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LE CIEL ROUGE

Une petite maison de vacances au bord de la mer Baltique. Les journées sont chaudes et il n’a pas plu depuis des semaines. Quatre jeunes gens se réunissent, des amis anciens et nouveaux. Les forêts desséchées qui les entourent commencent à s’enflammer, tout comme leurs émotions. Le bonheur, la luxure et l’amour, mais aussi les jalousies, les rancœurs et les tensions. Pendant ce temps, les forêts brûlent. Et très vite, les flammes sont là.

Critique du film

Pour son troisième long-métrage en cinq ans, après Transit (2018) et Ondine (2020), Christian Petzold se tourne vers la mer Baltique et un film d’été où il retrouve à nouveau Paula Beer, entourée cette fois non de Franz Rogowski, mais de Thomas Schubert et de Langston Uibel. Ils jouent Leon et Felix, deux amis venus au calme d’une maison familiale pour travailler sur leurs projets artistiques, un roman pour le premier, la photo pour le second. Bien que le réalisateur allemand dit avoir voulu concevoir une histoire de vacances estivale, les premiers plans nous plongent dans une atmosphère de film d’horreur, les deux hommes ayant une panne de voiture en pleine forêt, obligés de continuer à pieds dans un univers inquiétant. La nuit va poindre et la route est incertaine, Felix abandonne Leon pour vérifier s’ils ne sont pas perdus.

Le ciel rouge démontre tout de suite qu’il ne correspond pas à ce qu’on croit avoir compris de lui, se métamorphosant dès qu’on s’imagine l’avoir cerné. Felix réapparaît donc subitement, la maison est à peine à quelques minutes de là. D’un potentiel de film d’horreur, Petzold fait muter son film en éducation sentimentale avec l’irruption surprise d’un troisième personnage, Nadja, puis d’un quatrième Devid. Les couples se forment et se séparent dans une fluidité déconcertante, avec le regard extérieur de Leon, semblant toujours se trouver à l’extérieur de l’action, en attente de quelque chose. S’il est au centre de l’attention du cinéaste, il est pourtant en dehors de toute l’action qui se déroule : il ne comprend pas ses camarades, ne participe pas à leurs jeux, se réfugie dans le travail et se trompe sur à peu près tout et tout le monde.

le ciel rouge

Leon est également une sorte d’illustration des clichés contemporains : il juge son entourage, comme Nadja qu’il classe dans la catégorie des dilettantes, tout juste bonne à vendre des glaces à proximité de la plage. Quand il découvre qu’elle est en fait une doctorante en littérature allemande, il réagit comme dans toutes les autres situations du film, avec jalousie et agressivité, avant de se réfugier en lui-même, loin des autres. Le feu lui-même, qui dévore à la fois les paysages mais aussi les hommes comme le montre le drame ultime du film, échappe à la vue de Leon, qui se croit loin de cette menace, jusqu’à ce qu’elle se matérialise dans le plan avec l’apparition d’un marcassin à la fourrure enflammée, qui vient mourir sous ses yeux.

La frustration de Leon est bien représentée par Thomas Schubert, qui joue cet agacement permanent de celui qui se croit au dessus de tous, méprisant chacun ouvertement, jusqu’à tomber définitivement de son piédestal en constatant la médiocrité de ce fameux travail qui l’obsédait tant. Le doux regard de Paul Beer qui, malgré tout, s’intéresse à ce monstre d’égotisme, est presque dès lors incompréhensible. Elle opère comme la conscience de cette histoire qui, par son intermédiaire, signale à Leon tout ce qu’il rate, ne comprend pas, parfois avec brutalité pour qu’il sorte enfin de sa stase. Si cette histoire se conclue par l’utilisation du drame par Leon pour en faire un roman de bien meilleure facture que celui sur lequel il travaillait, on constate que le personnage ne ressort pas grandi de cette histoire qu’il quitte sur un acte plein d’opportunisme et de lâcheté. Le ciel rouge révèle également Langston Uibel qui, en quelques scènes, et avec beaucoup d’humour notamment, capte la caméra avec une très grande classe.

Bande-annonce

 

6 septembre 2023 – De Christian Petzold, avec Paula Beer, Thomas Schubert et Langston Uibel.


Présenté en compétition à la Berlinale 2023




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