ITALIA, LE FEU, LA CENDRE 03

ITALIA, LE FEU, LA CENDRE

Italia, Le Feu, La Cendre est un film entièrement composé d’images d’archives tournées en Italie entre 1896 et 1930, dont la plupart n’ont jamais été montées depuis leur sortie en salles, au début du XXe siècle. Conçu sous la forme d’un essai lyrique et onirique, ce documentaire retrace la naissance du septième art dans une Italie à peine unifiée, de ses premières images jusqu’au parlant et la chute dans le précipice du fascisme. Cette industrie cinématographique florissante a donné naissance au péplum, fait éclore les premières stars, que l’on nommait alors des dive et révélé des cinéastes qui se sont forgés un style en s’inspirant des oeuvres les plus en vogues de l’époque, que ce soit en peinture, en littérature, au théâtre ou à l’opéra. Dans ses fastes, ses délires romantiques, son goût pour l’excès, pour la littérature décadentiste de D’Annunzio, pour le symbolisme et la musique de Verdi, ce cinéma a bénéficié d’une renommée internationale, fascinant les foules et les artistes dans toute l’Europe, et bien au-delà, jusqu’aux États-Unis et en Amérique Latine.

Critique du film

Le cinéma muet italien a connu un âge d’or et une renommée d’exception. Une grande partie des 10000 films réalisés entre 1896 et 1930 est malheureusement perdue ou a été détruite, notamment durant la seconde guerre mondiale. Céline Gailleurd et Olivier Bohler, qui avaient déjà tourné ensemble documentaires et courts-métrages, ont co-réalisé Italia, le feu, la cendre qui rassemble de précieuses images d’archives, des documents exceptionnels, déjà d’une grande beauté, qui prennent toute leur puissance grâce à un savant art du montage et de la construction, la structure de ce film apparaissant comme essentiellement poétique. 

Les nombreux extraits de films ou les images d’actualité qui défilent sous nos yeux sont accompagnés par des musiques qui prennent parfois des accents lyriques, mais aussi mélancoliques, ou qui peuvent se faire oppressantes, angoissantes. Les commentaires lus par Fanny Ardant pour la version française et par Isabella Rossellini pour les versions italienne ou anglaise reprennent parfois des avis de personnalités de cette époque, par exemple ceux du dramaturge Luigi Pirandello qui haïssait le cinéma. Ce grand écrivain reprochait notamment au cinéma, lorsqu’il adaptait de grandes œuvres théâtrales ou littéraires, de les appauvrir, de les réduire à de simples images. D’autres avis, d’autres souvenirs nous sont présentés, certains particulièrement émouvants, d’autres bousculant parfois nos certitudes. 

Italia, le feu, la cendre regorge de scènes épiques, de visions dantesques, esthétiques. Follement original, le cinéma muet italien possédait déjà une richesse exceptionnelle et ce document est là pour nous le rappeler et nous émerveiller. On est emballé, ému et admiratif. On est happé par ces images qu’accompagne une superbe bande son et une narration qui donne à l’ensemble un caractère presque hypnotique. Et puis on y découvre des anecdotes incroyables, aussi folles que les réalisations de cette période. Lyda Borelli, diva du septième art de cette époque, mit fin à sa carrière pour épouser le Comte Cini ; ce dernier racheta toutes les copies de ses films et les jeta à la mer, dit-on.

Collection unique de trésors oubliés, témoignage d’un paradis perdu, Italia, le feu, la cendre sort en salle le 15 mars. Ce document exceptionnel, distribué par Carlotta, s’avère instructif, passionnant mais aussi formellement particulièrement réussi. Il plaira au plus grand nombre. 

Bande-annonce

15 mars 2023De Céline GailleurdOlivier Bohler, avec la voix de Fanny Ardant




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