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SÉLECTION | 40 films à découvrir en 2023

Une année de cinéma s’est achevée, avec notamment à son extrême fin la naissance d’un auteur venu du Pakistan, et déjà il faut se projeter dans une nouvelle arène aux nombreux enjeux. Si la marche en avant des sorties hebdomadaires a repris son rythme soutenu, le retour dans les salles de cinéma commence à peine à se ressentir sur les chiffres des exploitants français. Très présents dans les grands festivals européens, nos espoirs pour 2023 sont à cheval entre les films déjà vus, et pour beaucoup énormément appréciés, mais il y a également toute une somme de films encore à l’état de promesses. Cet état des lieux est donc profondément duel, entre le bonheur de partager nos découvertes de l’année écoulée qui vont enfin trouver leur aboutissement en salles, et les espoirs qui sont autant de paris sur l’avenir. Cette sélection n’a pas vocation à l’exhaustivité, elle est le fruit d’un regard et d’une subjectivité dans la lignée de notre ligne éditoriale.

Le premier trimestre va voir fleurir de grands films, tous couronnés par les prix les plus prestigieux possibles en festivals, que ce soit en provenance de Berlin, Cannes, Locarno, Venise ou San Sebastian. Le réservoir est donc de grande qualité dès le mois de janvier, avec la programmation des Nos soleils, deuxième film de la réalisatrice catalane Carla Simón. Ours d’or et grand coup de cœur de la dernière Berlinale, le film retrace l’histoire d’une famille de l’arrière pays de Barcelone confrontée à la crise du monde agricole. À la fois touchant, subtil et bien écrit, il est la confirmation d’une autrice à suivre qui, à tout juste 30 ans, se signale par une maturité dans sa mise en scène et une grande qualité dans la direction d’acteurs, tous non professionnels.

Nos soleils
Comme à chaque début d’année, ce n’est pas un, mais deux films d’Hong Sangsoo qui attendent patiemment leur date de sortie. Si le deuxième, Walk-Up, n’est pas encore inscrit officiellement sur le calendrier français, le premier, lui aussi récompensé à Berlin par le Grand prix du jury, arrive le 15 février avec pour titre La romancière, le film et le heureux hasard. Comme souvent chez le réalisateur coréen, il est surtout question de rencontres ici, et de la surprise qui peut naître de ces mises en situation à la lisière du comique. HSS réussit avec beaucoup de talent à convoquer une sensibilité et une gravité qui tranche avec certains de ces derniers films, avec l’omniprésence de la mort, motif récurrent dans son œuvre récente, soulignée par le choix du noir et blanc, aussi glaçant que dans son Hotel by the river.

La romancière
Toujours en Asie, c’est du coté de la Chine rurale que nous emmène Le retour des hirondelles de Li Ruijun (8 février). On retrouve une communication assez troublante avec le film de Carla Simón, l’auteur chinois s’attachant au destin de travailleurs de la terre, mais ici rejetés par leurs familles respectives. Le couple au cœur du film se compose par arrangement, par un concours de circonstances aux antipodes des histoires d’amour traditionnelles. L’âpreté du décor et des situations de cette autre Chine crève littéralement l’écran, célébrant des « damnés de la terre » dont personne ne veut, mais luttent pour leur survie avec une dignité hors du commun.

Le retour des hirondelles
Sept mois après la fin du dernier festival de Cannes, de belles surprises sont également proches de leurs sorties officielles. Un petit frère de Léonor Séraille (Jeune femme), qui avait conclu la compétition officielle, va permettre la révélation au plus grand nombre d’Annabelle Langronne, sublime incarnation de cette mère arrivant d’Afrique avec deux de ses fils. Sur plus de deux décennies, Séraille nous raconte la difficile acclimatation de cette famille à la société française, entre zèle et échecs, notamment pour ce frère aîné qui peine à trouver sa place dans la géographie mouvante de sa famille imposée par sa mère.

