LES DIMANCHES
Une jeune fille de 17 ans est sur le point d’annoncer une nouvelle qui va bouleverser sa famille.
Critique du film
Récompensé du Prix du jury au Festival du Film de Société de Royan, Les dimanches s’inscrit dans une lignée de récits initiatiques où la religion n’est pas tant un refuge spirituel qu’un espace de substitution émotionnelle. Sous ses airs sobres et implacables qui ne manquent pas de rappeler la magistrale mini-série de son auteure (Querer), le film déploie une critique feutrée mais réelle des mécanismes religieux qui captent les êtres fragiles au moment où tout vacille. Ainara, adolescente encore cabossée par un deuil qu’aucun adulte de son entourage ne semble en mesure de nommer, trouve dans la foi une béquille, un récit prêt-à-porter qui lui offre ce que sa famille n’a su lui donner : de l’attention, des règles simples, une communauté soudée — au-delà des rituels d’apparence.
L’Espagne, dont le catholicisme structure encore l’imaginaire collectif malgré la sécularisation, constitue le terreau essentiel du film. Les dimanches n’en fait jamais un manifeste mais suggère, en creux, l’héritage d’un pays où l’on a longtemps appris à se taire, à obéir, à suivre sans questionner. Cette toile de fond s’aligne avec les choix de l’héroïne, sa soif de certitudes ne relevant pas d’une soudaine révélation mystique, mais d’une éducation non-laïque imprégnée de siècles de contrôle moral. Cherchant à situer au mieux son curseur, la cinéaste observe avec acuité comment la foi peut devenir une stratégie de survie dans un environnement affectivement déserté.
Or, le film avance avec la même ambiguïté que son héroïne et cette équidistance entre critique et empathie pourra apparaître comme un respect de l’intelligence du spectateur… ou comme un manque de parti pris tranché. Mais plus Les dimanches progresse, plus son monde devient étouffant. La communauté religieuse, sous des apparats de douceur et de bienveillance, révèle son versant sectaire : ses discours insinuent culpabilité et soumission, ses gestes enveloppent pour mieux isoler. Ainara, en quête d’amour et de repères, s’y laisse glisser presque malgré elle, tout en montrant des signes évidents de contradiction — ses envies d’ailleurs, son premier flirt avorté, son désir de vivre sa jeunesse « comme les autres ». C’est dans ces tensions que le film parait le plus pertinent, montrant comment la foi devient un refuge pervers, une manière de rendre supportable ce que le monde réel refuse de réparer.

On pourra regretter que la psychologie d’Ainara ne soit pas davantage fouillée et que le film effleure parfois plus qu’il ne creuse, laissant certains enjeux émotionnels en suspens. De même, une dose de radicalité supplémentaire dans le traitement des dérives catholiques aurait donné davantage de force à ce récit pudique. Mais ces réserves n’éclipsent ni la gestion dramaturgique, ni les interprétations de ses comédiennes qui portent Les dimanches. Blanca Soroa, lumineuse, donne à Ainara une intensité douce, faite de contradictions et de fragilité contenue. En face, Patricia López Arnaiz, bouleversante dans le rôle de la tante athée, injecte une humanité rugueuse, une colère rentrée qui fait contrepoint au discours religieux. Que le film se termine sur son personnage n’a sûrement rien d’anodin et apparaît comme une manière d’épouser discrètement le regard athée de la cinéaste, comme si Les dimanches trouvait finalement sa boussole éthique dans ce geste final.
Film sensible, parfois peut-être trop précautionneux mais toujours juste, Les dimanches explore avec nuance la porosité entre manque affectif et dérive spirituelle, entre héritage culturel et désir d’émancipation dans une Espagne encore marquée par les ombres de son passé religieux.
11 février 2026 – D’Alauda Ruíz de Azúa






