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MIDSOMMAR | Pourquoi il faut voir le director’s cut

Sorti le 31 juillet dernier dans les salles françaises, la version cinéma (2h27) de Midsommar était déjà considérée par de nombreux spectateurs et une grande partie de la rédaction comme l’une des œuvres cinématographiques les plus marquantes de l’année. Mais le réalisateur Ari Aster a rapidement émis le souhait de présenter au public une Director’s Cut du film. Encore loin des supposées quatre heures du premier montage, cette nouvelle version rallonge le film d’une petite demi-heure, atteignant la durée finale de 2h51. Ce geste s’avère tout à fait pertinent, tant il permet de corriger les quelques limites dramaturgiques que certain(e)s avaient pu voir dans la version cinéma. Plus vertigineuse, désespérée et horrifiante, cette Director’s Cut saura convaincre les quelques réfractaires de la première heure. On vous explique pourquoi.

Un décloisonnement des enjeux dramatiques

Dans la version cinéma, la colonne vertébrale du film était l’enjeu de la relation entre Dani et Christian. Au travers d’une première heure tout à fait remarquable, Ari Aster mettait en scène la mauvaise fois du jeune homme, sorte de pervers narcissique extrêmement égoïste, qui arrivait toujours à rejeter la faute sur sa petite amie, alors en pleine détresse émotionnelle. Il était évident que l’héroïne ne méritait pas ce minable, et que leur rupture allait arriver tôt ou tard. Dès lors, le film adoptait une structure tragique, qui n’était pas problématique en soi, mais qui pénalisait la montée en tension dramaturgique. Dani était déjà meurtrie dès le départ, Christian était minable dès le départ, et il fallait presque deux heures au film pour finalement concrétiser ce qu’on avait déjà compris depuis le début. Les méfaits d’Hargå ne venaient que souligner cela, ne dépassant jamais le niveau d’ébahissement horrifique du premier rituel. Si bien que quand arrive la fameuse scène cathartique, pouvait naître chez certain(e)s un sentiment d’évidence lasse, voire une forme de déception.

Or, dans la Director’s Cut, la souffrance de Dani dépasse plus clairement la simple relation avec son petit-ami. Même si on pouvait déjà entrapercevoir l’hypocrisie générale de Christian dans la version cinéma, elle est développée ici de telle sorte à ce que le comportement du jeune homme soit aussi révoltant que pitoyable. De fait, Christian est minable avec tout son entourage, notamment avec son ami Josh, à qui il vole son sujet de thèse alors qu’il l’avait porté à bout de bras pendant sa scolarité à l’université. Sa faiblesse n’a d’égale que son orgueil, si bien qu’il suscite à la fois l’antipathie et une forme de tristesse presque condescendante. On retrouve ce double sentiment dans le regard de Dani, lorsqu’elle apprend, dans une scène rajoutée, la trahison de son petit-ami envers Josh. Dès lors, on mesure à quel point Christian est un « faible », au sens nietzschéen du terme, là où Dani, aussi meurtrie soit-elle, témoigne presque jusqu’à la fin d’une force éthique assez remarquable.

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Aussi, le dernier rituel ne règle pas vraiment le problème, car Christian ne méritait même pas d’en être la source. Sa mort n’est pas si cathartique que cela, car la véritable souffrance de Dani, par-delà l’absence de soutien de son (feu) petit-ami, c’est bien la perte de sa soeur et de ses parents. Du coup, la fin est toute aussi glaçante que dans la version cinéma, mais encore plus désespérée, dans la mesure où on ne saura jamais si Dani arrivera à vivre avec cette peine si profonde, que la mort de Christian ne saura jamais vraiment consoler.

Enfin, l’accoutumance « problématique » de la jeune femme aux rites et pratiques de la communauté est également renforcée par rapport à la version cinéma, la secte relevant ici encore plus de l’altérité, car familière de pratiques infanticides. Un nouveau tabou, sans doute le plus malsain, qui n’est pas gratuit dans le mesure où il trouve une conclusion glaçante dans la scène du dernier sacrifice, faisant de Dani la complice inconsciente d’une entreprise monstrueuse.

Peut-être certain(e)s avaient déjà vu ou senti dans la version cinéma ce qui est présenté ici comme étant plus clair dans la Director’s Cut. Aussi, cette nouvelle version peut avoir un intérêt assez relatif pour les convaincu(e)s de la première heure, là où elle peut être indispensable pour ceux ou celles qui n’avaient pas été convaincu(e)s par la version cinéma.


Version cinéma et director’s cut disponibles dès le 2 décembre (éd. Metropolitan films).




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