critique les gouts et les couleurs

LES GOÛTS ET LES COULEURS

Si la relation entre Claire et Simone dure depuis 3 ans, elle ne l’a jamais avouée à sa famille, éclatée vers tous les profils et tous les horizons. Sa situation se complique encore lorsqu’elle tombe amoureuse de Wali, un chef sénégalais…

Récit d’initiation.

Malgré une communication inexistante au-dehors de Netflix, Les goûts et les couleurs, joyeuse comédie française de Myriam Aziza, mérite un coup d’œil – ne serait-ce qu’en raison de sa philosophie de l’individualisme. Simone Benloulou (Sarah Stern) n’est ni complètement juive, ni complètement lesbienne, ni complètement hétéro. Ou plutôt, elle est tout cela à la fois. Son ascendance familiale juive, sa vie en couple tenue secrète avec Claire (Julia Piaton) et sa romance naissante avec Wali (Jean-Christophe Foly), cuisinier sénégalais, font d’elle un être pluri-dimensionnel, impossible à réduire à une seule catégorie. À l’inverse, sa famille, sa compagne et Wali se complaisent dans une identité bien définie : la judéité orthodoxe, l’homosexualité exclusive, l’Islam sahélien.

Les goûts et les couleurs est un récit d’initiation. Au fur et à mesure de ses échecs et déconvenues, Simone apprend qu’on peut passer d’un état à l’autre, et même, qu’on peut se tenir entre deux états, sans que l’un n’annule l’autre. Décloisonnant et fluidifiant les représentations amoureuses, la cinéaste laisse libre cours à un désir impétueux, transcatégoriel, proche du polyromantisme. Ce faisant, Les goûts et les couleurs condense parfaitement les mythes qui entourent l’individu contemporain. Inassignable, irréductible, indépendant : tout part de lui et revient à lui. Centre de gravité narratif, Simone organise autour d’elle l’ensemble des intrigues ; comme si son désir contrarié ordonnait le monde. C’est là l’une des limites du film. D’abord, au point de vue du récit, le chemin parcouru par Simone n’est parcouru précisément que par elle. Son entourage ne l’emprunte pas ; et la rédemption finale, sortie quelque peu du chapeau, sonne artificielle et masque la réalité des combats personnels contre les barrières catégorielles. Mais imputons cet argument au ton volontairement joyeux d’une comédie romantique.

On peut néanmoins demeurer sceptique quant à la représentation de l’individu. Malheureusement, le désir ne fait pas tout. Et ne provient pas de nulle part. On constate qu’il est sociologiquement déterminé ; ce qui signifie que d’une part, il porte en soi des représentations propres à une catégorie (un ensemble de préjugés), et d’autre part, qu’il va buter contre celles d’une autre catégorie. En un mot : la fable de Les goûts et les couleurs est trop belle pour y croire. Et c’est peut-être cet excès de bonté qui définit le mieux l’œuvre : elle agit comme un mythe, un discours destiné à transformer les représentations sociales de l’amour, bien davantage qu’à en imprimer fidèlement les traits.

La fiche

LES GOÛTS ET LES COULEURS
Réalisé par Myriam Aziza
Avec Sarah Stern, Jean-Christophe Folly, Julia Piaton…
France – Romance, comédie
Sortie (Netflix: 24 juin 2018
Durée : 95 min




%d blogueurs aiment cette page :