Un petit frère
Toujours du coté de la compétition cannoise on retrouve le nouveau film du talentueux Kirill Serebrennikov, La femme de Tchaikovski (15 février). Après la Fièvre de Petrov et sa forme déroutante, c’est un nouveau film tout aussi exigeant du réalisateur russe, avec toujours cette mise en scène déroutante qui est sa marque reconnaissable. Histoire gorgée de surprises et de pièges, il faut parvenir à se laisser séduire par une proposition de cinéma qui maltraite son spectateur, lui demandant une capacité d’analyse à la hauteur des rebondissements exposés à l’écran autour d’un personnage féminin extrêmement singulier.

La femme de Tchaikovski
Issu de la sélection Un certain regard, Retour à Séoul de Davy Chou est la confirmation du grand talent de cet auteur franco-cambodgien. Producteur de talent, on lui doit Onoda d’Arthur Harari, c’est avec cette histoire d’adoption en Corée du sud qu’il inaugure l’année 2023 dès le 25 janvier. Jimin Park est Freddie, élevée en France par ses parents adoptifs, qui se retrouve subitement par un aléa dans son pays d’origine, sans qu’elle l’ait vraiment souhaité. Chou se saisit de cette problématique de l’adoption en Corée, de la quête d’identité et de ce qu’elle déclenche comme tumultes chez une jeune femme qui avait jusque là enfoui toutes ces démarches. Chaque tranche temporelle voit Freddie devenir quelqu’un d’autre, dans des sauts de puce qui sont autant de réinventions d’un moi en pleine construction. Retour à Séoul est un film magnifique de sensibilité pour un auteur qui n’en finit pas de progresser dans son art.

Retour à Seoul
Caméra d’or de cette édition cannoise, prix couronnant le meilleur premier film toutes sélections confondues, War pony est l’oeuvre des deux réalisatrices Riley Keough et Gina Gammell. Plongée au cœur d’une réserve amérindienne du nord des Etats-Unis, c’est une galerie de portraits intergénérationnels que dressent les deux autrices. Elles s’attachent à regarder de jeunes acteurs, de l’adolescence au début de l’âge adulte, avec une douceur et une qualité d’écriture qui permet de s’affranchir des clichés souvent retrouvés dès qu’il est question de ces marges de l’Amérique. Les jeunes hommes de War pony subissent certes beaucoup de violences, mais Gammell et Keough réussissent au bout du compte à raconter une autre vision de la masculinité « native american », notamment grâce au personnage de Bill, jeune père volage affranchi des stigmates de la violence attendue. Par le sourire et une nature positive envers et contre tout, Bill rayonne jusque dans les histoires des autres protagonistes, portant un message d’espoir lumineux et sublime. Sortie le 29 mars.

War pony
Pour clore le chapitre cannois il faut souligner les deux belles sorties provenant de la sélection de la Semaine de la critique, la première de la déléguée générale Ava Cahen. C’est tout d’abord le miraculé Aftersun qui voit une sortie pour le 1er février, tout d’abord dévolu à une vision en ligne sur le site Mubi. Comme pour First Cow de Kelly Reichardt avant lui, c’est la société de distribution Condor qui permet au public français de pouvoir découvrir le premier film de Charlotte Wells en salle. Paul Mescal et Frankie Corio y jouent ce père et sa fille pour ce qui ressemble à leurs dernières vacances ensemble. Récit syncopée d’un temps révolu, illustré par des films en vidéo réalisée par la jeune fille, Aftersun est un film autobiographique qui relate les derniers souvenirs joyeux et douloureux d’une relation père fille complexe, sans idéalisation, confrontant les souvenirs au drame et à cette banalité de l’éloignement qui peut s’imposer dans la vie d’une famille.

Aftersun
C’est enfin L’Eden (la Jauria), Grand prix de la Semaine de la critique, qui voit sa sortie annoncée pour le 22 mars prochain. Cette histoire comprise toute entière dans la jungle colombienne, explore la vie d’une petite colonie de réinsertion de jeunes hommes, coupés de la société après avoir commis des délits. Entre le récit initiatique et l’onirisme conféré par ces lieux si particuliers, Andres Ramirez Pulido séduit par la beauté de ses images qui convoque un imaginaire à mille lieux de l’urbanisme des grandes villes sud-américaines.

