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THE REVENANT

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Boursouflé

Dans une Amérique profondément sauvage, Hugh Glass, un trappeur, est attaqué par un ours et grièvement blessé. Abandonné par ses équipiers, il est laissé pour mort. Mais Glass refuse de mourir. Seul, armé de sa volonté et porté par l’amour qu’il voue à sa femme et à leur fils, Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi. Sa soif de vengeance va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles, revenir chez lui et trouver la rédemption.

Profondément bête.

C’est précédé d’un buzz particulièrement bien orchestré autour du tournage « extrême » (et fort onéreux) avec moult anecdotes visant à renforcer la campagne pro-Leo pour l’obtention de son Oscar tant espéré et auréolé de plusieurs Golden Globes (dont ceux du meilleur film et du meilleur acteur) que The Revenant fut présenté à une partie de la presse française.

Après un Birdman maniéré mais réussi pour lequel il fut consacré l’an passé, Inarritu retombe dans son fétichisme du calvaire déjà insupportable dans Biutiful. Maître de l’esbroufe et de l’acharnement, il n’épargnera à son trappeur aucune souffrance – psychologique ou physique. Au lieu de créer l’empathie, le scénario accumule les faiblesses (intrigue simpliste, propos stupide, caractérisation paresseuse et manichéenne) et tombe dans la surenchère perpétuelle transformant ce survival en chemin de croix lassant. On assiste alors, quelque part entre l’hébétude et l’indifférence, à ce spectacle gore et boursouflé qui se croit plus puissant qu’il ne l’est. 

Visionner The Revenant, c’est aussi faire l’expérience d’un film où le tournage semble plus important que le produit fini – qui semble souffrir parfois du syndrome du film malade, rongé par sa propre démesure. À qui cela importe-t-il que le tournage ait été si éprouvant ? Faut-il qu’un acteur mange un foie de bison pour juger son interprétation plus convaincante ? Juge-t-on le film ou sa conception ? C’est la question que l’on pourrait se poser à entendre certains avis à chaud qui adoubent The Revenant davantage pour le « mérite » que pour l’aboutissement. Il y a quelques décennies, Sorcerer fut un enfer à tourner, comme nous le rappelait dernièrement William Friedkin. Doit-on pour autant prendre cela en considération pour juger l’oeuvre présentée aux spectateurs ? Chacun aura son avis. 

Le fait est que le long-métrage du cinéaste mexicain apparaît bien trop bancal pour convaincre. Sa recherche du viscéral tourne à l’obsession mais ne reflète finalement que sa triste désincarnation. Si son « revenant » est doté de visions, Inarritu se prend lui pour ce qu’il n’est pas : un cinéaste visionnaire. Sous sa caméra, Leonardo DiCaprio – que beaucoup souhaitent voir couronné fin février – pourrait s’en sortir avec les honneurs s’il ne sombrait pas si souvent dans la performance, affectée et sacrificielle. À la subtilité le comédien a préféré les grognements, les froncements de sourcils et la chair sanguinolente entre les canines. Face à lui, Tom Hardy en fait des tonnes, pas aidé par un personnage grossièrement écrit. 

Que reste-t-il à sauver de ce The Revenant terriblement artificiel ? Bien peu. On retiendra le premier segment du film, qui promettait tant (avant de décevoir outrageusement). Lors des vingt premières minutes, toute la maestria du technicien Lubezki s’exprime – malgré l’abus presque maniaque des plans-séquences successifs – nous offrant un aperçu du film que l’on n’aura jamais. 

Privilégiant la forme au fond et l’expérience de cinéaste à celle du spectateur, le dernier film d’Inarritu ressemble à s’y méprendre à une oeuvre égoïste, déséquilibrée et sado-maso, mais surtout à une entreprise assez vaine. Repousser les limites de la souffrance et décupler la labeur pour susciter l’admiration des aficionados ? Voilà le pari raté de l’aventure The Revenant. Un film de technique sans scénario que beaucoup voient déjà comme une réussite cinématographique majeure de ce début d’année. The revenant montre les muscles mais n’a rien dans le cerveau. Pénible. 

La fiche

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THE REVENANT
Réalisé par Alejandro Gonzales Inarritu
Avec Leonardo DiCaprio,  Tom Hardy, Domnhall Gleeson…
Etats-Unis – Aventure
Sortie en salle : 24 Février 2016
Durée : 156 min

 




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dasola
8 années il y a

Bonjour тном ряи, je ne suis pas sûr d’aller voir ce film n’étant pas une grande fan de Di Caprio et puis Birdman m’avait ennuyée. A posteriori, le seul film que j’ai aimé d’Inarritu c’est Amours chiennes qui est une vraie réussite. Mais il semble que ce réalisateur a désormais une très bonne cote à Hollywood. Bonne fin d’après-midi.

