THE IRISHMAN | Martin Scorsese, invité de prestige au festival Lumière

Martin Scorsese est une rockstar. Tout du moins c’est vraiment l’impression qu’a donné le retour sur les terres lyonnaises du Prix Lumière 2015 pour la présentation en avant-première de The Irishman (diffusé sur Netflix à partir du 27 novembre prochain). Deux mille places vendues en trente secondes, euphorie dès l’entrée (censée être discrète) du cinéaste dans la salle, standing ovation avant même sa montée sur scène, et sortie sous une nuée de fans rêvant de décrocher l’autographe-Graal de leur réalisateur fétiche.

Quelques moments d’accalmie ont quand même pu permettre à Bertrand Tavernier, qui n’avait pu être présent lors de la remise du Prix Lumière à Martin Scorsese, de lui rendre hommage en disant quelques mots. « C’est quelqu’un dont je me sens proche. J’ai envie de parler d’amitié, de générosité, de partage. C’est ce que je ressens en lui, dans ses films, dans ses actions pour le cinéma. » Il a évoqué l’amour de Martin Scorsese pour le cinéma « pas pour des produits, mais pour des films, du monde entier ».

Martin Scorsese est ensuite monté sur scène, en compagnie de sa productrice Emma Tillinger, pour s’entretenir avec Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier. « Chaque film est une aventure, et celui-ci m’a épuisé. Quand on fait un film, il faut le faire totalement. » Bertrand Tavernier a alors cité Michael Powell qui disait que chaque film était une exploration, et qu’il faisait des films pour découvrir quelque chose. « On a envie d’apprendre, de découvrir ensemble » a confirmé Scorsese.

Thierry Frémaux a alors demandé au cinéaste s’il avait encore des choses à apprendre avec Robert De Niro. « Je pensais que je n’avais plus de film à faire avec lui, et surtout pas encore dans le milieu de la mafia. Mais il y a neuf ans, il est venu me voir avec ce livre (celui de Charles Brandt, qui a inspiré The Irishman, ndlr) et la façon dont il me l’a raconté, avec beaucoup d’émotions, étant déjà le personnage, m’a donné envie de faire ce film. Avec le scénariste Steven Zaillian et Robert De Niro, on avait très envie de parler du temps qui passe, de ce que la vie est devenue. Dès qu’on a décidé de le faire, j’avais le film en tête, son style. Pas exactement sa forme finale, mais je savais où j’allais et il fallait que je le fasse coûte que coûte, qu’il soit réussi ou non. Et l’état actuel du cinéma m’a encore plus donné envie de le faire. » Thierry Frémaux a alors évoqué la petite polémique que Scorsese a récemment suscité en séparant le cinéma commercial de divertissement et le cinéma en tant qu’art. Et le cinéaste de développer : « Aujourd’hui, les films commerciaux américains sont tels des parcs d’attraction. Ce n’est pas ça le cinéma. C’est une partie du cinéma, mais ça n’est pas que ça. Les cinéastes, jeunes ou vieux, doivent se battre pour faire leurs films et les montrer, quel que soit la façon de les montrer. N’abandonnons pas. » Revenant au film, Bertrand Tavernier a évoqué son scénariste, Steven Zaillian, avec qui Martin Scorsese avait déjà travaillé sur Gangs of New York. « La structure de son scénario était passionnante, elle permettait aux acteurs de se sentir très à l’aise pour explorer les dialogues, improviser tout en restant dans le cadre de cette structure. »

Martin Scorsese à Lyon

Copyright photo Festival Lumière

Et les acteurs sont effectivement au cœur de The Irishman, puisqu’il s’agit avant tout d’un film de personnages et de liens qu’ils tissent entre eux. Le portrait de l’Amérique des années 50 à 70 dans le milieu trouble des relations entre politique et mafia, centré sur la mystérieuse disparition du dirigeant syndicaliste Jimmy Hoffa, intéresse bien évidemment Scorsese, mais n’est pas au centre du film. Il compose la première moitié de celui-ci, au rythme plutôt soutenu, assez scorsesien, et laissant une belle place à l’humour. Mais le film commence ensuite à se poser, à changer de ton, allant plus vers les sentiments et l’émotion. Et l’on comprend alors que tout ce qui a précédé n’était finalement qu’une introduction à la scène centrale du film, et au véritable sujet de celui-ci, le regard d’un homme sur sa vie, au crépuscule de celle-ci. On peut logiquement y voir un film testamentaire pour Scorsese, mais on peut aussi, et surtout, se laisser porter par l’émotion de cet homme qui restera hanté jusqu’à la fin de sa vie par le remord et l’impossibilité de s’offrir une rédemption.

Portée par ses acteurs (on soulignera notamment le retour en force de Pacino), même si le rajeunissement numérique parasite parfois leurs prestations, The Irishman est une œuvre fleuve, l’image d’une vie. Sa durée peut être difficile à appréhender, paradoxalement au début, lors d’une première partie parfois un peu répétitive mais qui se justifie dès lors que le film prend son envol et encore plus dans sa conclusion, où l’émotion prend le dessus.



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