L'Eden
La Mostra de Venise fut également un creuset de films ambitieux et remarqués qui ne vont pas manquer d’alimenter les grands moments de l’années à venir. Le Lion d’or de cette dernière édition est l’oeuvre de l’américaine Laura Poitras, au titre poétique, Toute la beauté et le sang versé. Programmé pour le 15 mars, ce documentaire raconte l’histoire croisée de la photographe Nan Goldin et de l’oxycotin, une drogue anti-douleur qui a couté la vie à 500 000 étasuniens en à peine plus de deux décennies. L’équilibre entre ces deux thématiques, et le troublant parallèle entre une artiste aussi réputée que Nan Goldin, le monde de l’art contemporain, et la famille ayant fait sa richesse sur ce fléau qu’est l’oxycotin, est passionnant, témoin de tout le talent de la cinéaste.

Toute la beauté
De la compétition de la Mostra on retiendra également le nouveaux film de Joana Hogg, The Eternal daughter (22 mars), histoire très britannique sur un voyage d’une mère et sa fille sur le chemin de leurs souvenirs, mais également L’immensitá d’Emmanuele Crialese (11 janvier), où brille une incandescente Penelope Cruz, aussi à l’aise en italien que dans sa langue maternelle l’espagnol. Le choc le plus important fut sans doute le premier film de Todd Field depuis 2006 (Little children). Avec Tár, le réalisateur américain réussit un « everest » de mise en scène, créant de toutes pièces un personnage de cheffe d’orchestre, servie par une Cate Blanchett au sommet de son art (sortie le 25 janvier).

C’est enfin deux films des sélections parallèles de la Mostra qui avaient retenus notre attention. Tout d’abord, Blue jean de Georgia Oakley (14 avril), se déroule en 1988 dans un Royaume Uni encore très hostile aux communautés LGBT, et met en lumière un personnage de femme, enseignante et queer, menant une double vie. Enfin, Pour la France de Rachid Hami, son deuxième long-métrage après La mélodie (2016). On y retrouve Karim Leklou et Shaïn Boumedine, frères que tout oppose, jusqu’à la mort du plus jeune pendant sa scolarité à Saint-Cyr. Bouleversante histoire, Pour la France voyage sur plusieurs continents, de l’Algérie où la famille est originaire, jusqu’à Taïwan où l’un des frères est allé passé une année en Erasmus.

Blue jean
Pour terminer cette première partie du panorama de nos attentes, il convient de citer le nouveau film de Steven Spielberg, The Fabelmans (22 février), nouvelle itération autobiographique de l’auteur de Rencontres du Troisième type. Chaque nouveau film du grand réalisateur américain semble être un testament à venir pour une œuvre qui n’a pas cessé d’être passionnante à chaque ajout à sa déjà très longue filmographie.

Règle 34
En guise de post-scriptum à cette première partie de nos attentes pour 2023, et de promesses finales pour cette liste de films passés par les festivals de l’année écoulée, comment ne pas citer Règle 34 de la brésilienne Júlia Murat, grande gagnante du dernier festival de Locarno. Geste singulier, décalé et ambitieux, c’est un film différent et brillant qui est promis à une vitrine française le 7 juin prochain. Et enfin, Los Reyes del mundo (29 mars), Coquillage d’or au dernier festival de San Sebastián, de la réalisatrice colombienne Laura Mora, qui nous emmène dans les rues de Medellin pour mieux s’en éloigner et gagner l’arrière pays de la grande ville du pays. Ces deux films consacrent deux jeunes réalisatrices sud-américaines portant deux projets de mise en scènes singuliers qui vont marquer le cinéma d’auteur de 2023 de leur empreinte.


À venir : 40 films à attendre en 2023 – 2e partie




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