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PREMIER CONTACT | Pourquoi ce film est déjà un classique

Rares sont les films qui donnent l’impression, dès le premier regard, dès ses premières minutes, d’avoir affaire à une œuvre qui marque instantanément l’histoire du cinéma. Premier Contact, de Denis Villeneuve, est de ceux-là. Il serait possible d’empiler les superlatifs autour ce ce classique instantané qui fraye aussi bien du côté de la science-fiction que du mélodrame. Il serait tentant d’insister sur l’unanimité qu’il a suscité au sein de la rédaction du Bleu du miroir, comme en témoigne la note maximale de 10/10 qui lui a été attribuée, ce qui – les habitués du site le savent bien – arrive aussi fréquemment qu’un passage de la comète de Haley au dessus de nos têtes… Mais le mieux, pour vous convaincre, est de laisser parler nos arguments et notre enthousiasme. Voici donc la preuve par quatre que Premier Contact est sans nul doute ce que vous aurez vu de mieux en salle cette année, et assurément depuis longtemps !

>> Lire la critique de Premier Contact

La grammaire SF est parfaitement maîtrisée et réinventée

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Dans la lignée de toute sa filmographie, Denis Villeneuve s’attaque avec brio au film de science-fiction en s’inspirant des chefs d’œuvre du genre (il y a indéniablement ici du Kubrick, du Nolan et du Malick), tout en s’appropriant cet univers. Premier Contact réinvente totalement le film d’invasion extraterrestre en construisant un nouveau langage et prouve que le sujet peut devenir bien plus passionnant sans renfort d’explosions massives et de FX dégoulinants.

L’esthétique des vaisseaux et des aliens confine au sublime, avec comme point d’orgue la modélisation du langage des deux extra-terrestres, qui rappelle les tâches de Rorschach. Le récit se veut complexe avec ses multiples lectures et son lot de théories métaphysiques, cependant, malgré son sujet exigeant, il est accessible au plus large public possible.

On n’échappe pas à la lecture géopolitique de ces évènements, qui est également traitée de manière originale et qui parvient à raconter autrement les standards manichéens du genre. Côté photographie, Bradford Young (qui passe après le grand Roger Deakins), et à qui l’on doit notamment A Most Violent Year et Les Amants du Texas distille une ambiance hypnotisante et cotonneuse qui enveloppe si bien le drame intimiste qu’est surtout Premier Contact. Un drame fantastique qui flatte notre rétine et qui est à ranger du côté des plus belles et étonnantes découvertes de 2016 !

Julian Bocceda

Il n’a absolument rien à envier à « Interstellar »

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Dans Premier Contact comme dans Interstellar, il est question de découverte. Pour le premier, Jóhann Jóhannsson compose « First Encounter », un drone ambient minimaliste et haletant ponctué de grandes levées de cordes inquiétantes. Pour le second, Hans Zimmer sublime le sacrifice du double foyer familial et terrestre de Cooper avec un « Day One » inspiré des travaux de Philip Glass sur Koyaanisqatsi. Un morceau d’ascendance, aussi patient dans sa construction que fugace dans son apogée. Johansson embrasse le thème de Villeneuve, la communication, fait du jeu du calme et de la tempête un question-reponse à décrypter presque scientifiquement. Zimmer y préfère des accords largement plus conventionnels, inscrits dans le patrimoine génétique culturel de chacun, à apprécier dans leur spontanéité, leur inhérente acceptation.

Il n’est pas nécessaire d’aimer Interstellar pour aimer Premier Contact. Au contraire, peut être. La tragédie est évidemment centrale dans les deux œuvres. Elle meut les personnages dans une même interrogation aux frontières du divin et de l’humain – quelle vie pour ceux qui ont trompé la mort – et, plus généralement, floue la frontière d’échelle entre le foyer et l’ensemble de l’humanité. Pourtant, Premier Contact met en péril la raison pure de ses personnages, mus par leurs certitudes scientifiques, tandis qu’Interstellar confronte leur foi (largement inspirée et mise en scène par le prisme biblique) face à la vacuité du néant. Grâce à Premier Contact, les déçus d’Interstellar se réconcilieront sans doute avec les grandes épopées SF humanistes. Ceux déjà convaincus par le dépassement spirituel de Nolan trouveront avec Villeneuve un complément magistral dans son exercice scientifique. L’humanité, même au cinéma, ne peut se résoudre à n’être uniquement raison, ou uniquement foi. 

Robin Souriau

C’est un film passionnant sur le langage

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« Tu t’attends à Star Wars et tu vois ça… » L’expression agacée entendue à la sortie d’une avant première de Premier Contact en dit long. Oui, ceux qui espèrent des guerres intergalactiques et des aliens dézingués sans sommation en seront pour leur frais. Ici, c’est avant tout à une bataille pour se comprendre à laquelle on assiste. Louise Banks, l’héroïne, est linguiste. Son rôle est d’entrer en communication avec les extra-terrestres, de décrypter leur écriture et de recueillir leur message, qu’il s’agisse d’un appel pacifique ou d’une déclaration de guerre.

