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Věra Chytilová – Deux autres films à (re)voir en salle

A l’occasion de la ressortie en salles du film Les Petites marguerites, deux films de la réalisatrice Věra Chytilová peuvent être vus ou revus, qui permettent de constater l’aspect novateur et iconoclaste qui traversait l’œuvre de cette grande artiste. Formellement et thématiquement avant-gardiste, son cinéma ne cesse de fasciner et laisse songeur quant à ce que Vera Chytilova aurait pu réaliser durant la période de chômage forcé qu’elle subit de 1969 à 1976.

Un sac de puces

Un Sac de puces 

L’action d’Un Sac de puces se déroule dans un internat réservé à de jeunes ouvrières qui travaillent dans une usine de textiles. Une nouvelle arrive et doit affronter les quolibets et le rejet de l’ensemble des jeunes filles déjà présentes. Les demoiselles sont bien délurées et indisciplinées, bien loin de l’image calme et studieuse qu’on aurait aimé donner à l’époque d’une certaine jeunesse. Bien au contraire, préfigurant les héroïnes du film Les Petites marguerites, tourné quatre ans plus tard, les principales protagonistes de ce moyen métrage s’avèrent insolentes, réfractaires à la discipline et peu amènes à priori les unes avec les autres. 

L’ennui qu’elles semblent ressentir dans cet endroit où règne une discipline quasi militaire, l’insolence dont elles font preuve, cette atmosphère corsetée, tout cela nous est montré avec une belle inventivité et également une certaine tendresse et indulgence. Derrière cette façade revêche, difficile de ne pas être attendri par ces héroïnes qui rêvent naïvement du Far West et admirent les outlaws. Elles se posent également de véritables questions  comme croire ou ne pas croire en Dieu, par exemple. Confrontées aux contradictions entre leur éducation religieuse à la maison et ce qu’on leur inculque à l’internat, enseignement plus officiel et politique. De même, lorsqu’une jeune est sur la sellette et risque une mise à l’écart, une solution intelligente sera peut-être trouvée ; un espoir persiste grâce à la solidarité. En l’occurrence la proposition d’une femme bienveillante et d’expérience. 

Les fruits du paradis

Les Fruits du paradis

Tourné en 1969, totalement avant-gardiste dans son écriture et sa forme, Les Fruits du paradis part de l’histoire d’Adam et Eve et offre une création cinématographique et poétique qu’on peut qualifier d’expérimentale. Et d’une grande beauté. La plupart des plans de ce long-métrage peuvent évoquer des œuvres picturales par leur composition, le travail sur les couleurs, les nuances de blanc, de rouge, notamment. Le travail de Jaroslav Kucera, déjà chef opérateur sur Les Petites marguerites contribue à la réussite de cette œuvre fascinante et hypnotique. 

Visions psychédéliques, scènes parfois absurdes, teintées de non sens, utilisations du ralenti, de l’accéléré ou de coq à l’âne visuels, Les Fruits du paradis éblouit par sa forme, son esthétique. Certains objectifs déformants donnent à l’ensemble un aspect onirique. Symbolique, énigmatique, offrant également des images tantôt humoristiques, parfois effrayantes, ce film inclassable développe bien sûr le thème de la connaissance, de la recherche de la vérité. Et s’interroge sur ce qui est le plus souhaitable : le bonheur dans l’ignorance ou la connaissance et la souffrance qu’elle peut engendrer. Il est aussi question du rapport entre hommes et femmes et de la violence que ces dernières connaissent. L’esthétique n’est ici jamais gratuite, mais intimement liée à une signification profonde et à une intention d’éveiller et de toucher la conscience du spectateur.


Ces deux films qui permettent de mieux connaître cette artiste décédée en 2014, et dont l’œuvre a profondément marqué cinéastes et spectateurs, sont distribués par Malavida Films et seront à nouveau visibles dès le 31 août au moment de la sortie en salle du film Les Petites marguerites



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