EXIT 8
Un homme piégé dans un couloir de métro cherche la sortie numéro 8. Pour la trouver, il faut traquer les anomalies. S’il en voit une, il fait demi-tour. S’il n’en voit aucune, il continue. S’il se trompe, il est renvoyé à son point de départ. Parviendra-t-il à sortir de ce couloir sans fin ?
CRITIQUE DU FILM
Comment adapter une mécanique de gameplay au cinéma ? De tous les films qui se sont échinés à adapter des jeux vidéos, peu sont ceux ayant tenté de délaisser la narration au profit de la retranscription d’une sensation manette en main. Pire, le peu de réalisateurs ayant essayé (on pense à Doom de Andrzej Bartkowiak) n’ont fait que transposer un niveau de jeu aléatoire en pensant par essence que les souvenirs des joueurs allaient remonter à la surface en un claquement de doigts.
Il aura donc fallu 2025 pour enfin voir un film réussir cette perspective, avec Exit 8. Le long-métrage de Genki Kawamura adapte à la lettre le principe de jeu de 7 différences inhérent à la proposition vidéoludique, mais ne génère que peu d’ennui grâce à une forme de « double je » formel. Explication : pour gagner dans le jeu éponyme, il faut arpenter à l’aide d’une caméra à la première personne un couloir de métro labyrinthique en faisant attention à tous les détails. En cas d’anomalie, il faut faire demi-tour ; sinon, il faut poursuivre son chemin. L’objectif est de répéter ce schéma huit fois, jusqu’à la sortie 8, synonyme d’échappatoire.
JE SUIS L’UN ET L’AUTRE
Ce « double je » intervient après le plan-séquence à la première personne qui amorce l’univers. Passé cet effet de style censé attirer les néophytes du jeu, la caméra se détache du protagoniste, et le suit dans ses recherches des fameuses anomalies. Or, le spectateur, extérieur au regard du personnage principal, se met lui aussi à fureter les lieux et à rechercher de son côté les dissonances et les faux raccords. Par ce jeu de dissociation entre sujet filmé et sujet regardant, Exit 8 est une double réussite.

D’une part, il rappelle aux connaisseurs leur premier contact avec le jeu, et le stress engendré par le soin maladif à accorder à tous les recoins du couloir. D’autre part, ce choix génère une frustration très efficace de voir des choses que l’homme à l’écran ne perçoit pas, ce qui amplifie la nervosité et, de fait, parvient à maintenir une tension constante. Ce choix de séparation entre caméra et personnage a aussi pour avantage de parler autant aux connaisseurs du matériau adapté qu’aux non-initiés, et ce grâce aux trois chapitres qui segmentent le récit. Pour aller au-delà de la proposition vidéoludique minimaliste, Genki Kawamura donne plus de matière à de pauvres adjuvants du jeu, et d’autres caractérisations qui attisent par endroits la curiosité.
A QUI LA FAUTE
Malgré tout, cette brillante adaptation ne masque pas quelques limites formelles. En effet, il faut bien reconnaître que quelques passages narratifs artificiels sonnent faux, pour faire accepter aux plus sceptiques les quatre-vingt-quinze minutes de pellicule parfois poussives. Les symboliques ajoutées dans les couloirs de métro – comme ce poster figurant des fourmis d’Escher, métaphore ultime du cloisonnement perpétuel – permettaient déjà de cultiver un fantasme à propos du dédale dont les personnages sont prisonniers. Il n’était peut-être pas nécessaire d’alourdir le tout avec une histoire d’accouchement imminent et de couple au bord du gouffre.
À cela s’ajoutent les problèmes inhérents non pas à la transposition, mais à l’essence même du gameplay initial : les moments horrifiques n’existent jamais complètement, car il faut forcément leur tourner le dos pour continuer son chemin. Dès lors, difficile de pleinement frissonner avec le personnage. Le rapport de frustration rend la caméra contre le personnage, et n’embrasse plus ses doutes mais les regarde de plus en plus de haut. Toutefois, rester sur ses points faibles serait ne pas rendre hommage au travail d’adaptation très ludique et haletant, maintenant du suspense et quelques trouvailles amusantes d’originalité. Et cet alliage est tellement rare dans l’horizon hybride cinéma/jeu vidéo qu’il faut le relever et le chérir.
BANDE-ANNONCE
3 septembre 2025 – De Genki Kawamura,
Avec Kazunari Ninomiya, Yamato Kôchi, Naru Asanuma






