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PIFFF 2019

Le Journal du PIFFF

Lundi 16 et mardi 17 décembre

Un blockbuster psychanalytique, Vincent Price en acteur raté, une sanglante réunion de famille, un génie des effets spéciaux et une séance de BDSM, c’est le programme assez hétéroclite de ces deux dernières journées de festival. Résumé critique.

Super Me (Zhang Chong, 2019) : Compétition

Sang Yu est un scénariste sans-le-sou en proie à de terribles cauchemars. Mais un jour, il réalise qu’il peut ramener dans le monde réel les objets de valeurs qu’il voit dans ses rêves. Cela transforme radicalement son existence, vivant désormais dans le luxe et l’opulence. Néanmoins, un mystérieux démon ne cesse de le tourmenter dès qu’il ferme les yeux…

Avant de devenir cinéaste, Zhang Chong a étudié la psychanalyse à l’université, ce qui a eu une influence crucial sur Super Me. De fait, on peut clairement parler de «  blockbuster psychanalytique », le film déroulant tout un cours en la matière. Cette prédominance théorique est vraiment lourde, mais également assez programmatique pour quelqu’un ayant lu ne serait-ce qu’une fiche wikipedia sur le sujet. Le film garde tout de même son personnage en ligne de mire, réussissant plutôt bien à le rendre intéressant au-delà de ce qu’il incarne théoriquement. Néanmoins, l’absence de véritable antagoniste rend son récit assez poussif, le passage du deuxième au troisième acte n’ayant même pas de justification claire et précise.

Enfin, le film est bouffi d’une profusion d’effets numériques, tantôt très intéressants picturalement (le démon, les couleurs froides), tantôt assez indigestes (les dorures et autres couleurs criardes). 

Super Me est donc un film assez balourd, tant du point de vue du récit que de la mise en scène, mais se laisse plutôt bien regarder. Sa volonté d’être intelligent est louable, aussi est-ce pour cela qu’il serait idiot de le descendre.

theatre de sang

Théâtre de Sang (Douglas Hickox, 2019) : Séance Culte

Edward Lionheart, mauvais acteur ne jurant que par Shakespeare, décide d’assassiner les critiques qui avaient descendu ses pièces.

Vraie comédie d’horreur, le film vaut tout d’abord pour la performance haute en couleur de Vincent Price, qui semble prendre un pied phénoménal à jouer ce mauvais cabot se délectant de lui-même. Il faut un grand talent pour jouer un acteur qui joue mal, et Price s’en tire au la main. Leader d’une cour des miracles peuplées de clochards alcooliques, il s’attaque aux critiques d’art qui n’ont cessé de le mépriser. La vengeance de l’artiste, aussi mauvais soit-il, sur ceux qui ne sont là que pour juger, est assez passionnante à regarder, et très drôle lorsqu’on exerce justement la profession de critique (coucou !).

Changeant de costume à chaque meurtre, Lionheart se met constamment en scène, et imprègne le film d’une ambiance carnavalesque aussi macabre qu’ironique. Le film et donc très plaisant à regarder, terrain de jeu de l’une des performance les plus survoltées de Vincent Price.

Phil Tippett : Mad Dreams and Monsters (Gilles Penso, Alexandre Poncet, 2019) : Hors Compétition

Mythique directeur d’effets visuels, Phil Tippett est l’homme qui se cache derrière les premiers (les vrais) Star Wars, les deux premiers Robocop, Jurassic Park, ou bien encore Starship Troopers. Homme de l’ombre, il a pourtant apposé son style sur quelques unes des plus grandes oeuvres cinématographiques de l’histoire. Le film est aussi bien le portrait d’un artisan que celui d’un véritable artiste.

