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PORTRAIT | Rooney Mara n’a peur de rien

Et si Rooney Mara était en train de bâtir la filmographie la plus excitante et audacieuse de ces dernières années ? Celle qui irradiait le Song to song de Terrence Malick, aux côtés de Ryan Gosling et Michael Fassbender, et hante désormais vos esprits avec A ghost story s’est discrètement imposée dans le paysage cinématographique du 21e siècle, entre seconds rôles mémorables et premiers rôles époustouflants. Née près de New-York, la fille de Timothy C. Mara et Kathleen McNulty voyage beaucoup après ses études, fondant notamment l’association Faces of Kibera pour venir en aide aux enfants de l’immense bidonville de Nairobi avant d’envisager une quelconque carrière d’actrice comme sa soeur, Kate. « J’ai su très tôt que j’avais envie de jouer… mais aussi que je ne voulais, en aucun cas, être un enfant acteur. Je voulais vivre d’autres expériences avant de me lancer. J’ai choisi de voyager dans le cadre de mes études en Équateur, au Pérou, en Bolivie. Puis, plus tard, au Kenya… Jusqu’au jour où je me suis sentie prête. »

Après plusieurs années d’étude et d’activité caritative, elle décide enfin de poursuivre son rêve avec la réussite qu’on lui connaît. Portrait d’une comédienne qui n’a peur de rien (ou presque) et qui sait ce qu’elle veut. 

Il y a certainement des choses qui me font peur mais je n’ai jamais craint de ne pas être capable de relever le challenge.

Un éclair puis une tornade chez Fincher

Après quelques rôles sur le petit et grand écran, elle se révèle au grand public par le biais d’une brève mais intense apparition dans le prologue de The social network, de David Fincher, revenant sur la création du réseau social Facebook. Face à Jesse Eisenberg, elle apparaît tel un éclair dans cette scène de rupture où elle ne ménage pas le personnage de Mark Zuckerberg. Le réalisateur garde en mémoire cette prestation, alors que Sony désire une actrice plus bankable, il décide de l’imposer dans le rôle de Lisbeth Salander pour le premier volet de la version américaine de la saga Millenium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes (The girl with the dragon tattoo).

Forte de cette confiance, celle-ci s’investit corps (elle ira même jusqu’à se faire tatouer et piercer) et âme pour entrer dans la peau de cette protagoniste surdouée et viscéralement asociale.« Porter du noir et écouter de la musique sur mon i-Pod ne suffisait pas à me rendre gothique. » Sa prestation éblouissante révèle une actrice incroyable capable de se métamorphoser et de complètement disparaître derrière son personnage indomptable, décrochant au passage une nomination plus que légitime aux Oscars et aux Golden Globes. L’audace récompensée et la prouesse d’avoir éclipser la version bulldozer de Rapace. 

Confirmation chez Lowery, Soderbergh et Jonze…

L’actrice enchaîne alors, déjà, des collaborations judicieuses avec David Lowery, dans la fresque criminelle Les amants du Texas aux côtés de Casey Affleck, puis Steven Soderbergh dans le thriller Effets secondaires – où sa prestation insaisissable ne manquait pas de semer le trouble – et enfin face à Joaquin Phoenix dans le très contemporain et mélancolique Her de Spike Jonze. Amante maudite, patiente manipulatrice et fiancée évanescente, ses performances captent l’attention. Même si ses temps de présence demeurent moins importants que dans Millenium, la nouvelle étoile scintillante du cinéma indépendant confirme son ascension en choisissant ses collaborateurs et ses rôles avec rigueur et exigence. Combien d’actrices prometteuses se sont jusqu’à présent noyées dans le marasme de l’industrie hollywoodienne, répondant avec urgence aux sirènes du succès ? Car Rooney Mara ne calcule pas et sait que la popularité peut très vite s’évaporer. Elle privilégie donc l’envie.

« Je ne sais pas ce que peut attendre le public de moi. Et la vie est trop courte pour s’embarrasser de questions sans réponse. Je ne suis pas dupe. Je sais pertinemment qu’au cinéma, le coup de projecteur braqué sur vous est éphémère. Du jour au lendemain, vous êtes totalement passée de mode, une autre petite nouvelle a surgi à votre place et vous n’y pouvez absolument rien. ». Millenium lui a donné la chance d’avoir « le choix », alors elle en profite pour faire ce qu’elle aime, pour bosser avec des réalisateurs qui la stimulent. 

