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PATERSON | Prometteur ou redondant dans l’oeuvre de Jim Jarmusch ?

Après plusieurs extraits, le nouveau film de Jim Jarmusch se dévoile dans une première bande-annonce. Elle narre le quotidien paisible d’un chauffeur de bus prénommé Paterson, poète à ses heures perdues. Jim Jarmusch est sûrement l’un des derniers réalisateurs américains qui accorde du prix au style, ce que des écrivains comme Marcel Proust et Christian Guillet ont défendu en insistant sur son aspect fondamental en art. Difficile de les contredire quand on observe avec fascination les personnages de Jarmusch prospérer dans leur univers où s’entremêlent beauté, poésie, musique, originalité et mélancolie.

Jarmusch à la croisée des chemins

La bande annonce met en exergue la fin d’une démarche artistique chez Jarmusch dans la mesure où il aborde de front ce que tous ses autres films exprimaient tacitement. À travers le personnage de Paterson interprété par un Adam Driver stoïque, Jarmusch semble pointer du doigt l’essence même de l’art pour lui : révéler à ceux qui ne peuvent déceler le Beau, dissimulé dans les moindres détails d’un quotidien coloré en apparence banal et monochrome.

C’est pourquoi Paterson pourrait être un des films les plus essentiels de notre époque : il incarne à lui seul la lueur d’espoir que tant de gens ne parviennent plus à distinguer, obnubilés par un flot ininterrompu d’images télévisuelles désespérantes créant un cadre anxiogène qui ternit l’optimisme et contamine la joie. À Paterson d’établir ce qu’est pour Jarmusch un poète, à savoir un film « visionnaire et hors-la-loi ».

Paterson relève les limites d’un style

Malheureusement, Jarmusch avec Paterson illustre le fait que tout artiste ayant un style prédéfini risque parfois de s’autocaricaturer. Avant lui, des réalisateurs comme Wes Anderson et Quentin Tarantino ont commencé à provoquer la lassitude avec respectivement The Grand Budapest Hotel et Django Unchained (2013) ; les obligeant presque à bifurquer vers une nouvelle approche pour enrichir leur style. C’est ce qu’attend désormais le public de Jarmusch, qui voit ressurgir dans la bande-annonce de Paterson les sempiternels éléments composant un film de Jim Jarmusch.

La mélancolie dévore de nombreux personnages jarmuschiens, de Bill Murray dans Broken Flowers (2005) à Tom Hiddleston dans Only Lovers Left Alive (2014). Mais cette mélancolie est toujours traitée de manière à faire des personnages de Jarmusch des fantômes, des pantins désarticulés sans émotion qui rappellent les figures sombres de Tim Burton. Sans pour autant être dénués d’intérêt, ils gagneraient à être plus nuancés pour favoriser leur caractère hypnotique. Les quelques sourires qui colorent le visage d’Adam Driver – sans oublier la présence au casting de la lumineuse Golshifteh Farahani – dans la bande-annnonce en sont gage. Espérons donc que Jim Jarmusch va réussir dans la suite de son oeuvre à dessiner des personnages aussi captivants que celui qu’interprétait Forest Whitaker dans Ghost Dog (1999).




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