Comme Le Complexe de Frankenstein (2015), ce nouveau film de Penso et Poncet est fort d’une documentation abondante, que ce soit au travers des extraits de films, des interviews, des making off, que des dessins préparatoires. Le film est donc confortable à regarder et à comprendre, arrivant brillamment à révéler l’artiste passionné se cachant derrière ce regard bourru et cette barbe hirsute. On aurait peut-être aimé l’entendre d’avantage concernant la façon dont il conçoit son propre univers, même si les images peuvent se suffire à elle-même. Plus précisément, il aurait été intéressant d’expliciter le possible lien philosophique entre les oeuvres personnelles de Tippett (notamment ce fascinant Mad God), et son travail sur de grosses productions.

On chipote un peu, car ce film, comme tout le travail des deux réalisateurs, est une  oeuvre précieuse, admirable d’érudition et d’amour du cinéma.

dogs don't wear pants

Dogs Don’t Wear Pants (J.-P. Valkeapää, 2019) : Séance de clôture

Juha porte le deuil de son épouse. Alors qu’il accompagne sa fille dans un salon de piercing, ses déambulations le font tomber dans un salon de BDSM. Il rencontre alors une dominatrix, avec qui il va nouer une étrange relation, entre plaisir et douleur.

Le film parie sur une mise en scène maniériste et froide, aux propositions plastiques par ailleurs assez remarquables. Néanmoins, passé la première scène de bondage, le récit dit déjà à peu près tout de son sujet. Aucun des deux personnages n’évolue vraiment, si ce n’est au travers d’une escalade de la douleur qui prend finalement assez peu d’ampleur. Le point de vue de Juha est rapidement inintéressant, sa conversion au BDSM étant très rapide, contrairement à celui de sa dominatrice, sur lequel le film bascule très ponctuellement. La fascination laisse alors sa place au trouble, et les images expriment enfin une réelle émotion. Malheureusement, cela ne concerne que deux ou trois séquences du film, qui du reste apparaît comme un geste assez vain et surfait.

Dimanche 15 décembre

De la chirurgie esthétique à l’étau, une battle royale et un film à mystères : petit programme bien sympathique pour cette cinquième journée de festival (ça commence à piquer, mais on tient bon !)

Vise (Yasuhiko Shimizu, 2019) : Compétition

Un séduisant chirurgien esthétique s’appuie sur le diktat de la beauté pour vendre à ses clientes le rêve d’un visage idéal. Sa méthode de travail reste néanmoins assez… rudimentaire.

Premier film de Yasuhiko Shimizu, Vise est vendu comme un brûlot anarchiste dénonçant la standardisation des corps et de la pensée. Le scénario a été écrit par Nagano, un comique japonais haut en couleur, bien décidé à surprendre son public avec cette oeuvre supposément sulfureuse.

Les premières quarante-cinq minutes sont plutôt plaisantes. La farce côtoie l’horreur, le ton est cruel, les fulgurances visuelles surréalistes sont intéressantes (même si on pense clairement à du sous-Sono Sion). Puis quand arrive la seconde partie, où l’on sort du « cadre médical » pour entrer dans la cavale, le film devient brouillon, s’attardant sur de nouveaux personnages à la fonctionnalité beaucoup trop apparente (croiser la route du chirurgien). Viennent ensuite quelques scènes cocasses et gores, qui n’apportent pas grand chose à un récit qui a déjà tout dit de sa pensée. La voix-off finale, qui sur-explicite  de façon austère un discours assez simplet (« Soyez vous-même, dans toute votre originalité »), achève ce film qui se pense trop par le prisme de la provocation pour être authentique. Brouillon et surfait. Tout le monde n’est pas Sono Sion…

battle royale

Battle Royale (Kinji Fukasaku, 2000) : Séance Culte

C’est avec une grande excitation que nous redécouvrons l’un des films les plus énervés du XXIe siècle, sur grand écran ET en copie 35mm. Battle Royale n’a rien perdu de sa superbe, les instructions du professeur Kitano provoquant encore et toujours le même frisson malsain, irradiant le cadre à grand coups de hache et de mitrailleuses. Très cruel envers ses personnages, le film de Fukasaku marque encore et toujours pour son atmosphère anxiogène, hystérique et paranoïaque, dont l’un des points culminants est sans doute la scène de massacre dans le phare.