Ainsi, un signe déchiffré comme symbolisant le nom commun « bien » doit il être plutôt traduit comme « arme » ou comme « outil » ? Cet exemple tiré du film illustre les enjeux à l’oeuvre car d’un malentendu peut naître un conflit dévastateur. Cela n’a l’air de rien sur le papier mais, sur l’écran, cela donne un résultat aussi passionnant que tendu. Premier contact célèbre le pouvoir des mots, leur double tranchant, leurs implications létales.

Ce n’est pas un hasard si Louise Banks apparaît comme un contrepoids de taille aux autres humains – essentiellement des hommes – qui l’entourent dans sa mission. Aux militaires sur le qui-vive (pour ne pas dire bellicistes) et au scientifique goguenard (apôtre de la logique incontestable de la démonstration scientifique), elle oppose sa propre intelligence livresque doublée d’une approche émotionnelle. Elle ne met pas son ressenti en sourdine, elle ne le néglige pas et cette autre forme d’écoute aura une influence primordiale dans la tournure que prendra le récit.

Premier contact parle avant tout de communication, sous toutes ses formes : le dialogue avec soi, les discussions avec autrui (cf. la scène du trajet en hélicoptère qui s’amuse avec les voix étouffées s’échappant des casques des passagers), la tentative d’échanger avec l’inconnu, la nécessite de s’entendre avec ses homologues étrangers sur le terrain stratégique ou diplomatique… Premier Contact prône au final l’ouverture à l’autre en faisant primer l’attention portée à autrui sur la parole. En laissant l’écoute des autres mettre quiconque à l’abri des coups des autres. En somme, une leçon d’humanité et d’humilité.

Fabien Randanne

Amy Adams met tout le monde d’accord

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Jusqu’alors, Amy Adams faisait partie de cette catégorie d’actrice qui étoffe sa filmographie mais qui n’a pas encore l’aura d’une Julianne Moore, d’une Kate Winslet. L’année 2016 risque pourtant de changer la donne puisqu’elle aura enchaîné – en l’espace d’un mois, dans le calendrier des sorties – deux rôles éblouissants qui pourraient bien lui offrir la consécration suprême à Hollywood en février prochain. Sauf si Emma Stone ou Isabelle Huppert en décident autrement.

Sublime dans Nocturnal Animals, attendu chez nous début janvier, elle est d’une parfaite justesse dans ce Premier Contact qu’elle porte sur ses épaules avec force et fragilité. Quasiment de tous les plans, son jeu transcende la délicate pudeur du propos de Villeneuve et sa narration en focalisation subjective. Rarement – jamais ? – n’avait-on autant ressenti l’impact de ce que pouvait représenter pour un être humain le fait de se retrouver face à un extra-terrestre. Cette expérience que nous fait « vivre » Villeneuve marque durablement et il ne faudra pas oublier d’en créditer la comédienne américaine, après avoir chanté les louanges de l’équipe technique pour la merveilleuse photographie, l’enivrante bande-originale, le prodigieux mixage sonore et le fabuleux montage qui font monter la tension crescendo jusqu’à son paroxysme lors de son imposant premier contact.  

Les interactions suivantes, moins exhaustives et plus éliptiques, n’en seront pour autant pas dénuées de mystère et de grandeur, apportant une à une leur pièce supplémentaire à ce majestueux édifice villeneuvien qui finira par nous renverser puissamment, lorsque l’universel se lie à l’intime alors que le noeud de l’intrigue amorce sa résolution, jusqu’à son épilogue prodigieusement bouleversant lors duquel le regard vertigineux d’Amy Adams se révèlera infiniment signifiant. 

Thom Prn

Si Premier contact décolle d’un postulat d’une simplicité absolue, il bouscule une infinité de références pour s’en détacher avec une désarmante maestria et ne ressembler, au final, à aucun autre film du genre. Un grand film, une oeuvre de SF dense et inclassable, un classique instantané.




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fatizo
fatizo
7 années il y a

« Il n’a rien à envier à Interstellar ».
Pardon, c’est 100 fois mieux qu’Interstellar.
Ce film parle à ce qu’il y a de plus beau en nous,il est un ssommet d’humanité et profondément intelligent.

Robin Souriau
Répondre à  fatizo
7 années il y a

Yes, la formule n’est pas optimale. L’idée du paragraphe tient davantage dans le fait que les deux sont complémentaires, ou du moins, qu’on n’a pas besoin d’en aimer forcément un pour apprécier l’autre. Ayant trouvé mon compte sur les deux, le sentiment est sympa, parce que chacun traite de l’humanité dans un angle assez différent !

Alexander_R
Alexander_R
7 années il y a

Je comprends pas cette manie de le comparer à Interstellar, qui est une des plus grande arnaque ciné SF, film aussi bête qu’un Star Trek (version Abrams) mais qui se prend pour un 2001 / Star Trek (version Wise)…

Arrival a ce qui fait d’un grand film SF, être une parabole de notre monde actuel, ce monde qui n’arrive pas à se parler, qui ne se comprends pas, qui à peur de l’autre, etc…

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