1 ANNÉE, 1 FILM | L’année 1970
Explorer l’histoire du cinéma par fragments, au gré des années et des hasards. Avec 1 année, 1 film, la rédaction du Bleu du Miroir se prête à un jeu cinéphile : choisir chaque semaine une année différente — aléatoire — et y associer un film. Classique indémodable, pépite oubliée, œuvre culte ou curiosité méconnue : une manière de raconter le cinéma autrement, à travers les ellipses du temps. Cette semaine, l’année 1970.
Waterloo

La reco’ de Tanguy
L’enfant sauvage

La reco’ d’Emilien
Le travail de François Truffaut a régulièrement témoigné d’une sensibilité particulière au sujet de l’enfance, que ce soit dans ses écrits critiques ou, plus tard, dans ses films. S’il ouvrait sa carrière de cinéaste avec un portrait romancé de sa jeunesse tumultueuse (le très beau Les 400 coups), il s’attacha ensuite à réaliser un film miroir une dizaine d’années plus tard avec L’Enfant sauvage. Le regard du réalisateur change ainsi : l’enfance, sujet toujours précieux, est cette fois-ci considérée avec une certaine distance, et une part de secret qui échappe au monde adulte. L’intrigue se déporte sur le sujet de l’éducation, et c’est le cinéaste lui-même qui endosse le rôle de précepteur qui se donne pour mission d’apprendre au jeune Victor, élevé dans la nature, à parler, lire et écrire, comme si Truffaut, ayant au fil des ans acquis une certaine maturité, devait restituer maintenant restituer quelque chose, à l’enfance et à nous spectateurs. La pudeur inhérente aux personnages truffaldiens s’articule de fort belle manière avec la simplicité et le didactisme de la mise en scène, qui pose chaque situation comme un exercice à résoudre et y propose une solution par le jeu, par la parole – la voix intérieure du personnage principal se confond avec celle du réalisateur – et par les gestes, empruntant à Hitchcock et à Bresson la science de la preuve par l’image. Si l’affaire du film est, à l’arrivée, l’idée de transmission (d’un savoir, d’une émotion), le mystère propre à l’enfance reste intact. En bon cinéaste, Truffaut fait de la posture d’observateur la réponse au problème : on ne sait pas ce qui se passe dans la tête de l’enfant, mais on voit bien la façon dont il regarde la forêt par la fenêtre, pendant la leçon. – EP
Dillinger est mort

La reco’ de François-Xavier
Un titre en trompe-l’oeil, un enchaînement d’actions dans lesquelles un homme semble à la fois flotter et jubiler, Dillinger est mort est un modèle de film inépuisable, énigmatique et fascinant. Le film mijote comme son protagoniste, un dessinateur industriel, mitonne un plat tout en redonnant vie à un vieux pistolet trouvé au fond d’un placard, enveloppé dans un journal d’époque relatant la mort de John Dillinger. Tout semble amuser cet homme, interprété par Piccoli, tout en circulation déliée, précision et placidité : une mitraillette de papier qu’il fait parler d’un tremblement de feuille, les films de vacances qu’il projette dans son salon, le souffle de sa femme endormie qu’il enregistre. Tout, sauf le discours de son collègue qui semble l’ennuyer prodigieusement. Ferreri non plus ne discourt pas, il orchestre un dérèglement qu’il filme comme une logique interne. La mécanique du drame est parallèle à celle de l’arme. L’homme redonne vie au pistolet qui redonne vie à l’homme. Le prologue passé, les lignes de dialogue disparaissent peu à peu. Il ressort de la bande-son, hyper sophistiquée, le sentiment d’une cacophonie étouffée dans les plumes de deux oreillers. Dillinger est mort, plutôt que se digérer, se répercute longtemps dans les abîmes de réflexion qu’il ouvre sous nos yeux, inépuisables, énigmatiques et fascinants. – FXT
On achève bien les chevaux

La reco’ de Fabien
De la grande dépression des années 30 aux Etats-Unis, on ne verra quasiment rien directement dans On achève bien les chevaux, adaptation par Sydney Pollack du roman de Horace McCoy, mais il n’en est pas moins un témoignage glaçant de l’exploitation de la misère humaine. En choisissant le huis-clos d’un marathon de danse (concours où des couples dansent sans discontinuer jusqu’à l’épuisement), le récit dit tout du mal économique qui ronge la société américaine de l’époque tout en gagnant en intensité et en intemporalité. On ne sait pas grand-chose de chacun des participants si ce n’est qu’ils sont tous touchés de plein fouet par la pauvreté et qu’ils n’ont tellement plus rien à perdre qu’ils sont prêt à ruiner leur santé et à affronter l’humiliation pour un hypothétique gain final ou au minimum manger à leur faim et avoir un toit le temps qu’ils tiendront dans le concours. La mise en scène de Sydney Pollack suit parfaitement le rythme du concours de danse, des instants de tension absolue des derbys aux « pauses » où l’épuisement et la détresse des participants éclatent. Le réalisateur nous laisse peu de répit et nous enferme peu à peu, comme les personnages, dans un piège jusqu’à un dénouement déchirant mais inéluctable. Porté par Jane Fonda, Michael Sarrazin et Gig Young (excellent dans le rôle de l’organisateur), On achève bien les chevaux est un classique un peu trop oublié qui mérite indéniablement d’être (re)découvert. – FG
El topo

La reco’ de Théo
Obsédé par la religion et la foi, Jodorowsky transpose la passion du christ dans un western en plein désert. Son protagoniste incarne d’abord un malheur laissant pour seule trace dans son sillage, une mort certaine. C’est dans un environnement ouvert mais peuplé seulement par les vices de l’homme qu’El Topo doit rendre une justice égoïste qu’il considère pourtant comme divine. La pénitence passe par la soif, la souffrance, l’errance. La mort noire devient finalement un dieu blond synonyme de résurrection. Avant de trôner sur une haute montagne, le sacré envahissait déjà l’œuvre de Jodorowsky, comme un constant rappel que tout homme place sa croyance en quelque chose ou quelqu’un. – TK
Les choses de la vie

La reco’ de Sam