Le baroud d’honneur d’un réalisateur qui avait alors plus de soixante-dix ans au moment de faire le film, traumatisant les années 2000 avec une radicalité aussi ravageuse qu’inspirante. Chef-d’oeuvre absolu.

I See You (Adam Randall, 2019) : Compétition

L’officier Greg Harper ne connaît pas la période la plus faste de sa vie. Sa femme l’a trompé, son fils tire la tronche en permanence, et voilà que la disparition d’un jeune garçon vient faire écho à une affaire censée être bouclée depuis quinze ans. Pour couronner le tout, d’étranges événements surviennent dans sa vaste maison…

Troisième long-métrage du réalisateur américain Adam Randall (après Under Control et iBoy en 2016), I See You est un thriller domestique à mystères. Aussi est-ce pour cela qu’il est très difficile d’en parler, sous peine de gâcher le plaisir de ses futurs spectateurs. Sachez simplement que le film est brillamment écrit (même si on pourrait trouver une zone d’ombre ici ou là), jouant avec les attentes des cinéphiles afin de les surprendre à chaque instant. Son dispositif nous rend attentifs, vigilants, à la recherche du moindre indice dans l’arrière-plan afin de découvrir l’envers de ce décor mystérieux. Maîtrisé, efficace, une autre excellente surprise de la compétition

Samedi 14 décembre

Un splendide film gothique italien, la cambrousse irlandaise sur fond d’incantations satanistes, et des chasseurs de taureau aussi énervés que leur proie, c’est le programme de ce journal du PIFFF – Jour 4 (oui le jour 3 n’est pas encore là, mais la critique de Mope est sympa, donc un peu de patience !)

The Nest (Roberto De Feo, 2019)

Samuel est un jeune paraplégique consigné à domicile par sa mère, autoritaire et inquiétante. N’ayant aucune connaissance du monde extérieur, son quotidien s’illumine à l’arrivée de Denise, une nouvelle domestique. Son affection pour elle va le faire sentir de plus en plus prompt à braver les nombreuses interdictions imposées par sa mère.

D’une haute tenue visuelle, le film de De Feo marque tout d’abord pour la beauté de sa photographie, variant les éclairages et les couleurs dominantes pour chaque nouvelle pièce de ce manoir si mystérieux. À noter également le magnifique travail sur le son, qui utilise avec beaucoup d’intelligence et de finesse la puissance du silence, malheureusement délaissée par le cinéma d’horreur mainstream. Isolé de tout et de tous, Samuel n’a que de la musique classique pour occuper ses oreilles, comme un écho froid et mélancolique à l’autarcie spatio-temporelle qu’on lui impose. Mais lorsque Denise lui fait découvrir en secret la chanson Where Is My Mind ? des Pixies, tout se décloisonne, l’austérité laissant sa place à une chaleur humaine assez bouleversante.

The nest
Le film, dans la lignée de The Village de Shyamalan, aborde clairement la question de l’innocence (ou d’une certaine idée de celle-ci) confrontée à la supposée violence d’un monde sans foi ni loi. Comme une (méchante) reine de conte de fée, le personnage de la mère, magnifiquement interprété par Francesca Cavallin, ne rechigne pas à la cruauté afin de préserver ce qu’elle considère comme étant juste et bon. Un vrai personnage de monstre, qui essaie tant bien que mal de mettre son monde en adéquation avec sa pensée, quitte à détruire la vie de ses proches.

Énigmatique, fascinant, The Nest touche autant pour sa délicatesse que pour sa cruauté, jamais gratuite, et toujours mélancolique. L’un des plus beaux films de la compétition

Extra ordinary film

Extra Ordinary (Mike Ahern et Enda Loughman, 2019)

Rose Dooley (Maeve Higgins) est une ancienne médium. Même si elle peut toujours communiquer avec les morts, elle a juré de ne plus utiliser son « talent », préférant se consacrer à sa carrière de monitrice d’auto-école. Elle rompt néanmoins sa promesse lorsqu’elle rencontre Martin Martin (Barry Ward), un veuf houspillé par l’esprit de sa défunte épouse, ainsi que Christian Winter (Will Forte), un chanteur de variété adepte de rituels sataniques.

