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LA SIRÈNE

1980. Abadan, Iran. Les habitants résistent à un siège irakien. Parmi eux, Omid, quatorze ans, choisit de rester dans la ville avec son grand-père en attendant le retour de son frère aîné. Omid trouve un bateau abandonné dans le port d’Abadan.Et si c’était une solution afin de sauver sa famille ?

Critique du film

Si Sepideh Farsi vit en France depuis près de trente ans, elle n’a jamais cessé de filmer l’Iran. La Sirène est un nouveau projet, un film d’animation, qui a pour cadre la ville d’Abadan au sud du pays, en 1980 en pleine guerre Iran/Irak. Ce lieu très précis était un enjeu pétrolier, on y trouvait une grande raffinerie qui a un rôle dans le film, ce qui explique ce siège sans relâche de la ville par les troupes irakiennes. Si Sepideh Farsi est plus connue pour ses films en prise de vue directe, que ce soit dans la fiction ou le documentaire, l’animation lui permet une certaine poésie et hauteur de vue qui sautent aux yeux dès les premières scènes. On assiste à un match de foot entre gamins sur un terrain vague, et au moment d’un penalty, Omid lève les yeux et en oublie le ballon qui entre dans les filets. Le mouvement qui part de ses yeux montre alors dans un sublime élan chromatique rougeâtre les bombes qui visent la raffinerie et explosent dans un vacarme retentissant qui fait comprendre aux enfants pourquoi leur ami ne regardait plus le tireur et son ballon. Cette simple scène plante un décor immédiatement familier, dessinant des enjeux et les intentions de la cinéaste.

Passé ce premier émerveillement, on voit se multiplier les personnages, le grand frère qui part au front, le grand-père bougon et la mère qui prend la fuite avec les plus jeunes de ses enfants, et toute une série de personnages secondaires qui peuplent cette cité et lui donnent par la même occasion une chair palpable. On se prend de passion pour chacun et chacune, de l’ancienne actrice adulée de tou.te.s, au cuisinier qui prépare les repas de ceux qui sont isolés dans ce conflit qui accable Abadan. Cette mosaïque de protagonistes dessine également un aspect cosmopolite qui interpelle. L’Iran de la république islamique est pour les occidentaux la représentation d’une unicité, de religion, d’origines, alors que La Sirène montre une ville où règne la diversité, notamment confessionnelle avec des prêtres arméniens qui veulent à tout prix sauver leur statue de la vierge Marie. Omid nous permet de rencontrer ces habitants, à travers ses pérégrinations.

La Sirène
Il est en effet un jeune homme qui fait le choix de rester dans sa ville, plutôt que de suivre sa mère dans l’exil, et qui met à profit ce temps et cette liberté pour aider le plus de monde possible. Livraisons à moto, plan pour faire s’échapper la population sur un bateau, germe d’une histoire d’amour, il n’arrête pas une seconde de courir dans un rythme effréné à couper le souffle. On ne s’ennuie jamais devant La Sirène, il y a tant de choses à voir et à comprendre que chaque scène est comme un tableau somptueux magnifié par l’animation du film. Les aplats de couleurs, présents selon la cinéaste pour créer un effet d’enfermement retranscrivant le siège d’Abadan, donnent l’humeur de la scène, avec plus ou moins de lumière selon le moment raconté. Si cette histoire est avant tout un drame, une ville est anéantie sous nos yeux, il subsiste malgré tout le sentiment d’un lyrisme, notamment dans des scènes de chants et musiques traditionnelles surprenantes, qui ouvrent notamment le film.

Par ces choix multiples et la diversité de portraits présentés, La Sirène est un film riche qui déborde d’émotions et de qualités, notamment visuelles. L’animation n’est à aucun moment un motif accessoire mais un véritable moteur qui permet à cette histoire d’exister. Sepideh Farsi réussit à représenter ce moment si complexe, sous le mode fictionnel, là où Abdallah al-Khatib avait raconté l’histoire du siège de Yarmouk en prise de vue directes dans son bouleversant Little Palestine (2022). Les deux films, au-delà de leur sujet commun, possèdent une même force évocatrice et un souffle magnifique qui fait cinéma au delà de la tragédie décrite. Passé par le Panorama de la Berlinale 2023, ce très beau film qu’est La Sirène pourra trouver son public en France dès cette année.

Bande-annonce

28 juin 2023 – De Sepideh Farsi, écrit par Javad Djavahery, avec la musique originale d’Erik Truffaz.


Présenté au Panorama à la Berlinale 2023




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