La consécration chez Haynes

Alors qu’Alicia Vikander choisit de devenir Lara Croft et que Brie Larson et Lupita Nyong’o rejoignent des franchises Marvel, Rooney Mara continue de sillonner les routes du circuit indépendant comme a pu notamment le faire Carey Mulligan. Ne pas se vendre et continuer à chercher l’excitation dans des projets certes risqués mais artistiquement plus riches. Rooney Mara cultive la singularité plutôt que garnir son tiroir-caisse. Elle préfère l’indépendance et se décrit comme une solitaire. Un aveu qui va pourtant à contre-pied de la culture populaire et de l’omniprésence médiatique. 

En 2015 arrive sa première consécration grâce à Carol de Todd Haynes. Face à sa charismatique partenaire Cate Blanchett, c’est pourtant elle qui décroche le prix d’interprétation au festival de Cannes pour son personnage de vendeuse de grand magasin tombant amoureuse d’une femme aisée. Honorée par la profession, elle voit sa côte d’amour décupler mais sera pourtant injustement oubliée aux Oscars l’hiver suivant. 

La magie chez Malick

Après un blockbuster dispensable pourtant réalisé par Joe Wright (Pan), Mara enchaîne sous les radars avec Una (toujours inédit en France) et The discovery (parvenu chez nous via Netflix). Elle poursuit son chemin en tenant un second rôle clé dans Lion, poignant mélodrame nommé six fois aux Oscars 2017. Se fiant plutôt à ses tripes qu’aux nombres de chiffres sur le chèque, elle prend des risques et participe à l’interminable production de Song to song, sous la direction de l’un des génies du Septième art, Terrence Malick. Cinq années d’allées et venues sur le tournage n’auront pas raison de son investissement et c’est au beau milieu de l’été 2017 que débarque dans les salles cette enivrante et gracieuse fable amoureuse mise en images par le poète Malick.

Ce n’est plus une tornade mais un véritable tour de magie qui se joue sous nos yeux. Rooney Mara n’a jamais rayonné aussi intensément. Dans cette sérénade contrariée, elle est tiraillée entre Ryan Gosling et Michael Fassbender. Malick, en visionnaire qu’il est, parvient à saisir toute la fragilité et la beauté de la comédienne, guitariste déboussolée dans ce monde très superficiel de la production musicale. 

Retrouvailles avec Lowery et Davis : le meilleur est encore à venir…

Ne s’arrêtant pas en si beau chemin, Rooney Mara décide de collaborer à nouveau avec deux auteurs lui ayant fait confiance : David Lowery (Les amants du Texas) et Garth Davis (Lion). A ghost story a déjà pour lui une prodigieuse réputation suite à son passage par le festival de Sundance et sera propulsé par la passionnante société A24 qui réussit avec brio à célébrer l’audace et la créativité (comme ce fut le cas récemment avec It comes at night, Moonlight, American Honey…). Et parce qu’elle n’a définitivement peur de rien, Rooney Mara a récemment retrouvé celui qui est devenu son compagnon à la ville, Joaquin Phoenix, pour le tournage de la version cinématographique du destin de Marie-Madeleine, figure biblique dans l’ombre du Christ. Un film qui sera forcément attendu aux tournants. Mais l’actrice se fiche bien de ce que l’on peut penser d’elle. Enfin, elle devrait réaliser la passe de trois avec Phoenix puisque le couple est annoncé dans le nouveau film de Gus Van Sant – dont nous vous parlerons bientôt sur Le Bleu du Miroir. 

> > > Lire aussi : notre critique en exclu de A ghost story

Le meilleur reste à venir pour cette comédienne qui n’en a pas fini d’affirmer sa liberté et de nous épater dans les productions indépendantes. La verra-t-on un jour à l’affiche d’un film européen, voire même français ? « J’adore le cinéma français et européen. Des cinéastes comme Michael Haneke ou Gaspar Noé. J’adorerais d’ailleurs faire un film en France. Et apprendre le français pour l’occasion. ». 




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