Drôle et jubilatoire, le film d’Ahern et Loughman marque tout d’abord pour la caractérisation assez fine de ses personnages, attachants en toutes circonstances (même celui qui veut sacrifier une vierge), et incarnés avec brio par les trois acteurs cités plus haut. Bien évidemment, Will Poulter (Midsommar, MacGruber, The Last Man on Earth) dévore l’écran, mais c’est bien Maeve Higgins, drôle et faussement innocente, qui l’emporte vraiment dans le film.

Sorte de Ghostbusters absurde en Irlande rurale, Extra Ordinary ne se fourvoie jamais dans une absurdité gratuite, où les gags l’emporteraient sur les personnages ou l’intrigue. C’est justement parce que le film estime et aime tous ses protagonistes qu’on en ressort avec le sourire, remplaçant le sordide par le potache, le mal par l’absurde, l’altérité horrifiante par une tendresse étrange.

Jallikattu

 Jallikattu ( Lijo Jose Pellissery, 2019)

Un film où le chaos embrase l’image, dont le point culminant est la folie collective, et dont on ne ressort clairement pas indemne. 

> > > Lire la critique du film

Disponible sur Amazon Prime

Vendredi 13 décembre

Une communauté d’homophobes hardcore, un slasher culte qui a pris un sacré coup de vieux, un bad trip spatio-temporel et les dessous de l’industrie porno low-cost : une journée « chargée », dans tous les sens du terme…

Spiral (Kurtis David Harder, 2019) : compétition

Malik et Aaron emménagent avec la fille de ce dernier dans un quartier a priori progressiste. Mais rapidement, des événements étranges surviennent, et Malik ne peut s’empêcher de constater que l’attitude de ses nouveaux voisins est quelque peu… inquiétante. S’inscrivant pleinement dans le sillon de Get Out, le film d’Harder s’attaque à son tour à l’hypocrisie des élites libérales américaines, dont le progressisme autoproclamé semble trop artificiel pour ne pas être objet de soupçons. 

Le film investit une figure incontournable du cinéma d’horreur, qui est celle du « monde possible ». À travers elle, la réalité, filmée de façon ordinaire, suggère presque constamment la présence d’un « arrière-monde » monstrueux. L’image sort donc immédiatement de l’univocité, et le moindre élément devient un indice pour le personnage qui pense que quelque chose ne tourne pas rond. 

Spiral film
Dans Spiral, seul Malik voit l’envers du décor. Même si le film tente de brouiller les pistes, on comprend rapidement que ses inquiétudes ne sont pas complètement le fruit de la paranoïa. Cela constitue d’ailleurs une limite, dans la mesure où l’horreur déborde du cadre beaucoup trop tôt dans le récit. Le film n’arrive pas vraiment à se conjuguer à l’ambiguïté, et tient plutôt en haleine les spectateurs en les frustrant au travers de personnages aveugles. Dès lors, leur caractérisation en est fragilisée, car elle se confronte constamment à un danger évident. C’est particulièrement le cas pour le personnage d’Aaron, qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, et qui passe clairement pour un nigaud.

Le principal mérite du film est de transformer le politiquement correct de la bourgeoisie blanche en une vaste mascarade, dont les racines homophobes et racistes remonteraient à des temps lointains. À ce titre, Spiral semble avoir une ambition mythologique assez forte concernant l’altérité qu’il met en scène. Néanmoins, son déploiement est soit trop élusif, soit inutile et hors sujet dans sa concrétisation fantastique. Le manque d’informations ne suscite pas vraiment l’ébahissement, mais la frustration de voir un proto Get Out.

