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PORTRAIT | Cate Blanchett, l’impériale

Cannes. Glamour, tapis rouge et cinéma. Un monde de rêve, d’espérance, de diversité masculine. Un lieu régi par l’archaïsme patriarcal. Pourtant, en 2018, c’est une femme qui dirige les débats. Quatre ans après la réalisatrice Jane Campion, Cate Blanchett a succédé au cinéaste espagnol Pedro Almodovar et est devenue la 11e Présidente du Jury du Festival de Cannes (en 71 ans d’existence). Thierry Frémaux, Délégué général, et Pierre Lescure, Président du Festival de Cannes, déclaraient : « Nous sommes très heureux d’accueillir une artiste rare et singulière dont le talent et les convictions irriguent les écrans de cinéma comme les scènes de théâtre. Nos conversations, cet automne, nous promettent qu’elle sera une Présidente engagée, une femme passionnée et une spectatrice généreuse ». Difficile de les contredire tant Cate est un caméléon du cinéma assumant pleinement chacun de ses rôles allant jusqu’à en faire des projets à part entière à l’image de son dernier long Manifesto de Julian Rosefeldt ou encore le projet I’m not There où six acteurs incarnent Bob Dylan à différents stades de sa vie. Un choix d’autant plus intéressant quand on connaît l’engagement dont fait preuve Cate Blanchett en faveur des droits des femmes. Depuis l’affaire Weinstein, elle est à la pointe de la lutte contre les violences faites aux femmes dans le milieu du cinéma.

Des planches australiennes aux plateaux hollywoodiens : une actrice incontournable

Après avoir suivi une formation au Centre national d’art dramatique de Sydney dont elle sort diplômée en 1992 à l’âge de 23 ans, elle démarre sa carrière au théâtre. Elle y joue Oleanna dans la pièce éponyme de David Mamet ce qui lui vaudra le prix du meilleur nouveau venu au Sydney Theatre Critics. Après quelques rôles notables, le théâtre lui ouvre les portes du cinéma avec le recul nécessaire pour s’y épanouir. Elle s’exprime à ce sujet en ces termes : « L’industrie du film peut se prendre terriblement au sérieux et il y a une sorte de polissonnerie à jouer au théâtre. Lui seul peut donner un sentiment de longévité à une carrière ».

C’est en 1997, sous l’œil de Bruce Beresford, qu’elle fait ses premiers pas cinématographiques dans Paradise Road. Encore inconnue, son passage au cinéma est remarqué et elle voit sa carrière prendre une ampleur internationale lorsqu’un an plus tard elle incarne la reine Elizabeth dans le film éponyme de Shekhar Kapur qui lui vaudra le Golden Globe de la meilleure actrice dans un film dramatique ainsi que le BAFTA de la meilleure actrice. C’est le début de la consécration marquée par une pluie de récompenses qui parsèment son chemin artistique. Elle passe de Peter Jackson à Martin Scorsese pour lequel elle joue le rôle de Katharine Hepburn et obtient l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle. Elle poursuit chez Alejandro Gonzalez Inarritu avec Babel. En 2014, elle décroche l’oscar de la meilleure actrice pour Blue Jasmine de Woody Allen. Après avoir parcouru l’univers de plusieurs grands réalisateurs de David Fincher à Jim Jarmusch en passant par Steven Soderbergh ou Ridley Scoot, c’est la consécration. Oscar, Golden globe, SAG Award, BAFTA, tous y passent et associent définitivement Cate Blanchett comme une actrice majeure de son temps.

Des rôles impliqués à l’engagement féministe : une femme influente

Femme aux multiples facettes, Cate Blanchett incarne des rôles rares et précieux de femmes dans un Hollywood qui en manque cruellement. Jouant de son physique diaphane, elle multiplie les personnalités ambitieuses, fortes et fissurées. Ce n’est pas sa récente apparition dans le très beau Carol où elle retrouve Todd Haynes qui fera croire l’inverse. Aux côtés de Rooney Mara, elle est la parfaite incarnation de l’incommunicabilité de l’amour jusqu’au lâcher-prise salvateur. Une sagesse omniprésente chez ses personnages qui on l’espère la guidera au milieu des contradictions cannoises pour nous offrir un palmarès exceptionnel.

Au-delà de ses rôles de femmes impliqués, Cate Blanchett, c’est un engagement constant pour le droit des femmes. Loin des frasques people, la nouvelle présidente du Jury a surtout le respect de ses pairs. Souvent remarquée pour ses prises de position, elle a su s’imposer comme une figure de proue d’un engagement féministe inébranlable. Elle participe ainsi à la Women’s March et à la fondation du mouvement Time’s Up au milieu de 300 personnalités féminines d’Hollywood. On retiendra alors son assertion lors de la remise de son Oscar pour la meilleure actrice : « À ceux d’entre vous dans cette industrie qui s’accrochent encore stupidement à l’idée que les films parlant des femmes, avec une femme comme personnage principal, sont des films de niche : ils ne le sont pas. »

Cate, c’est aussi une voix atypique, puissante et hypnotisante. Une signature à jamais gravée au commencement de la guerre de l’anneau chez Peter Jackson. Une résonance à jamais marquée de flottements métaphysiques chez Malick. Un timbre unique qui séduit, ensorcèle la chair et qui, couplé à un regard magnétique, fini de convaincre cinéastes et spectateurs. Toute une stature qui lui donne une aura troublante.

Finalement, Cate Blanchett c’est le choix logique pour un festival qui prône année après année un discours d’ouverture. Dommage que sa sélection ne soit pas toujours le miroir de ses volontés. Néanmoins, cette année, on note une envie de renouvellement avec de nombreux « inconnus » en lices. Une résolution dont la personnalité de Cate Blanchett vient épouser les contours. Entre charme à l’ancienne et modernité salutaire. Une alliance qui, couplée à l’ensemble d’un Jury passionnant, aspirera à créer d’audacieuses surprises. Le festival en a terriblement besoin.




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