aussi bien dans le cinéma local que dans des prises amateurs captées à la volée. Cette pluralité visuelle, qui s’exprime par la nature des séquences plus que par leur composition, offre un véritable terrain de jeu pour l’archiviste en herbe. C’est un long-métrage « poupées russes » qui se déploie sous nos yeux : un montage nerveux enchaîne bombardements, explosions nocturnes, vibrations filmées de souffles destructeurs, puis ménage des respirations plus légères. On y retrouve la sensualité d’un regard amoureux, une danse à la télévision ou un simple plan maritime où ciel et mer se confondent, symbole d’une symbiose à toute épreuve. C’est là que le lien se tisse : tout devient un renvoi constant aux deux facettes du pays — sa richesse culturelle et l’instabilité, paradoxalement nourrie par celle-ci.

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En mêlant religions, ethnies et traditions, le Liban s’est bâti une réputation d’État multiculturel, une enclave ouverte aux échanges et à la liberté de se rassembler, de s’accorder, d’évoluer ensemble. Le film de Lana Daher encapsule ce que le pays a traversé en assumant son identité singulière. Ainsi, Do You Love Me n’hésite pas à représenter les violences qui viennent heurter cette diversité : images d’hommes en armes dans les rues d’un Beyrouth exsangue, témoignages réels parasitant la bande-son sur un défilé de photographies de ruines. La guerre civile, comme celle de 2006 déclenchée par Israël, fut un moment décisif où l’on reprocha au Liban sa manière de « faire civilisation », d’être une société différente.

On ne peut donc réduire Do You Love Me à une simple célébration : c’est l’histoire contemporaine du pays qui s’y condense en un peu plus d’une heure. Force est de constater qu’il devient complexe de parler de « mise en scène » lorsque les images viennent d’ailleurs. Lana Daher n’est pas tant réalisatrice qu’« organisatrice » au sens anglo-saxon de « director » : la sélection et l’agencement des séquences constituent un geste de cinéma aussi fort qu’un plan millimétré. Cette méthode, couplée au montage précis et pointilleux de Qutaiba Barhamji, aboutit à une fresque condensée, presque hypnotique, qui invite à se pencher sur l’ensemble des cultures croisées ayant forgé l’identité de ce pays où coulent le lait et le miel.

Le temps a peut-être abattu la Rome antique, effacé la légendaire Babylone et relégué Troie dans l’oubli, mais Beyrouth vaincra, Beyrouth demeurera, car derrière les images de cinéma persiste avant tout la mémoire des lieux.


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