Spiral reste plutôt de bonne tenue, mais peine a vraiment se démarquer d’autres productions horrifiques contemporaines, en raison d’une mythologie horrifique brouillonne et d’un récit programmatique.

The Wave (Gilles Klabin, 2019) : compétition

Frank est un avocat d’affaire à la vie bien rangée. La veille d’une réunion décisive, il rejoint l’un de ses collègues dans une beuverie nocturne, et absorbe un hallucinogène extrêmement puissant, qui va littéralement lui changer la vie…

La force du film est de ne jamais quitter son personnage principal. Comme lui, nous nous perdons dans les méandre de l’espace et du temps, constamment redéfinis, que ce soit au travers du son, de raccords abruptes, ou d’ellipses cachées. Les expérimentations formelles sont intéressantes, même si les effets spéciaux numériques sont parfois assez moches, frôlant parfois la bouillasse. 

the wave film
Les pirouettes scénaristiques permettent régulièrement au film de sortir de la répétition du bad trip, et de l’inscrire dans un horizon fantastique assez passionnant. Dès lors, le chemin de croix du héros, très convenu, se double d’une résignation existentielle bouleversante, et pour le coup assez inattendue.

Sans être révolutionnaire, The Wave est un petit plaisir high-concept qui mène bien sa barque, servi par l’interprétation solide de Justin Long.

Vendredi 13 (Sean S. Cunningham, 1980)

En 1957, un jeune garçon meurt noyé dans les eaux de Crystal Lake, aux abords d’un camp de vacances. Un an plus tard, un couple de moniteurs est sauvagement assassiné. En dépit de tous ces signes inquiétants, le Camp Crystal Lake rouvre ses portes…

Vendredi 13 est une oeuvre importante dans l’histoire du cinéma d’horreur, même si c’est plutôt un mauvais film. Deux ans après le bien meilleur Halloween de John Carpenter, le film de Sean S. Cunningham entérine les règles du « slasher », sous-genre horrifique qui inondera les salles de cinéma et les vidéos clubs pendant les années quatre-vingt et le début des années quatre-vingt-dix.

vendredi 13 film
Victime du temps, le film ne peut se regarder au premier degré, ses règles étant beaucoup trop explicites pour des yeux familiers de slashers postmodernes. On retiendra les effets spéciaux de Tom Savini, pratiquement le co-réalisateur du film, qui peuvent encore susciter un embryon d’intérêt aujourd’hui.

Mope (hors compétition)

Lire la critique du film MOPE, présenté hors compétition

Jeudi 12 décembre

Un gamin chelou, un amour impossible entre deux assassins, une « collection mortuaire » et du Friedkin à gogo : c’est le jolie programme que s’est concocté votre serviteur en cette deuxième journée du PIFFF, et dont voici le résumé critique.

The Hole in the Ground (2019, Lee Cronin) : Compétition

En Irlande, Sarah emménage avec son fils Chris dans une vieille bourgade reculée, en espérant démarrer une nouvelle vie. Mais après la découverte d’un immense cratère dans les bois environnants, le petit garçon voit son comportement changer, ce qui inquiète de plus en plus sa mère…

The hole in the ground
Premier long-métrage du réalisateur irlandais Lee Cronin, The Hole in the Ground invoque un certain nombre de thèmes horrifiques déjà abondamment traités et repris dans l’histoire du cinéma de genre : le doppelgänger, l’altérité incarnée par un enfant innocent, la relation mère/fils, etc. Dès lors, la ritournelle du « déjà vu ailleurs et en mieux » peut rapidement caresser vos oreilles, le film n’ayant pas vraiment l’ambition de réinventer son sujet ou ses motifs. De même, on y retrouve énormément de poncifs esthétiques trop basiques pour surprendre (le gamin qui dévisage tout le monde, la dilatation du temps et de l’espace, la découverte du monstre par un trou de serrure, le jeu du chat et de la souris…), enfermant le film dans un horizon programmatique assez convenu.

