still_Dalloway

DALLOWAY

Clarissa, romancière en mal d’inspiration, rejoint une résidence d’artistes prestigieuse à la pointe de la technologie. Elle trouve en Dalloway, son assistante virtuelle, un soutien et même une confidente qui l’aide à écrire. Mais peu à peu, Clarissa éprouve un malaise face au comportement de plus en plus intrusif de son IA, renforcé par les avertissements complotistes d’un autre résident. Se sentant alors surveillée, Clarissa se lance secrètement dans une enquête pour découvrir les réelles intentions de ses hôtes. Menace réelle ou délire paranoïaque ?

Critique du film

Dans la famille des très bons artisans du cinéma français, Yann Gozlan détient une place de choix. Du survival (Captifs, 2010) au thriller paranoïaque (Boite noire, 2021), le réalisateur tend à circuler habilement entre les genres, avec un mélange de rigueur et de déférence envers les maîtres qu’il convoque, tout en revendiquant une dimension de pur divertissement populaire. Après s’être cassé les dents sur Visions, thriller labyrinthico-érotique franchement raté, on le retrouve aux commandes de Dalloway, inspiré du roman Les fleurs de l’ombre de Tatiana de Rosnay. Il s’attaque cette fois-ci au récit d’anticipation et à la question très actuelle de la place de l’Intelligence Artificielle dans notre quotidien.

Cécile de France y incarne Clarissa, une écrivaine en mal d’inspiration. Cette dernière a récemment rejoint « La Résidence », bâtiment high-tech réservé aux artistes, où chaque pensionnaire bénéficie d’un assistant virtuel chargé de répondre à ses besoins, lui permettant ainsi de se concentrer pleinement sur sa création. Dans le cas de Clarissa, l’entité à ses petits soins se nomme Dalloway. Si cette aide semble porter ses fruits dans un premier temps, Clarissa commence rapidement à suspecter que quelque chose cloche, notamment face au comportement de plus en plus intrusif de Dalloway

Le film peut compter sur le savoir-faire indéniable de son metteur en scène pour mettre sur pied une intrigue prenante qui se veut ludique d’entrée de jeu. Comme souvent chez le réalisateur, le concept n’a rien d’original, mais c’est le soin apporté à la crédibilité de sa situation initiale qui embarque le spectateur. On croit d’emblée à ce décor 2.0 aseptisé dans lequel Clarissa choisit de se ressourcer après un événement traumatisant. À la fois proche de nous mais légèrement plus avancé technologiquement, l’univers de Dalloway a une matérialité concrète qui permet une implication directe. 

Dalloway

On retrouve également certains motifs du cinéma de Gozlan, notamment dans la caractérisation de Clarissa, personnage rongé par la culpabilité, sentiment aux conséquences toujours inquiétantes dans le cinéma du réalisateur d’Un homme idéal. Ici, le trauma qui définit Clarissa se veut autant un enjeu de surpassement du personnage que l’élément qui pourrait la mener à sa perte. Et si l’on peut regretter la nature vue et revue de ce type de conflit intérieur (surtout pour un personnage féminin écrit en 2025 !), force est de constater que le parcours psychologique de l’héroïne reste parfaitement exécuté et interprété par une Cécile de France très investie.

Toutes ces qualités ne parviennent cependant pas à tenir sur la longueur. Car si le programme se suit sans réel déplaisir, rien de ce que Dalloway entreprend n’étonne jamais. Comme si l’IA antagoniste au cœur du récit avait pris le contrôle de l’écriture du scénario en cours de route. C’est d’autant plus frustrant que le film annonçait quelques pistes de réflexions intéressantes, notamment sur les entreprises privées et puissantes qui blanchissent leurs activités peu reluisantes en faisant des dons à des fondations pour l’art (on vous invite à chercher la petite référence bien sentie à Terminator). 

La frustration domine au sortir du visionnage de Dalloway, tant le film paraît survoler son sujet et les implications éthiques et politiques que celui-ci implique. En l’état, le long-métrage donne davantage l’impression d’avoir assisté à un épisode correct de Black Mirror ; sentiment renforcé par la photographie générique (pour ne pas dire très Netflix) de Manuel Dacosse. C’est regrettable car le projet ne manquait pas d’atouts, à commencer par la bonne idée d’avoir confié la voix de l’entité à Mylène Farmer. Avec son timbre suave et enveloppant, la chanteuse incarne à merveille cette intelligence artificielle insidieuse, dont la présence devient de plus en plus inquiétante au fil des événements. Vite vu, vite oublié.


17 septembre 2025 – De Yann Gozlan

Avec Cécile de FranceLars MikkelsenAnna Mouglalis


Cannes 2025 – Séance de minuit