DEAD MAN’S WIRE
Inspiré d’une histoire vraie. 1977, la relation entre Tony Kiritsis, un ancien promoteur immobilier ayant mis sa tête à prix, et celle du banquier hypothécaire qui lui a fait du tort, exigeant 5 millions de dollars et des excuses personnelles.
Critique du film
Gus Van Sant n’avait plus tourné depuis 7 ans et son décevant Don’t worry he won’t get far on foot. Il revient en grande forme avec Dead Man’s Wire, une comédie noire délicieusement acérée qui emprunte à l’esprit corrosif des frères Coen.
Présenté hors compétition à cette 82ᵉ Mostra, le film s’arme d’un humour noir élégant pour livrer une critique féroce de l’autorité, des médias et du capitalisme en crise. Adapté d’un fait divers surréaliste de 1977, le film met en scène Tony Kiritsis (Bill Skarsgård), un petit promoteur au bord de la faillite, qui prend en otage le vice-président d’une société de prêts hypothécaires en le ligotant à un fusil raccordé à un « dead man’s wire » : un fil de fer sur la gâchette, où tout mouvement déclencherait un tir. Ce spectacle grotesque, retransmis en direct par les télévisions locales, devient une métaphore satirique d’une Amérique en proie à l’effondrement sociétal et médiatique.
Violence et injustice
En ressuscitant l’atmosphère des années 70 à travers une esthétique grainée, des couleurs saturées et un montage stylisé, Van Sant mobilise tout son savoir-faire formel empreint d’élégance et de distance ironique. Mais ce décor visuel n’est jamais gratuit : il sert à souligner la légèreté avec laquelle la société médiatico-juridique enveloppe la violence et l’injustice. Sa comédie noire trouve son cœur dans la performance de Skarsgård, dense et imprévisible, qui réussit à déplacer nos sympathies vers celui dont la colère semble née d’une humiliation trop longtemps contenue. Face à lui, Dacre Montgomery incarne avec finesse la victime, prisonnier indirect d’un système qui le dépasse. Des personnages secondaires, comme Al Pacino — cynique et déconnecté — ou Colman Domingo en animateur radio à la voix suave, apportent des tons dissonants qui enrichissent le récit tout en soulignant l’absurdité ambiante.
Au-delà du spectacle, plaisant et parfois jubilatoire, Dead Man’s Wire soulève des questions éminemment sociétales : qu’est-ce qui fait basculer un homme dans l’irrationalité violente ? Pourquoi les institutions semblent parfois prêtes à détourner leur regard pour mieux encadrer l’histoire plutôt que la questionner ? Van Sant ouvre quelques pistes mais ne tranche pas, il déploie une satire grinçante où l’absurdité des médias et la fascination judiciaire pour la folie de l’individu priment sur la souffrance réelle de la victime. Une lecture grinçante du désespoir ordinaire et de la fascination collective pour la transgression. Une satire cruelle, drôle et indispensable dans un pays plus fracturé que jamais.