Le tout reste néanmoins de bonne tenue, efficace (à la limite de l’expéditif) dans sa narration, tentant même d’avoir un embryon d’ambition mythologique dans son dernier quart d’heure. The Hole in the Ground est donc relativement divertissant, mais pâtit d’un manque cruel d’ambition, de fantaisie, et d’inventivité.

The Bride with White Hair (Ronny Yu, 1993) : Séance Culte

Zhuo Yihang, redoutable guerrier du clan Wu-Tang, tombe amoureux en plein champ de bataille de Lian Nichang, membre d’une secte rivale dirigée par une soeur et un frère siamois, aussi fous que cruels. Leur passion semble donc plus que compromise…

bride
Avant de partir aux Etats-Unis pour réaliser (entre autres) La Fiancée de Chucky (1998) et Freddy contre Jason (2003), le réalisateur Ronny Yu réalisa bon nombre de film hongkongais, le plus connu restant sans doute The Bride with White Hair.

Objet d’une magnifique restauration 4K, le film rince immédiatement les yeux de l’ordinaire. Que ce soit au travers des prises de vue presque systématiquement débullées, de l’abondance de plans rapprochés, de la photographie baroque et expérimentale signée Peter Pau (qui travaillera notamment sur Tigre et Dragon de Ang Lee), ou bien encore de l’omniprésence de ralentis, le film de Ronny Yu invente la grammaire d’un univers unique, violent et érotique. La tragédie shakespearienne y côtoie une cruauté aussi grotesque que cauchemardesque, accentuant l’émotion vibrante qui nous traverse face à cette histoire d’amour toujours déjà zénithale. La prestation du couple d’acteurs (Brigitte Lin et Leslie Cheung) est remarquable, faisant se côtoyer pulsions de violence et pulsions érotiques. 

On espère que Ronny Yu saura un jour retrouver la flamme qui lui a inspiré ce film remarquable. 

The Mortuary Collection (Ryan Spindell, 2019) : Compétition

La jeune Sam répond à une offre d’emploi proposée par une société de pompes funèbres. Elle est reçue par Montgomery Dark, un croque-mort autour duquel circulent plusieurs rumeurs inquiétantes. L’entretien d’embauche prend la forme d’une série de récits macabres, racontés par le taulier puis par la Sam elle-même.

the mortuary collection
Après avoir réalisé le court-métrage The Babysitter Murders (2015), le cinéaste américain Ryan Spindell décide de l’inclure dans une anthologie horrifique intitulée The Mortuary Collection, composée de quatre histoires. Ses références sont bien évidemment Creepshow et les Contes de la Crypte, mais si la voix de Clancy Brown est beaucoup plus ténébreuse que celle du gardien cadavérique de la crypte.

Le film à sketches est souvent un exercice périlleux, la première difficulté consistant à rendre les différentes histoires aussi percutantes les unes que les autres. The Mortuary Collection n’y arrive pas vraiment, mais a néanmoins le mérite d’en avoir conscience, en explicitant dans le dialogue entre les deux personnages de l’histoire principale les limites des différents récits que nous voyons. Le procédé est plutôt malin (même s’il est facile), car il permet de modérer les ambitions de chacune des histoires, partant d’un pur plaisir horrifique de monstre tentaculaire avec la première, pour atteindre une mélancolie tragique assez touchante avec la troisième. Le twist de la fin est plutôt bien orchestré, concluant cet hommage généreux et pop à un genre se faisant de plus en plus rare. On regrettera peut-être la relative laideur du numérique combiné à une photo démesurément criarde et coloré, qui ne demanderait qu’un peu de grain pour avoir un minimum de charme.

Leap of Faith : William Friedkin on the Exorcist (Alecandre O. Philippe, 2019) : Hors Compétition

Le film consiste en une série d’interviews de Friedkin, qui aborde plusieurs questions de la production de L’Exorciste, que ce soit celle de l’adaptation à celle de de sa foi personnelle.

