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L’INTÉRÊT D’ADAM

Adam, 4 ans, est hospitalisé pour malnutrition à la suite d’une décision de justice. Lucy, l’infirmière en chef, autorise la mère d’Adam à rester auprès de son fils au-delà des heures de visite fixées par le juge. Mais la situation se complique quand celle-ci refuse une nouvelle fois de quitter son fils. Dans l’intérêt de l’enfant, Lucy fera tout pour venir en aide à cette mère en détresse.

Critique du film

En 2021, Laura Wandel s’imposait au sein de la sélection Un Certain Regard avec son premier long-métrage, le percutant Un monde. Elle plongeait alors le spectateur dans l’enfer d’une cour d’école pour traiter de la question du harcèlement scolaire. Un sujet brûlant porté par une mise en scène immersive qui prenait à la gorge pendant près d’une heure et quart. Pour son second film, la cinéaste ancre à nouveau sa fiction dans une institution fondamentale à nos sociétés contemporaines : l’hôpital public. Avec une durée toujours aussi resserrée (73 minutes, générique compris), L’intérêt d’Adam promettait sur le papier une nouvelle expérience sous tension maximale.

Il faut dire que le dispositif de mise en scène opéré ici est très similaire à celui d’Un monde : caméra embarquée à hauteur des personnages, photographie hyperréaliste et enchainement de plans séquence pour marquer le sentiment d’urgence permanent. Pendant un temps, on se demande si ces choix de réalisation ne vont pas nuire au projet et sonner comme une redite un peu facile de la part de la réalisatrice. Pour autant, il faut bien reconnaitre à Laura Wandel une cohérence et maitrise totale de ses gammes, tant la partition jouée ici colle parfaitement à son sujet.

Dès la première scène, on se retrouve immédiatement au cœur de l’action, invités à suivre chevillés au corps Lucy (impeccable Léa Drucker), infirmière en cheffe de l’unité pédiatrique d’un hôpital. Gestes précis, démarche assurée et calme à toute épreuve, Lucy apparait d’entrée de jeu comme un point d’ancrage fort, tant pour le spectateur que pour les personnages qui gravitent autour d’elle. Lors de sa garde, Lucy doit prendre en charge le cas d’Adam, 4 ans, souffrant de malnutrition et dont l’hospitalisation a été commanditée par la justice. Sa mère, Rebecca, n’est autorisée à voir son enfant que quelques heures par jour, et uniquement dans le cadre des repas, pour inciter Adam à accepter la nourriture prescrite, évitant ainsi au personnel de soins d’utiliser une sonde de gavage. Convaincue qu’elle peut faire prendre conscience à Rebecca de la gravité de la situation, Lucy autorise cette dernière à rester un peu plus longtemps auprès de son fils…

La réussite du film tient avant tout dans son point de vue, en parfait équilibre entre sa représentation documentée et totalement en prise avec le réel du quotidien hospitalier dépeint, et son refus systématique des effets de sur-dramatisation. Si le sort d’Adam devient un tel élément de tension psychologique et viscérale, c’est avant tout car le film s’en remet toujours aux enjeux purement humains qui se jouent en (quasi) temps réel. Les décisions (discutables) prises par Lucy sont évidemment mues en premier lieu par une volonté de faire au mieux son travail, dans l’intérêt de l’enfant ET de sa mère. Cependant, le pouvoir que lui confère sa position, la fatigue accumulée, ainsi qu’une identification un peu trop prégnante envers Rebecca la conduisent petit à petit à sortir du cadre de ses fonctions, quitte à risquer l’envenimement de la situation initiale…

En miroir, le film évite de faire du personnage incarné par Anamaria Vartolomei le portrait caricatural de « la mauvaise mère » auquel les prémisses nous préparaient. Avec quelques éléments de caractérisation subtilement amenés et l’interprétation toute en finesse de la comédienne, le personnage de Rebecca se dévoile petit à petit comme le maillon d’un système l’ayant progressivement isolée. Une descente aux enfers tristement banale qui la conduira inévitablement à perdre pied.

D’une remarquable concision, L’intérêt d’Adam parvient à raconter beaucoup en montrant peu. Laura Wandel utilise la puissance de la fiction pour raconter les dysfonctionnements liés aux manques de moyens alloués aux services public, et ce sans jamais tomber dans le procès d’intention à charge.  Elle préfère se concentrer sur les êtres qui composent cet écosystème et nous rappeler qu’en perdant de vue le facteur humain et la complexité du rapport à autrui, ce système n’est bon qu’à broyer les individus dans des procédures kafkaïennes.


1er octobre 2025De Laura Wandel

Cannes 2025 – Semaine de la Critique