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TROIS SOUVENIRS DE MA JEUNESSE

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D'une extrême fadeur

Paul Dédalus va quitter le Tadjikistan. Il se souvient… De son enfance à Roubaix… Des crises de folie de sa mère… Du lien qui l’unissait à son frère Ivan, enfant pieux et violent…Il se souvient… De ses seize ans… De son père, veuf inconsolable… De ce voyage en URSS où une mission clandestine l’avait conduit à offrir sa propre identité à un jeune homme russe… Il se souvient de ses dix-neuf ans, de sa sœur Delphine, de son cousin Bob, des soirées d’alors avec Pénélope, Mehdi et Kovalki, l’ami qui devait le trahir… De ses études à Paris, de sa rencontre avec le docteur Behanzin, de sa vocation naissante pour l’anthropologie… Et surtout, Paul se souvient d’Esther. Elle fut le cœur de sa vie. Doucement, « un cœur fanatique ».

Poésie disparue.

Projeté à Cannes à la Quinzaine des réalisateurs, Trois souvenirs de ma jeunesse fait écho à une autre oeuvre d’Arnaud Desplechin : Comment je me suis disputé… (Ma vie sexuelle) sorti en 1996.

Par le biais d’une pellicule découpée en triptyque, le film dévoile Paul Dédalus, héros littéraire tourmenté, à la fois khâgneux et amoureux, jeune puis vieux, nous livrant ses mémoires adolescentes. Dans un premier temps, l’enfance torturée par la folie furieuse de la mère, et les coups de son père. Puis, vient la « bonne action », où le jeune personnage principal, par pure amitié pour un camarade, décide de donner son identité pour sauver un homme de l’URSS. Enfin, l’amour, le seul, l’unique, celui qu’on ne croise qu’une fois dans sa vie, celui qui finit toujours par s’en aller : Esther, sorte de poupée blonde et effrontée.

Dans Trois souvenirs de ma jeunesse, les scènes se suivent, comme l’on tourne une page d’un livre qui n’en finirait plus. Malgré une volonté sans cesse renouvelée d’attirer la caméra sur les visages pour palper au plus près les émotions de cette bande de pote de Roubaix, Arnaud Desplechin échoue à offrir un frisson et nous astreint à une sorte de mélancolie passive. Pour ne rien arranger, il manque à cet enchaînement maladroit une bande-son tonitruante ou une playlist opportune qui nous donnerait brusquement l’envie de revivre nos dix-neuf printemps dans l’incandescence.

Nos deux amoureux, Paul et Esther, se trompent et s’éloignent géographiquement, faisant brûler et monter la passion jusqu’à ce que les doutes, les questions et le mal être ne (re)fassent surface. On pourrait dès lors reprocher au réalisateur un manque d’empathie pour son personnage (d’autant plus triste si celui-ci a puisé dans sa biographie) et une certaine dérision.

Dans ce passé labyrinthique, le film use d’un lyrisme trop conventionnel sans aucune véritable saveur – si ce n’est au travers d’une paire de dialogues. L’ensemble donne la sensation d’un étirement, l’auteur semblant se noyer dans un verre d’eau à force d’abuser de tous ses mots – et ses maux. Trois souvenirs de ma jeunesse apparaît bien trop propret et maniéré pour nous emporter dans les limbes des tourments.

Qui sont ces jeunes gens sans charisme qui batifolent autour d’un curieux amour blondinet à la fadeur extrême ? Des poètes disparus, sans doute, mais qui ne parleront jamais aussi bien du cataclysme amoureux que Xavier Dolan, ou du tout premier amour, comme le fit Abdellatif Kechiche dans La vie d’Adèle.

La fiche

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TROIS SOUVENIRS DE MA JEUNESSE
Réalisé par Arnaud Desplechin
Avec Quentin Dolmaire, Lou Roy Lecollinet, Mathieu Amalric…
France – Drame
Sortie en salle : 20 Mai 2015
Durée : 120 min




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paryves
paryves
8 années il y a

On a l’impression que Chloé est déçue de ne pas avoir été invitée à jouer dans ce beau film, ou peut-être qu’elle n’a pas vu le film à Cannes ? On attend avec impatience son prochain article sur la maîtresse de Twilight

Isabelle de Guinzan
Isabelle de Guinzan
8 années il y a

Arf c’est vrai que le film ne soutient pas la comparaison avec La Vie d’Adèle ou un bon Dolan, mais quand même je trouve la note bien dure ! Je l’ai vu hier et je ne savais même pas qu’il y avait un lien avec un film précédent, chose que j’ai découverte aujourd’hui. J’ai été étonnée qu’on ne creuse pas plus la partie avec Amalric et l’histoire d’espion. C’est peut-être pour ça alors que ça m’a un peu déroutée… Finalement je n’ai pas très bien vu pourquoi le film partait un peu dans tous les sens alors que l’histoire d’amour du Paul jeune phagocyte tout au bout d’un moment (le chapitre sur l’enfance m’a paru anecdotique). Je me suis tout de même laissée prendre par cette belle histoire, justement, notamment grâce à Quentin Dolmaire, grande révélation pour moi, dont je suis sûre qu’on n’a pas fini d’entendre parler ! Allez, pour moi, ça vaut bien la moyenne !

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