Suivi des cinéphiles depuis son excellent documentaire The People vs. George Lucas (2010), Alexandre O. Philippe n’a pas chômé ces derniers temps, ayant réalisé deux nouveaux films en 2019 : Memory : The Origins of Alien, et donc Leap of Faith.

Absolument passionnant, le film donne la parole à Friedkin, qui comme à son habitude en  use abondamment. Mais il est ici « canalisé » par deux lignes directrices claires : d’une part celle d’un destin, et d’autre part celle de la foi. Au travers d’un récit presque mystique, il nous raconte la production de l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma, son rapport instinctif à la création, sa folie lorsqu’il s’agit de capter l’authenticité d’un moment, ses expérimentations sonores absolument géniales (qui lui ont valu une embrouille avec Bernard Hermann), etc.

La fin du film est vertigineuse, car le réalisateur aborde plus spécifiquement l’enjeu de la foi, consubstantiel de celui du point de vue et du regard. On comprend que son mysticisme est tributaire d’un amour acharné  et viscéral du cinéma, vénérant son « Dieu film » avec une passion qui se reflète dans son regard à chaque instant. Comme en écho au déchirement que connaissent chacun des personnages de son film (Karras avec sa mère, Chris avec sa fille), il évoque dans la dernière séquence le trouble qu’il a eu face au jardin Zen de Kyoto, reflet symbolique d’une humanité éternellement séparée de l’autre. Les larmes aux yeux, il conclut une immense leçon de cinéma, doublée d’une grande leçon de vie.


Mercredi 11 décembre : Soirée d’Ouverture

Bravant le froid et les aléas de la grève, les spectateurs du PIFFF ont rempli la salle du Max Linder ce mercredi soir, afin d’assister à une soirée d’ouverture très attendue. Au programme, le retour du grand Richard Stanley, qui revient sur le devant de la scène avec Color Out of Space, et la venue de Melvin ZED, grand spécialiste de la saga Mad Max, qui signe le documentaire Archeologist of the Wasteland, portrait d’un fan hardcore de Mad Max 2.

richard stanley au PIFFF
 

Color Out of Space (Richard Stanley, 2019)

> > > Découvrez la chronique du film

Parlons tout de même du court-métrage qui a introduit la soirée, Abyssus, réalisé par Kim Westerlund. Le concept est simple : un homme se réveille dans un cercueil, enterré vivant. Même si l’on a une impression de déjà-vu (Kill Bill Vol. 2, Buried…) le film fonctionne plutôt bien, très oppressant dans son dispositif et dans sa dramaturgie (que ça doit faire mal de se casser un ongle sur un clou). Le twist fantastique de la fin est néanmoins un peu bâclé, constituant plus un moyen de mettre fin à l’intrigue qu’un réel enjeu dramaturgique.

critique color out of space

Archeologist of the Wasteland (Melvin ZED, 2019)

Melvin ZED est un spécialiste de la saga Mad Max. En attendant son livre monstre sur le sujet, il nous présente un documentaire, Archeologist of the Wasteland. Le film est un portrait d’Adrian Bennett, fan hardcore du film Mad Max 2, qui a quitté son Angleterre natale afin de fonder un musée entièrement dédié à sa passion en Australie. Persuadé que certaines voitures du film se trouvent enterrées sur les lieux du tournages, il se met en tête d’entreprendre des fouilles afin de les retrouver.

Le film a une ligne directrice assez passionnante, au sens où il arrive assez bien à retranscrire l’impact qu’a eu Mad Max sur toute une génération de spectateurs, jusqu’à donner un sens à leur vie. C’est le cas d’Adrian Bennett, dont la biographie est consubstantielle de la saga, et qui est prêt à remuer ciel et terre afin d’assouvir sa passion. Le propos est bienveillant, passionné. On regrettera quelques petits défauts, notamment le montage de la partie biographique, un peu artificielle (on croirait regarder RMC Découverte), une musique un peu trop présente, ainsi que l’absence criante d’images des films abordés. L’avantage, c’est que cela donne de revoir les films.

 




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