Rillettes
Rillettes
8 années il y a

Excellent ! Descendre un film nominé 12 fois aux Oscars… Quel cinéphile, quel esprit critique ! Bravo, le Web entier se souviendra de votre courage d’avoir détruit un film « hypé ». Ca alors, on n’avait jamais pensé à le faire avant. Félicitations.

tinalakiller
8 années il y a

@ Rillettes : et alors, être nommé 12 fois aux Oscars, c’est un gage de qualité ? Il dit juste son avis et a le mérite d’être honnête et non de lécher comme le font trop certains blogueurs justement…
Perso comme j’ai du mal avec Inarritu, j’avoue que je redoute ce film et ta critique semble confirmer tout ce que j’appréhende… J’adore Leo, j’ai envie qu’il ait un Oscar mais pas sûre que ce soit pour ce film (je le préfère chez un Scorsese quoi).

Truffe
8 années il y a

Voici une critique des plus perspicace, lucide et pénétrante.
Voilà quelqu’un qui ne c’est pas laissé aveugler par la lumière du jour de ce film, qui selon moi y est la seule chose intéressante.

selenie
8 années il y a

Incompréhension… C’est un pur chef d’oeuvre et à tous les niveaux…

Vigilambule
8 années il y a

« The revenant montre les muscles mais n’a rien dans le cerveau. » Vous donnez là une définition juste du cinéma d’Iñárritu. À l’image des blessures de Di Caprio, la signature du cinéaste mexicain gangrène le film.

Espérons que votre texte aidera les nombreux critiques et blogueurs élogieux à sortir de la fascination pour les muscles bandés.

Mélanie
Mélanie
8 années il y a

Bonjour.
J’aimerai beaucoup avoir un espace où publier mes critiques.
Comment puis-je intégrer votre équipe de rédaction ? J’ai quelques critiques que je peux vous envoyer.

Merci d’avance pour votre réponse.

tiitii
8 années il y a

Ce que je vois de surfait c’est la critique, et son auteur qui apparemment voulait a tout prix etre négatif.

s’arreter sur des détails (comme la scène du foie) pour justifier une soit disant pauvreté scénaristique…

c’est un film qui fait passer bcp de sensations, qui a suscité bcp de réactions dans la salle.

je suis en total désaccord avec cette critique volontairement désabusée

Ynausicaa
Ynausicaa
8 années il y a

Merci! J’ai lu tant dd critiques élogieuses que pendant un moment, je me suis demandée, si j’avais vu le même film.
Je l’ai trouvé long et chiant, pénible, et long et chiant. Un vrai supplice, j’ai même crié ma joie à la fin…. D’ailleurs, je sentais dans la salle un ennui certain excepté quelques personnes… qui me gêne c’est tiut le tapage autour, ce qui m’intéresse c’est le produit fini et non la conception. 12 oscars pour ça!! Sérieusement. …..
Pour ma part, di Caprio ne mérite pas un Oscar pour ce film… J’ai préféré D. Gleeson et T. Hardy, même si son personnage est grossier….

Truc
Truc
8 années il y a

La mode est aux critiques remplies d’insultes. Chronicart a fait pareil. Slate pareil. Libé aussi.

En feignant de déconstruire un produit « marketing » pour les Oscars on en vient à ne plus parler du film lui-même. Comme si la critique avait pu être écrite en ne lisant que la promotion du film et en ne regardant que les bandes-annonces. Avec des à priori négatifs sur Innaritu. L’avis était formé avant d’avoir vu le film et dès lors il était largement improbable de pouvoir apprécier et ressentir l’objet filmique présenté.

C’est vraiment dommage de consacrer autant d’énergie à aller voir un film qu’on sait qu’on aimera pas juste pour pouvoir le descendre avec une galerie de qualificatifs péjoratifs. Encore plus chiant à lire qu’une critique qui fait une description plate ou s’arrête au scénario.

Quelques uns ont tenté de réfléchir dessus, de proposer une analyse plutôt d’une note et un jugement qui n’intéressent pas plus qu’un commentaire Allociné (voir la dernière chronique du Fossoyeur de films avec notamment une analyse intéressante de la dernière séquence)

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